La Prague du routard
Entretien aujourd'hui avec David Alon, collaborateur régulier de Radio Prague et rédacteur du Guide de Routard à Prague et en Europe centrale.
Depuis combien de temps travailles-tu pour le Guide du Routard ?
« Ça fait cinq ans que je travaille pour le Guide du Routard, sur la région République tchèque-Slovaquie, parfois Pologne et Hongrie aussi. »
Tu viens de finir la nouvelle édition de celui de Prague - en quoi consiste concrètement le travail ?
« Cette année, c'était assez important, parce que nous avons procédé à un grand ravalement de façade, l'idée étant d'éliminer toutes les adresses vieillotes. Donc on a vraiment renouvelé le guide avec beaucoup de nouveaux restaurants et des hôtels plus 'nouvelle génération'. »
Combien de temps ça prend ?
« Pour un guide-ville, comme Prague, ça prend une semaine sur le terrain, et à peu près une semaine d'écriture. »
Ça veut dire que tu visites tous les musées, que tu testes tous les restos et goûtes la bière dans tous les bars de Prague? J'imagine que non... mais comment ça se passe ?« En fait, c'est vrai qu'on est quand même tenu de voir un maximum d'adresses. L'actualisation est vraiment réelle chaque année. Bien sûr on a un temps limité, donc on ne peut pas manger partout. Mais il y a beaucoup d'éléments qui permettent de se faire une idée assez rapide, qui font partie des 'méthodes routard', des simples idées de bons sens : regarder les plats, même regarder le visage des clients. Il y a une technique qui consiste à prendre une entrée dans un restaurant, un plat dans un autre et le dessert dans un troisième, ce qui permet de faire un maximum de restaurants tout en en testant un maximum. »
Toujours en restant « incognito » ?
« Bien sûr la politique est très stricte dans ce domaine. D'ailleurs il y a même une mention dans le Routard sur le non-copinage. On est évidemment anonyme, sinon la visite n'a aucun sens, on doit passer pour le touriste lambda. »Tu fais ça depuis cinq ans, quels sont les grands changements à Prague selon toi ?
« A peu près à tous les niveaux, Prague évolue comme une ville occidentale. Les touristes déplorent toujours le problème du service, de l'accueil dans les hôtels et restaurants, mais ça change beaucoup. Pareil au niveau des restaurants, il y en a beaucoup de nouvelle génération qui proposent une bonne cuisine pas forcément chère et qui sort aussi des offres touristiques comme l'éternel goulash par exemple. Cela change vraiment progressivement chaque année. »
Tu fais le tour à un rythme accéléré. De quels autres supports te sers-tu ? Tu as les précédents guides, mais est-ce que tu compares aussi avec les guides concurrents ?« Bien sûr, on a un maximum de guides sur la destination, sachant que le plus grand concurrent du Routard est le Lonely Planet. L'idée est de voir ce qu'ont les autres guides, mais moi par exemple nous essayons d'éviter de reprendre absolument les adresses de l'autre guide sauf si c'est vraiment une adresse inévitable, par exemple un très bon resto dans une petite ville. Mais ce qu'il faut savoir, c'est que même si on met la même adresse, le contenu reste différent parce que les politiques éditoriales des deux guides sont absolument distinctes, sachant que Lonely Planet fait plutôt un listing d'adresses pour montrer aux lecteurs tout ce qu'il y a dans un périmètre avec une description très succinte, et le Guide du Routard se veut subjectif, donc en choisissant les adresses. »
On pourrait croire que c'est un métier de rêve de rédiger des guides de voyage. Concrètement, ça ne doit pas être de tout repos...« Ce ne sont pas des vacances... Quand je dis à certains de mes amis que je pars pour le Routard, ils me disent que j'ai beaucoup de chance. Bon, tout est payé bien sûr, les frais, la nourriture, les déplacements mais le travail est très intense, de 9h du matin jusqu'à minuit voire plus... »
Tu nous parlais de ravalement de façade en ce qui concerne le Guide de Prague. Tu peux nous parler des adresses que tu as enlevées ou rajoutées ?
« Concernant les adresses où dormir, dans les bas prix, il y avait beaucoup d'adresses d'anciennes cités universitaires ou de cités ouvertes aux touristes uniquement l'été. Ces adresses étaient vraiment pertinentes jusqu'à il y a peut-être encore 3 ou 4 ans. Mais maintenant il y a beaucoup d'auberges de jeunesse qui ont ouvert dans le centre avec des prix toujours aussi bas et une atmosphère plus personnelle... »
Il y en a une qui te plaît plus que les autres ?
« Il y en a une qui m'a particulièrement charmé à Prague 7, et c'est d'ailleurs intéressant pour les touristes de savoir qu'il y a beaucoup d'adresses qui sont centrales sans être dans le pur centre historique, à trois stations de tram avec des prix beaucoup plus bas et une liaison rapide vers le centre. »
Un bar que tu as rajouté, un resto qui t'a particulièrement plu ?
« Il y a un restaurant que j'ai rajouté, que j'ai beaucoup aimé et qui s'appelle Cervena Tabulka et se trouve pas très loin de Namesti Republiky, dans un espèce de coin qui rappelle un peu un village avec un clocher et une ruelle pavée. Une nourriture de qualité, une présentation soignée, un bon service et pour des prix - surtout pour un touriste français - qui sont vraiment bas. »
Dernière question : est-ce que tu abordes dans le guide les mauvais côtés qui pourraient repousser certains touristes ? Je pense par exemple aux stag-parties, à ces jeunes Britanniques qui viennent se saouler à Prague et sont partout dans le centre...
« Je crois qu'il y a une mention rapide de ce phénomène dans le Guide de Prague. Mais heureusement le phénomène est un peu en train de mourir, ce genre de touriste commence à privilégier d'autres destinations, donc il n'est peut-être pas nécessaire de développer le sujet dans le guide. Mais de toutes façons l'idée du guide, c'est de ne jamais cacher les mauvais côtés. Cela fait partie de la subjectivité du Routard, qui a un ton direct. Par exemple pour une adresse qui est bancale, on ne va pas nécessairement la supprimer mais on va vraiment expliquer en quoi on peut en choisir d'autres avant celle-là. »
D'autres mauvais côtés dans le guide, les pick-pockets par exemple ?« Sur ça, il y a vraiment des avertissements dans les 'généralités' du guide, sur les pick-pockets dans le métro, avec aussi des nuances... On essaie de ne pas dramatiser non plus, mais on en parle, on a parlé aussi des taxis et des abus, on parle de tout ça dans le guide. »