Michal Cizek, photographe de l'AFP à Prague, est auteur de la meilleure photo tchèque de 2006
Plus de 200 photojournalistes tchèques et slovaques ont participé à la 12e édition du concours Czech Press Photo. Les travaux des lauréats, récompensés le 16 novembre, sont exposés jusqu'au 30 janvier prochain à l'Hôtel de Ville de la Vieille-Ville de Prague.
Organisé sous les auspices du président de la République et du maire de Prague, le concours tchèque reprend le format de son modèle plus connu, World Press Photo. Le jury international distribue les prix dans les catégories suivantes : l'Actualité, le Reportage, les Personnalités dont on parle, la Vie de tous les jours, le Portrait, le Sport, la Nature et l'Environnement et l'Art. Des récompenses spéciales sont attribuées par le Bureau du Haut commissaire de l'ONU pour les réfugiés, par un jury UNICEF, composé d'enfants, et aussi par une revue photographique ou par les marques Canon, Kodak et Nikon.
Cette année, le jury s'est félicité du nombre croissant de séries photographiques - même dans la catégorie Actualité, basée sur la photo instantanée. Un signe, peut-être, que les photographes font plus d'efforts pour traiter le sujet en profondeur. Ils nous livrent leurs témoignages du conflit entre l'Israël et le Hezbollah, de la visite papale en Pologne, des protestations anti-gouvernementales à Budapest... Les portraits mettent en scène aussi bien des femmes tziganes stérilisées que la skieuse Katerina Neumannova après sa fabuleuse victoire aux JO de Turin ou encore les footballeurs du Banik Ostrava.
Le malaise de la politique tchèque n'est pas mis de côté. Jan Schejbal de l'hebdomadaire Tyden montre l'ancien ministre, David Rath, giflé devant les caméras par Miroslav Macek, son rival en politique et dans la vie. La photo a reçu le 2e prix dans la catégorie Actualité.
« Jak dal ? » (Et maintenant ?) Question qui a trotté dans la tête des hommes politiques après les élections législatives de juin et qui est d'ailleurs toujours d'actualité. « Jak dal ? », c'est justement le titre de la Photographie de l'année, Czech Press Photo 2006, prise au lendemain des élections par Michal Cizek, photographe de l'Agence France Presse à Prague. La photo montre un salon sombre, où l'on entrevoit des silhouettes des leaders du Parti civique démocrate en train de négocier après une conférence de presse, en intimiste, à l'abri des caméras. Une image qui, selon le jury, dégage des émotions et un suspens, qui interpelle... Michal Cizek ajoute :
« Je crois que... ma photo résume en soi la situation actuelle chez nous. Un jour, les hommes politiques se rencontrent et se mettent d'accord sur quelque chose. Le lendemain, ce n'est plus vrai. Toutes ces négociations qui n'aboutissent à rien... C'est un cercle vicieux. Cela fait un an que cela dure, avant les élections, après...Et je pense que ça va continuer. »
« Nous avons une pléiade d'excellents photographes qui mériteraient ce prix et qui ne l'ont pas reçu, au cours de ces douze années d'existence du concours. Par exemple Michal Novotny du quotidien Lidove noviny. Pour son reportage sur les malvoyants au Liberia, il n'a reçu, l'année dernière, qu'une Mention spéciale du jury. Cela m'a paru injuste. Ce même photoreportage lui a valu, cette année, le 3e prix au World Press Photo, alors... Le fait qu'on reçoive le prix ou pas, c'est plutôt un hasard, je pense. Et aussi une opinion subjective du jury. »
Jan Sibik est peut-être le photoreporter tchèque le plus en vue grâce à ses engagements dans des pays pauvres et secoués par des conflit militaires. Reconnu dans son pays comme à l'international, il a participé pour la première fois au Czech Press Photo, non pas comme auteur, mais comme membre du jury. On l'écoute :
« En regardant certaines photos retenues dans les précédentes éditions qui n'évoquaient rien en moi, je me demandais pourquoi le jury les avait choisies. Maintenant, je me suis aperçu à quel point il est difficile de choisir. Des photos, il y en a tellement... Mais si une d'entre elles arrive à toucher un membre du jury et si ce dernier trouve des arguments de poids pour expliquer son message aux autres, cette photo a de réelles chances de réussite. »
« Il serait bien, à mon avis, que les participants au concours aient la possibilité de vivre cette expérience. Avant, je pensais aussi que le jury examinait méticuleusement la qualité technique des photos, qu'ils prenaient vraiment chaque photo dans la main. En réalité, lors des deux premiers tours, ce n'est pas possible. Je peux aussi confirmer que les juristes ne connaissent vraiment pas les photos. Moi-même j'étais étonné de n'en connaître que quelques-unes, alors que je suis attentivement ce qui est publié dans les journaux et magazines. Etant donné que le jury est composé de onze membres, il ne peut pas y avoir d'influence quelconque. Quant aux lauréats de cette année, il n'y a que deux cas où je ne suis pas tout à fait d'accord avec le verdict du jury. »
Michal Cizek, auteur de la meilleure photographie tchèque de 2006, a étudié l'anthropologie culturelle à la fac de lettres avant de devenir photographe pour l'AFP à Prague. Si sa photo gagnante attise la curiosité, c'est parce qu'elle va au-delà des officialités, sort du cadre habituel de rencontres politiques. Une ambiance difficile à capter, explique Michal Cizek et décrit son train-train quotidien :« J'ai des informations sur les événements importants à venir, publiées par l'agence de presse tchèque, la CTK. Après, je vois avec la rédaction pragoise de l'AFP ce qui vaut la peine d'être traité. Mais à vrai dire, dans le contexte mondial, l'actualité tchèque n'est pas tellement intéressante... Evidemment, les élections sont un événement important, dont il faut informer. Mais si on prend la politique tchèque en tant que telle, un photographe qui s'y consacre n'a que très peu de chances de voir ses photos publiées dans les médias étrangers. En plus, cela fait deux ans que je travaille pour l'AFP et je m'aperçois déjà que les situations que je photographie et leurs cadres se répètent. Là, pour ne pas tomber dans un stéréotype, il faut faire un effort et essayer de trouver à chaque fois un angle différent. »
Dana Kyndrova est une photographe indépendante. Pour sa série de photos réalisées en Russie, elle a reçu le 3e prix Czech Press Photo dans la catégorie la Vie de tous les jours :
« Cette année, je suis allée en Russie, j'étais à mille kilomètres environ de Moscou. La ville s'appelle Kirov, anciennement Viatka. Un pèlerinage s'y déroule chaque année, jusqu'à l'endroit où l'on avait trouvé, il y a 600 ans, l'icône qui est aujourd'hui dans l'église de Kirov. Il y a 15 ans, on a renouvelé cette tradition. Quelque 14 000 pèlerins parcourent ce périple long de 150km, avec leurs sacs à dos. Moi aussi, j'ai pu y participer, mais ça n'a pas été si simple que ça - il m'a fallu avoir la bénédiction de l'archevêque de l'Eglise orthodoxe de Prague. »
Dana Kyndrova s'est vue également attribuer une bourse de la part du maire de Prague. Une bourse qui lui permettra de suivre, pendant un an, des personnes socialement défavorisées à Prague, ciblées par des organisations à but non-lucratif. Ses photographies seront à découvrir lors de la prochaine exposition Czech Press Photo.