De Barrandov à Hollywood - le parcours hors du commun de Norbert Auerbach
Premier extrait aujourd'hui de notre entretien réalisé avec Norbert Auerbach, citoyen tchécoslovaque qui a conquis Hollywood, produit plusieurs des grands succès cinématographiques du XXe siècle et côtoyé les plus grandes vedettes, de Brigitte Bardot à Robert de Niro en passant par Woody Allen. Né à Vienne en 1922, Norbet Auerbach arrive dès l'âge de deux ans avec sa famille à Prague, où son père, Josef Auerbach, originaire d'un shtetl polonais, devient en quelques années l'un des plus importants producteurs de films de la Première République tchécoslovaque, à l'heure où les studios Barrandov connaissent leur heure de gloire...
Gardez-vous une certaine nostalgie de cette époque, de la Prague de la Première République tchécoslovaque ?
« Non, c'était un autre temps et un autre âge. Oui, je me rends compte maintenant qu'on vivait une vie extrêmement luxueuse qui ne s'est plus jamais renouvelée malgré le succès de mon père aux Etats-Unis. Ce sont des souvenirs que j'exagère probablement dans ma tête et je ne peux pas dire que ça me manque ou que j'y pense avec regret. »
On peut dire que si vous parliez aussi bien le français aujourd'hui, c'est d'abord parce que vous avez acquis les bases au lycée français de Prague ?
« Absolument. Mon père, qui ne parlait aucune langue, voyait déjà à ce moment-là - ce qui était assez exceptionnel à l'époque - la nécessité de parler des langues étrangères. J'étais au lycée français avec ma soeur jumelle, ma soeur aînée au lycée allemand, et nous étions élevés avec le tchèque, l'allemand, le français, l'anglais, après l'italien, l'espagnol, le portugais, etc. Les quatre premières langues sont les plus difficiles, après ça va tout seul... »Les langues étrangères vont s'avérer plus qu'utiles pour Norbert Auerbach et ses deux soeurs. Juste avant l'arrivée des nazis, la famille Auerbach fuit la capitale tchécoslovaque pour New York via Paris, Lisbonne et Rio de Janeiro.
Et c'est vêtu de l'uniforme de l'armée américaine, débarqué en Normandie trois jours après le jour J, que Norbert Auerbach reviendra pour la première fois à Prague, quelques jours après l'armistice.
« J'étais quelque part près d'Aix-La-Chapelle. J'avais quelques jours de permission alors j'ai essayé d'aller à Prague, ce qui n'était pas très facile à ce moment-là. Je suis arrivé jusqu'à Plzen en jeep, puis de Plzen à Prague j'ai pris le train. J'avais réussi à contacter notre ancien chauffeur et il était là à m'attendre à la gare avec une vieille voiture qui marchait à gaz. »
« Les premières impressions étaient celles d'une ville qui n'a pas été très abîmée, contrairement à là d'où je venais en Allemagne. La première chose que je voulais faire à Prague était de m'assurer que mon ami d'enfance, Tosek, était toujours en vie. Après j'ai visité mon ex-chauffeur, mon ex-demoiselle, puis j'ai fait un tour de Prague, on est allé chez U Fleku, etc... »
Etes-vous retourné à ce moment-là dans votre maison familiale à Barrandov ?
« Non, je ne suis pas allé dans la villa de Barrandov, qui appartenait à je ne sais qui - d'ailleurs je ne sais toujours pas à qui elle appartient. D'abord elle a été confisquée par les Allemands en tant que propriété juive. Les Allemands l'ont vendue. J'ai trouvé une lettre dans l'ancien bureau de mon père qui disait que la villa avait été vendue par le Gauleiter nazi à un Allemand pour 1 000 marks seulement... Maintenant je ne sais plus à qui elle est... »
Vous pourrez écouter des extraits de cet entretien avec Norbert Auerbach tout au long de la semaine. Dans notre émission de demain, il évoquera ses débuts à Hollywood, après sa démobilisation.