Sparta - Slavia, un derby qui dépasse le cadre du foot
Le 263e derby de l'histoire des « S » pragois, Sparta - Slavia, disputé samedi à Letna, est revenu au Sparta (2-1). Malgré les mauvais résultats des deux clubs cette saison, le grand classique du football tchèque a, une nouvelle fois, passionné les foules. Retour sur un match qui divise la République en deux et dépoussiérage d'une rivalité longue d'un siècle entre les deux plus grands clubs du pays.
Et même si avant la rencontre, le Sparta, champion en titre, et le Slavia n'occupaient que les sixième et troisième places au classement, très loin des ambitions affichées par les deux clubs en début de saison, l'affiche la plus exitante que peut proposer le football tchèque a attiré à Letna, le stade du Sparta, plus de 20 000 spectateurs, parmi lesquels le président de la République Vaclav Klaus, soit le record d'affluence non seulement pour la saison en cours, mais aussi pour un match entre les deux équipes depuis la partition de la Tchécoslovaquie et la création du championnat thèque en 1993. Pour mieux comprendre cet engouement, Benoît Humeau nous explique ce qui fait la particularité de ce derby pragois et les origines de la rivalité qui oppose les « Rouges » du Sparta aux « Rouges et Blancs » du Slavia :
Le Sparta pour le peuple ouvrier, le Slavia pour les intellectuels
Comme à Rome, Londres ou Madrid, plusieurs clubs de football cohabitent à Prague. Meme si les passions y sont sans doute moins déchainées, la rivalité sportive existe bel et bien, renforcée par des histoires et des identités très différentes. Evoluant aujourd'hui tous deux sur les hauteurs de la ville - le SK Slavia à Strahov, le AC Sparta à Letna -, les deux clubs se disputent la suprématie nationale depuis plus d'un siècle, sauf pendant l'intervalle communiste.
Le Slavia et le Sparta ont tous deux été créés à la fin du XIXe siècle, et vont animer les développements du football en Europe Centrale au debut du XXe. Fondé en 1892 par des étudiants en littérature et par la société de conférences, le Slavia est depuis ses débuts considéré comme le club de l'élite. Le Sparta naît un an plus tard sous le nom des Rois de Vinohrady et va vite attirer la classe ouvrière. Au moment où les premières compétitions s'organisent partout en Europe au debut du XXe, les deux clubs se partagent les titres à l'échelon national dès le premier championnat en 1912. Le Sparta y gagne son surnom de « Sparta de fer » et va remporter à deux reprises la Coupe d'Europe centrale, ancêtre de la Coupe de l'UEFA. Le Slavia la gagnera une fois, en 1938, en partie grâce à Josef Bican, un des meilleurs buteurs de l'histoire du football. Les deux clubs fournissent la majorité des joueurs à l'equipe nationale, finaliste de la Coupe du monde en Italie en 1934.L'arrivée des communistes va bouleverser l'équilibre. Intervenant même dans la vie sportive, les autorités décident de couper leur aide au Slavia - trop bourgeois, trop proche des intellectuels - et de soutenir le Sparta. Mais il va surtout promouvoir le club de l'armée, le Dukla Prague. En monopolisant tous les meilleurs joueurs, ce dernier accumule les titres dans les années 1950 et 1960. Le Slavia, rebaptisé Dynamo, connait quant a lui une période douloureuse.
Dans les années 1990, le Dukla Prague est réduit au statut amateur et fusionne finalement en 1996 avec un club au sud de Prague, pour devenir le Marila Pribram, aujourd'hui en milieu de tableau de première division. Le Sparta domine la scène nationale, même si le Slavia retrouve les sommets en 1996 avec la titre de champion et une demi-finale en Coupe de l'UEFA (contre les Girondins de Bordeaux). Les deux clubs pragois sont des habitués des joutes européennes mais sans vraiment y briller.Que reste-t-il des identités de ces clubs, plus de 110 ans après leur création ? Les distinctions sociales ont tendance à s'estomper, mais la rivalité perdure, parfois violente, entre les supporters.
A l'heure actuelle, le Slavia et le Sparta font face aux mêmes problèmes. Par exemple, le racisme est un phénomène qui gagne du terrain dans les stades tchèques et a notamment fait souffrir le Brésilien Evandro Adauto au Slavia ou le Camerounais Patrice Abanda au Sparta. Par ailleurs, le Slavia et le Sparta ont de plus en plus de mal à retenir les meilleurs joueurs tchèques, tentés par une expérience à l'étranger et qui perçoivent les clubs pragois seulement comme une étape dans leur carrière. Cela entraîne une certaine désaffection du public, désertant parfois les stades. Mais évidemment le derby est une exception, et les supporters des deux equipes y ont, cette fois encore, largement répondu présent.
Le Sparta s'est fait respecter chez lui
Et à l'issue d'un match d'un niveau technique moyen mais disputé dans une ambiance électrique, c'est le Sparta qui s'est logiquement imposé (2-1), prenant ainsi sa revanche du match aller au cours duquel il avait été humilié par le Slavia (4-1). Les joueurs de Letna se sont ainsi quelque peu réconciliés avec leurs supporters, passablement irrités par les prestations sans relief offertes par leur équipe depuis le début de saison. Auteur du premier but de la partie en première mi-temps, l'attaquant Zdenek Pospech était forcément satisfait à la sortie du terrain :
« Ca a été un vrai derby. L'ambiance était excellente et je pense qu'on a assisté à un bon match. Quant au résulat, nous avons gagné, alors que dire de plus sinon que nous sommes satisfaits ? Personnellement, j'ai été l'auteur d'une bonne prestation, mais je ne dirais pas que cela a été mon meilleur match sous le maillot du Sparta. Je pense qu'il y en a eu d'autres, même si je reconnais qu'il en faudrait plus. »Très déçu par un résultat qui ôte pratiquement tout espoir de titre à son équipe, mais aussi par les décisions il est vrai très tendancieuses d'un arbitre, Milan Sedivy, qui, il y a peu, était encore impliqué dans la plus importante affaire de corruption de l'histoire du football tchèque, l'entraîneur du Slavia, Karel Jarolim, estimait, lui, qu'il y avait mieux à faire :
« Nous avons eu la possibilité de revenir dans le match et de changer le cours des choses après que le gardien de but du Sparta, Jaromir Blazek, ait été expulsé en début de seconde période. Le score était alors de 0-1 et il nous restait suffisament de temps pour au moins égaliser. Malheureusement, vingt minutes plus tard, notre défenseur Radek Dosoudil a lui aussi reçu un carton rouge et c'est devenu plus difficile, les deux équipes étant de force égale. Malgré cela, nous aurions pu égaliser, nous avons eu les occasions pour, mais nous n'y sommes pas parvenus, notamment à cause d'un certain manque de réalisme. »
A l'issue de ce match et à six journées de la fin du championnat, le Slavia occupe donc la quatrième place au classement, derrière Liberec, Teplice et Mlada Boleslav, tandis que le Sparta, désormais cinquième à huit points du Slavia, s'est rapproché un peu plus des places qualificatives pour les coupes européennes.
Doublé pour l'attaquant français Mendy et quatre francophones sous le maillot de Most
Enfin, toujours dans le championnat tchèque de football, signalons que l'attaquant français Noël-Alexandre Mendy a été l'auteur d'un doublé, dimanche, permettant à son équipe de Most, en Bohême du Nord, de s'imposer à domicile face à Jablonec (3-0). Le défenseur central québecquois André Hainault a également été l'auteur d'une très bonne performance, tandis que les autres francophones de l'équipe, les défenseurs français et ivoirien Gaël Suares Arnaud Kouya, remplaçants, ont fait leur entrée en jeu dans les dix dernières minutes pour leur première apparition officielle sous les couleurs de leur nouveau club.