Réfugiés roms d’Ukraine : « Même pendant la guerre, les préjugés ne disparaissent pas »
Alors que les médias parlent des réfugiés ukrainiens et que les difficultés auxquelles sont confrontées certaines minorités d’Ukraine, comme par exemple les étudiants africains, ont été mises en lumière ces dernières semaines, le sort des réfugiés d’origine rom n’a été que peu évoqué. Pourtant, de même que cette minorité ethnique est très importante en République tchèque, elle l’est aussi en Ukraine, où, selon le Minority Rights Group Europe, il y avait en 2019 entre 200 000 et 400 000 Roms en Ukraine. Que deviennent ces Roms d’Ukraine qui ont dû, eux aussi, fuir leur pays ? C’est que ce que Radio Prague International a tenté de savoir.
Alors qu’au début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, un événement, rapporté tout d’abord par l’Agence ukrainienne d’information indépendante (unian.net), avait fait parler de la communauté rom d’Ukraine, lorsqu’une famille rom avait volé un char russe, dans le village de Lyubimovka, dans la région de Kherson, la communauté rom d’Ukraine a peu à peu été invisibilisée dans les médias.
Comme beaucoup de personnes qui résidaient en Ukraine, beaucoup de Roms ont fait le choix de prendre la fuite et de quitter le pays, certains choisissant de se rendre en République tchèque. Selon un article du Monde qui rapporte les propos du juriste d’origine rom Serhii Cicak, parmi les pays où « les choses sont les moins mauvaises pour les Roms » figure la République tchèque, aux côtés de la Pologne, de l’Allemagne et des Pays-Bas.
Effectivement, en République tchèque, des associations sont spécialisées pour aider les populations roms et sont particulièrement actives en ces temps troublés. C’est le cas par exemple de Romodrom, mais aussi d’Identity Prague. Petr Ščuka, le fondateur d’Identity Prague, explique comment l’association s’est adaptée face à la guerre en Ukraine :
« Nous avons décidé d’étendre notre aide dans toute la République tchèque, même si nous n’opérons normalement qu’à Prague 9. Par exemple, nous avons apporté de l’aide à Jeseník, près d’Olomouc, où nous travaillons en étroite collaboration avec l’organisation à but non lucratif Romodrom. Ils ont organisé l’hébergement d’un groupe de Roms dans un refuge de montagne et nous ont demandé une aide alimentaire. »
Selon Petr Ščuka, si donner accès aux réfugiés à de la nourriture est essentiel, leur fournir un accès à l’hygiène est également indispensable :
« En ce moment, les réfugiés ont le plus besoin de médicaments, car il fait très froid aux frontières slovaques, polonaises et ukrainiennes, et les gens peuvent y attendre jusqu’à trois jours. Ils ont aussi besoin de vêtements propres, notamment de manteaux et de chaussures. Plusieurs femmes sont venues en simples pantoufles. Et enfin, les produits d’hygiène sont très importants – le nécessaire pour se laver, les produits d’hygiène féminine, les brosses à dents, le dentifrice, les savons, etc. »
Néanmoins, la République tchèque n’est pas pour autant épargnée par les sentiments anti-roms. C’est ce que révèle Alena Drbohlavová Gronzíková, membre du Conseil gouvernemental pour les affaires de la minorité rom :
« Malheureusement, même pendant la guerre, les préjugés ne disparaissent pas. De nombreux réfugiés roms d’Ukraine ont été et continuent d’être confrontés au racisme et aux préjugés. »
Tout en remerciant l’ensemble des donateurs aux associations, Petr Ščuka déclare avoir constaté une différence entre les donations faites à la majorité ukrainienne et celles faites aux Roms venus d’Ukraine :
« Nous avons constaté qu’on nous apporte beaucoup d’objets très usés ou sales qui ont des chances d’être jetés. Et puis, nous nous sommes rendus dans les centres de collecte pour l’Ukraine des mairies des différents arrondissements de Prague et ils nous ont offert des articles qu’ils avaient en trop, et nous avons découvert qu’il s’agissait d’articles tout neufs, emballés, non utilisés. On a pu voir une nette différence. »
Des stéréotypes qui peuvent avoir des conséquences concrètes. C’est ce que Petr Ščuka nous révèle en évoquant la décision d’une famille rom de quitter la République tchèque pour l’Allemagne après une expérience désastreuse dans une pension à Božičany, en Bohême de l’Ouest :
« Les habitants de Božičany ont tout fait pour que ces personnes ne restent pas là. Certains habitants sont même passés en courant devant la pension en jetant des bouteilles vides à travers le portail fermé sur les enfants qui jouaient dans la cour. Deux filles âgées de 15 ans et une autre plus jeune ont été touchées. Ça a été la goutte de trop qui a conduit à la décision des Roms de partir et de subir ces intimidations. Ils ont décidé de partir aussi loin que possible et d’aller dans leurs familles en Allemagne. »