Indemnisation d'une femme pour une IVG ratée qui a débouché sur la naissance d'un enfant non voulu
80 000 couronnes : c’est le montant des dommages et intérêts qu’une femme de 26 ans obtiendra pour la naissance de sa fille venue au monde sans handicap quelconque. La mère sera indemnisée parce que son enfant est né à la suite d’une interruption de grossesse ratée. Une affaire sans précédent qui bouleverse la société.
La femme qui veut garder son anonymat a porté plainte contre l’hôpital de Jihlava pour lui avoir pratiqué une interruption volontaire de grossesse ratée. La femme attendait des jumeaux, mais un des deux fœtus n’a pas été enlevé et la grossesse a débouché sur la naissance d’une fille. Cela s’est passé il y a 8 ans. La mère qui avait alors 18 ans, explique qu’elle était en situation personnelle et sociale difficile et que la grossesse la stressait énormément :
« Psychologiquement c’est difficile à exprimer, j’ai été sans moyens et cela m’a empêché de continuer mes études… »
La femme a porté plainte contre l’hôpital aussitôt après la naissance de sa fille en demandant un dédommagement de 400 000 couronnes pour les revenus dont elle a été privée en rapport avec le congé de maternité imprévu. Selon son avocat, il ne faut pas mettre en relation la demande de dédommagement de sa cliente avec sa fille qu’elle aime : aujourd’hui, elle est mère de trois enfants et son cas devrait être un enseignement pour les médecins.
Vendredi dernier, à l’issue de 8 ans de procès, le tribunal de Brno a rendu le jugement qui ne donne que partiellement suite à la demande de la partie plaignante. Le juge Michal Ryška explique les raisons pour lesquelles la somme de 400 000 couronnes demandées a été réduite à 80 000 :
« La reconnaissance de cette somme serait une insulte à tous ceux qui ont perdu une personne proche et qui n’ont pas eu droit à un dédommagement supérieur à 240 000 couronnes, le montant de la somme considérée comme légitime. »La question fondamentale qui s’est posée lors du procès : comment la mère veut-elle expliquer à sa fille qu’elle a demandé un dédommagement pour sa naissance ? Les psychologues formulent de sérieuses inquiétudes : ce sera un choc pour la fille qui, tôt ou tard, apprendra la vérité, choc qui risque de troubler son rapport envers sa mère et la confiance réciproque. Václava Masáková, psychologue clinicienne pour enfants :
« Le problème est que la mère déclare publiquement que son enfant est un enfant non voulu. »
Ce cas est sans précédent dans l’histoire judiciaire tchèque et Michal Ryška qui a prononcé le verdict, n’a pas trouvé d’équivalent à l’échelle européenne. Pour Rostislav Nesnídal, directeur du Centre pour la famille, la décision de porter plainte pour la naissance de l’enfant est amorale et constitue un précédent alarmant dans une situation où les plaintes contre les hôpitaux se multiplient. Quant à la mère de la fille non voulue, elle pense lui dire la vérité quand elle sera plus âgée – « en temps opportun. » Des psychologues doutent toutefois qu’une telle opportunité se présente vraiment.