Le gouvernement tchèque commence à investir dans la dépollution
Mardi dernier a été inauguré un chantier industriel d'un type très particulier. Un site d'une toxicité exceptionnelle dont nous vous avons brièvement parlé récemment et qui est en passe d'être dépollué... Direction Neratovice, à quelques kilomètres au nord de Prague, vers une usine réputée pour les risques qu'elle représente pour l'environnement, l'usine Spolana.
Ce sont justement les crues catastrophiques de l'Elbe en 2002 qui ont décidé les autorités tchèques à prendre le taureau par les cornes et à faire appel à des entreprises spécialisées pour dépolluer Spolana, en tout cas les parties les plus contaminées de Spolana.
« Nous connaissons tous les dangers des bâtiments A1420 et A1030 et les risques qu'ils font courir à l'environnement. C'est avec un sentiment de soulagement que je suis venu vous annoncer que la décontamination de ces « fardeaux écologiques » va très bientôt commencer », a déclaré le Premier ministre Jiri Paroubek lors de l'inauguration du chantier.Un chantier impressionnant et très particulier, comme le souligne Jean-Louis Chaussade, directeur général de Suez environnement, chargé via sa filiale tchèque Sita de dépolluer le site conjointement avec la société britannique TCSR :
« Il y a d'abord le niveau très élevé de contamination du site, mille fois supérieur aux normes de l'OMS... Puis le double souhait du gouvernement : de traiter la pollution sur site et de ne pas utiliser d'incinération pour éviter les risques. Trois contraintes qui nous ont amené à faire ce projet avec différentes étapes, avec un premier traitement lors duquel on sépare les quelque 30 000 tonnes de terre et matériaux pollués pour récupérer 1000 tonnes, sous forme d'un liquide, dans lequel tous les polluants sont concentrés. Ensuite le processus américain BCD permet par voie catalytique d'éviter de passer par l'incinération et qui permet d'éliminer le polluant. Il ne restera plus qu'une cinquantaine de tonnes qui seront en quelque sorte 'le résidu du résidu du résidu'et qu'il faut bien évacuer quelque part. Donc on part de 35 000 tonnes pour arriver à 50 tonnes de déchets toxiques. » Et ces dernières cinquante tonnes seront vraisemblablement incinérées à Ostrava.
160 ouvriers, dont les plus exposés seront équipés de scaphandres, se relaieront pendant deux ans sur ce projet. Nous avons rencontré Josef Landecky, qui a été embauché pour travailler à proximité du réacteur BCD, le pièce maîtresse de ce « chantier dioxine » :
« Je travaille ici depuis quelques mois et je n'ai pas peur. Je pense que les conditions de sécurité sont suffisantes. Pour le moment, nous sommes une quinzaine à travailler autour de ce réacteur BCD et plusieurs nationalités sont représentées, par exemple notre chef est un Australien. »
De 1965 à 1968, Spolana fabriquait dans cette unité un pesticide dont la composition était identique au fameux « agent orange », utilisé par l'armée américaine au Vietnam... Selon des informations officieuses, tous les ouvriers qui ont travaillé dans cette unité seraient décédés ; le dernier d'entre eux l'année dernière.
Petra Sokoloff est responsable de la communication de l'entreprise Sita : « Le plus impressionnant reste la toxicité des produits à traiter. Il faut assurer la sécurité de l'environnement, la protection du personnel de Spolana et de notre personnel et des habitations autour. C'est une très grande responsabilité et c'est notre engagement de faire en sorte qu'il n'y ait pas de risques. Les habitations les plus proches sont à 200 mètres. Ce bâtiment paraît très grand mais l'efficacité de ce système de dépression autour du bâtiment contaminé empêche les mollélules toxiques de s'échapper. »
Rappelons que la dioxine que l'on trouve sur ce site est celle de type Seveso, la plus nocive, qui tient son nom d'une commune italienne fortement touchée après un accident dans une usine chimique en 1976.
« Tout sera financé par la partie tchèque. Au total, la décontamination en dioxine de cette zone de Spolana va coûter 2,6 millions de couronnes, financés par le Fonds du Patrimoine National (FNM), en d'autres termes l'Etat », a précisé Jiri Paroubek. Et l'Etat pourra notamment se servir de l'argent que lui a rapporté la récente privatisation d'Unipetrol, le géant pétro-chimique tchèque propriétaire de Spolana, qui vient d'être vendu au groupe polonais PKN Orlen. Une privatisation autour de laquelle flotte par ailleurs un parfum de corruption, et qui fait l'objet d'une étude par une commission parlementaire ad hoc.
Même si Spolana, qui produit aujourd'hui principalement du PVC, a dégagé en 2004 et 2005 des bénéfices pour la première fois en dix ans, les Polonais n'ont pas attendu longtemps pour faire part de leur souhait de s'en débarasser. Les interressés ont jusqu'au 6 février prochain pour soumettre leur offre. Le groupe financier Penta a déjà indiqué qu'il pourrait être intéressé et le quotidien économique Hospodarske noviny avance que d'autres groupes comme PPF pourraient être sur les rangs.