Près de deux siècles de présence tchèque dans le Banat roumain - IIe partie
Retour dans cette émission sur la minorité tchèque installée depuis 1823 dans la région du Banat, aujourd'hui sur le territoire de la Roumanie. Selon un dernier recensement, qui date de 1992, 5800 personnes se déclaraient membre de cette minorité. En moins de quinze ans pourtant, nombreux sont ceux qui sont déjà repartis vers la terre de leurs ancêtres, en République tchèque. On estime aujourd'hui qu'il reste de 2000 à 3000 de ces descendants d'émigrés de Bohême au 19e siècle, répartis dans une petite dizaine de villages près de la frontière serbe.
Petr Lubas vient du village de Lubkova, un village où cohabitent communautés roumaine, serbe et tchèque :
« De Lubkova les Tchèques ne songent pas à partir, ils pêchent le poisson et peuvent vivre de la vente de leur pêche. A côté, il y a le village de Rovensko, un village uniquement composé de Tchèques, d'où beaucoup sont déjà partis. Je ne suis pas très optimiste quant à l'avenir de ces villages. Les jeunes partent en Tchéquie et ne reviennent pas. Il n'y a pas de travail pour eux ici. Ils ne peuvent pas vivre de leurs champs. Les gens n'ont pas d'argent. »
Emil Flaska est du village d'Eibental, un village entièrement tchèque où une mine d'anthracite, qui a fait vivre les générations précédentes, est en passe d'être fermée :
« On peut dire que jusqu'ici on a de la chance d'avoir la mine. De chez nous aussi sont partis des jeunes mais moins que des villages tchèques voisins parce qu'ils pouvaient encore gagner leur vie ici. Environ une cinquantaine sont déjà partis. »
Alena Gecse est née dans le village de Svata Helena et enseigne dans la ville voisine de Moldova Noua :
« Nous espérons que ces villages survivront. Cela va dépendre de la venue d'entrepreneurs qui pourraient donner du travail aux jeunes. Quand ils finissent leurs études, les jeunes n'ont pour l'instant pas la possibilité de trouver du travail ici, donc ils vont en République tchèque. Peu d'entre eux reviennent au village. Il n'y a pas de travail, et c'est ça le pire. »
Depuis quelques années, Prague tente d'apporter une aide aux « compatriotes » du Banat roumain. Veroslava Timorova est responsable de la minorité tchèque au ministère roumain de l'Education :
« Nous avons reçu une aide très importante du gouvernement tchèque. Nous avons pu construire une nouvelle école à Svata Helena. Et Prague envoie régulièrement des enseignants dans la région pour enseigner le tchèque dans le cadre d'une coopération internationale entre les ministères tchèque et roumain de l'Education. »L'organisation non gouvernementale tchèque Clovek v tisni/People in Need est également présente depuis plusieurs années dans les villages tchèques du Banat. L'un des objectifs de l'ONG est d'aider la population locale à développer l'agrotourisme, beaucoup de Tchèques étant tentés de venir voir comment vivent leurs « compatriotes » de Roumanie et de les écouter parler un tchèque qu'on parlait dans la Bohême occidentale du 19e siècle.
« Lors de votre visite dans le Banat, soyez des invités attentifs, respectueux et discrets afin de ne pas déranger l'atmosphère unique des villages tchèques », prévient le responsable de l'association dans la région en rappelant que la visite « en tant que touriste-consommateur devrait être une contribution pour les compatriotes et la splendide nature du Banat. »
Les touristes, les Tchèques en particulier, sont en général très bien accueillis dans les villages tchécophones du Banat. D'ailleurs tous les habitants se considèrent comme « des Tchèques avec des passeports roumains », mais ils ont parfois du mal à obtenir des papiers lorsqu'ils reviennent en République tchèque. Récemment la maire de la commune de Kasejovice, qui a récemment accueilli une trentaine de Tchèques du Banat, a demandé à ce qu'un traitement de faveur soit accordé à ces immigrés qui reviennent dans la région de leurs ancêtres.
Les problèmes administratifs devraient pourtant être en partie résolus avec l'entrée de la Roumanie dans l'Union européenne, prévue normalement pour 2007. Une adhésion synonyme d'espoir pour beaucoup des habitants des villages tchèques du Banat Roumain. Emil Flaska à nouveau, du village d'Eibental :« Il n'y aura plus de frontières, on sera libre d'aller partout et la vie sans fontières ne peut qu'être meilleure. En plus, la région dans laquelle nous vivons pourra bénéficier d'aides européennes et cela va apporter beaucoup au Banat méridional. »
Union européenne ou pas, le groupe Bohemia formé par des gars du village de Svata Helena continuera à reprendre des airs traditionnels tchèques. Ceux-là aimeraient rester sur la terre qui les a vu naître, mais leurs enfants rêvent déjà d'un retour aux sources, en Bohême.
Pour plus d'informations sur les Tchèques du Banat : www.banat.cz