« Il se presse comme un tzigane se rend à l'église »
Salut à tous les tchécophiles de Radio Prague - Ahoj vám všem, milovníkům češtiny Radia Praha ! C'est aux Rom - Romové, ou si vous préférez aux Tziganes (ou Tsiganes) - Cikáni, ou encore aux Bohémiens qu'est consacrée cette nouvelle émission. L'occasion d'expliquer l'usage de ces différentes appellations, mais aussi de présenter quelques expressions de la langue tchèque relatives à ce peuple très présent en Europe centrale.
Dans les langues européennes, les Rom sont connus sous différentes appellations. Il n'en est pas autrement en tchèque. Officiellement, on parle donc de Rom, mais aussi souvent de Cikán - Tzigane, même si l'emploi de cette appellation est généralement considéré comme « politiquement incorrect ». N'empêche, sans forcément avoir de propos ou d'arrière-pensées à caractère ou connotation raciste, les Tchèques, lorsqu'ils conversent entre eux, parlent toujours ou presque des Cikáni. Un usage populaire que l'on ne retrouve pas, en revanche, dans les médias ni, bien entendu, dans les déclarations officielles, par exemple celles des responsables politiques. Pour se convaincre de cette réalité, il suffit de remarquer qu'il existe un certain nombre d'expressions idiomatiques faisant référence aux Cikáni, mais aucune n'évoquant les Rom.
Les Tziganes eux-mêmes se donnent le nom de Rom, depuis leur congrès fédérateur en 1971. Tous les autres termes servant à les désigner ont été donnés par des non-Rom. Ainsi, en français, les Rom sont désignés de différentes façons et, comme vous le savez, on parle parfois de Bohémiens, une appellation qui fait référence à la Bohême, une des deux régions qui composent la République tchèque aujourd'hui. Les Tziganes ont donc été appelés Bohémiens car les premiers d'entre eux arrivés en France venaient tout simplement de la Bohême avec en leur possession un sauf-conduit édité en 1423 par Sigismond, empereur romain et roi de Bohême. Ce sauf-conduit, que l'on pourrait comparer à un passeport, servait à leur protection lors de leurs voyages et leur permettait de se rendre et de séjourner dans certains lieux. Ainsi donc sont apparus les Bohémiens en France...
Concernant les expressions idiomatiques et autres comparaisons relatives aux Tziganes qui figurent dans la langue tchèque, il convient d'être prudent dans leur sélection, mais en voici tout de même un échantillon. Par exemple, de quelqu'un d'ivre, soûl, vous pouvez parfois entendre les Tchèques dire que le « quelqu'un » en question « appelle tzigane un chien blanc » - « říká bílému psu Cikán ».
Autre expression se rapportant à la couleur sombre de la peau des Tziganes et employée autrefois pour faire comprendre que l'on était en train d'accomplir une tâche inutilement : « laver un Tzigane » - « Cikána mýt ». On avait recours à cette formule par exemple lorsque l'on s'efforçait de raisonner une personne têtue ou de convaincre un imbécile. Deux expressions certes péjoratives, mais dont on comprend un peu mieux l'existence et l'usage si l'on remarque que pendant très longtemps, depuis leur apparition sur le territoire de Bohême, sans doute au XIVe siècle, les Tziganes ont été les seuls gens ayant une apparence physique différente de celle des Tchèques, avec une peau sombre donc, mais aussi des cheveux et des yeux noirs. D'ailleurs, lorsqu'ils évoquent quelque chose de très noir, les Tchèques disent parfois que c'est « noir comme un Tzigane » - « černý jako Cikán ».
La majorité des comparaisons se référant aux Tziganes sont à connotation négative et traduisent leur mauvaise image, celle d'un peuple réputé voleur, menteur et sale. Nous ferons donc abstraction de leur présentation. Relevons toutefois que l'on peut se disputer ou jurer, dans le sens d'affirmer quelque chose de manière catégorique, « comme un vieux Tzigane » - « hádá se, dušuje se jako starý Cikán ». Enfin, autre comparaison digne d'être mentionnée : « cpe se jak Cikán do kostela », soit « il se bouscule, se presse, comme un Tzigane va, se rend à l'église. » Or, les Tziganes n'étant pas très pratiquants, le sens est tout à fait contraire, cela signifie que la personne en question ne se dépêche pas et préférerait ne pas aller là où elle doit se rendre.
C'est ainsi que prend fin ce « Tchèque du bout de la langue » consacré à l'usage des appellations « rom » et « tzigane » dans la langue tchèque et à la « présence tzigane » dans différentes expressions populaires. En attendant de vous retrouver dès la semaine prochaine, portez-vous du mieux possible - mějte se co nejlíp !, portez le soleil automnal en vous - slunce v duši, salut et à bientôt - zatím ahoj !