L'histoire de la ville de Hlucin où seront inhumés les restes de soldats allemands de la Wehrmacht
Près de 4000 caisses contenant les restes de soldats allemands de la Wehrmacht tombés pendant le second conflit mondial sur le territoire de notre pays, entreposées jusqu'à présent dans une usine d'Usti nad Labem, seront dignement inhumés, plus de 60 ans après, au cimetière de Hlucin. Hlucin est une ville en Silésie, aux environs d'Opava. Son nom a maintes fois figuré dans l'histoire de notre pays et ses destinées sont tout aussi remarquables que paradoxales...
Après 1945, Hlucin a réussi à négocier un « pardon général » : bien que ses hommes aient combattu aux uniformes de la Wehrmacht, la région n'en était pas punie par un transfert collectif. Le gouvernement tchécoslovaque a fait une exception. Seules quelques familles SS et quelques riches Allemands étaient transférés, 90 % de la population est restée... En été 1945, lorsque le transfert sauvage des Allemands des Sudètes culminait, 2 500 Allemands du Reich ont trouvé asile politique à Hlucin. Nulle part ailleurs, la société tchèque n'aurait accueilli, en 1945, les réfugiés d'Allemagne... Dans les années 1950, la citoyenneté tchécoslovaque était restituée à la population de Hlucin. Dans les années 1990, plusieurs milliers d'habitants de Hlucin ont demandé la nationalité allemande... Aujourd'hui, jusqu'à la moitié d'habitants de certaines communes, dont Kravare ou Kouty, a un passeport allemand.
14 000 habitants de Hlucin et 7 500 morts, victimes de guerre, inhumés ici, voilà la proportion actuelle après la décision d'y enterrer les restes de 4000 soldats de la Wehrmacht tombés sur notre territoire. Les autres 3500 morts qui restent, ce sont des soldats de la partie opposée, l'Armée rouge, qui ont trouvé à Hlucin le lieu du dernier repos. L'idée d'inhumer dignement les restes de soldats allemands était avancée par un membre de la municipalité, Mojmir Sonnek. C'est lui qui a découvert aux environs de Hlucin des pierres tombales provenant d'un ancien cimetière juif dans lequel sont inhumés les soldats de l'Armée rouge. Le cimetière juif était liquidé dès les premières années de guerre par les nazis et les pierres tombales dispersées aux environs. Mojmir Sonnek a le mérite d'en avoir retrouvées plus de 80, quelques-unes vieilles de 200 ans. C'était lui qui a proposé d'inhumer les restes de soldats allemands à Hlucin. Les caisses contenant leurs restes, entreposées d'abord dans une usine à Usti, puis dans l'ancienne zone militaire de Brdy, étaient exhumées par l'Association populaire pour l'entretien des tombeaux de guerre. Elles devaient trouver le lieu de dernier repos au cimetière de Prague-Strasnice, mais le projet n'a pas été réalisé, faute de moyens.Dans cette situation, le maire de Hlucin, David Manas, a décidé de résoudre le problème demeurant pendant aussi longtemps irrésolu : C'est un devoir pour Hlucin d'inhumer les restes de soldats allemands, par égard au fait que ses propres habitants mourraient, en uniformes allemands, et leurs corps sont dispersés en Europe, en Afrique et même en Asie :
« De la région de Hlucin, 12 000 hommes ont été appelés à servir dans les rangs de l'Armée allemande. C'est un fait qui ne peut être ignoré, et je ne peux m'imaginer que nous ne serions pas d'accord avec l'inhumation de ces soldats dans notre cimetière. En plus de cela, la partie allemande s'occupera entièrement de l'organisation et du financement, et cela ne coûtera pas un sou à la commune. »Selon le maire David Manas, la municipalité a édifié, il y a 5 ans, un nouveau cimetière au bord de la ville. Sa partie limitrophe, près d'un bois de bouleau, accueillera les cercueils de soldats de la Wehrmacht.
La rivière Odra, de son nom allemand Oder, traversant la ville industrielle d'Ostrava, comme si elle séparait deux mondes : la région silésienne de Hlucin, à l'ouest, et la région morave d'Ostrava, à l'est. Dans cette dernière, on ne trouverait pas une seule plaque érigée à la mémoire de la puissante présence d'Allemands d'autrefois, des habitants d'Ostrava tombés sur le front allemand, ou encore de victimes allemandes des gardes révolutionnaires tchèques peu après la guerre : plus de 200 femmes et vieillards mis à mort et enterrés dans le parc municipal sans que le lieu soit marqué d'une inscription. De l'autre côté de la rivière, à Hlucin, l'évolution historique mouvementée a fait que la notion « Allemand » est perçue positivement, explique le maire. Un habitant de Hlucin de 77 ans, Reinhard Vecerek, président de l'Association Deutscher Freundeskreis, lui donne raison : Hlucin appartenait à la Prusse, puis à l'Allemagne d'abord dans les années 1742 - 1920, puis encore entre 1938 - 1945. Personne ne regarde les Allemands avec la rancune. La région de Hlucin n'est pas grande, par ses dimensions, mais riche en histoire et, en même temps, une sorte de garde de traumatismes de la guerre, tout à fait particulière...