Les pays de la Couronne de Bohême après la Montagne Blanche
Au mois de juin, nous avons commémoré le 384e anniversaire de l'exécution de vingt-sept seigneurs tchèques, chefs de l'insurrection des états tchèques contre la Ligue catholique des Habsbourg. Les vingt-sept croix blanches encadrées dans la mosaïque du pavé de la place de la Vieille-Ville de Prague nous rappellent encore aujourd'hui l'événement.
Ferdinand, qui monte sur le trône, pratique une politique de répression violente contre les Tchèques, désormais privés de toute autonomie. Le 21 juin 1621, il fait exécuter vingt sept chefs de l'insurrection sur la place de la Vieille-Ville à Prague. Les élites non-catholiques sont bannies du pays et une période de recatholisation forcée commence, sous la conduite de la compagnie de Jésus - les jésuites. La plupart des biens seigneuriaux confisqués sont partagés entre les chefs des armées habsbourgeoises victorieuses. Toute une nouvelle aristocratie venant de l'Europe entière s'installe dans le pays. C'est le cas de la maison Buquoy de France: le général Buquoy de Longueval était le Haut-commandant de l'armée impériale sur le champ de bataille de la Montagne Blanche, et en récompense, il a obtenu un vaste domaine en Bohême. Ainsi, le palais Buquoy à Prague est aujourd'hui le siège de l'ambassade de France.
Les Habsbourg ont consolidé leur pouvoir, obtenu le droit héréditaire au trône de Bohême et imposé le catholicisme. Une immense vague d'émigration des milieux aristocratiques et bourgeois a eu lieu. Quant aux petites gens, ils sont contraints de se convertir. Politiquement, les pays de la Couronne de Bohême sont, pour ainsi dire, effacés de la carte. S'en suit la période dite « des ténèbres » mais qui, paradoxalement, comme cela fut le cas tout au long de l'histoire tchèque en cas d'oppression, s'avère être une période d'une grande culture, d'une grande érudition.Le style baroque s'implante fortement dans les pays tchèques, et les monuments conservés, très nombreux, témoignent de sa diversité et de son originalité. Voilà pourquoi, aujourd'hui, nous rencontrons presque à chaque pas, dans Prague et dans tout le pays, les traces du baroque. Toutes les sphères d'art ont leurs personnalités : l'architecture connaît des noms tels que Giovanni Santini, Jean-Baptiste Mathey ou encore les frères Dienzenhofer. La sculpture a ses maîtres Matyas Braun et les Brokoff, la peinture Petr Brandl, Vaclav Rainer et Karel Skreta ; quant à la musique, la liste est longue : Pavel Josef Vejvanovsky, Simon Brixi, Jan Dismas Zelenka, Bohuslav Matej Cernohorsky, Frantisek Xaver Brixi, Vaclav Frantisek Mica, Frantisek Benda.
Le pays est touché par un rayonnement culturel à la française, la noblesse s'exprimait principalement en français et tenait en grande estime l'art de vivre français. L'architecte mentionné précédemment, Jean-Baptiste Mathey, nous a laissé les splendides châteaux de Troja et de Duchcov, ainsi que l'église Saint-François des Pères Croisiers dans la Vieille-Ville de Prague. Le château de Dobris, entouré d'un vaste parc français, a été édifié d'après ses plans.
L'Université Charles et les écoles des jésuites, des prémontrés, des dominicains et d'autres ordres, ont également formé des personnalités illustres. Par exemple, l'historien et linguiste Bohuslav Balbin, qui défendait les droits de la langue tchèque. Jan Marcus Marci, médecin et physicien, réfléchissait sur la force créatrice des organismes vivants. Le théologien jésuite Roderigo Arriaga a cherché à trouver un rapport entre la théologie scolastique et les nouvelles découvertes astrologiques, tandis que l'humaniste, pédagogue et philosophe pacifiste Comenius, contraint à l'exil, faisait partie, avec l'ensemble de son oeuvre, du baroque tchèque.
D'une part, les pays tchèques ont accueilli les maîtres, missionnaires, savants, artistes et artisans d'Italie, d'Espagne, d'Autriche, de Bavière ou d'ailleurs, d'autre part, les missionnaires tchèques exerçaient leur mission à l'étranger : en Amérique, en Asie et au Proche-Orient. Il s'agissait essentiellement des Jésuites, des Franciscains et des Dominicains, qui, en dehors de leur mission, s'intéressaient à la vie et à la culture de ces pays-là. Il existe de nombreux témoignages intéressants laissés par ces missionnaires. Selon l'historien Josef Hanzal, on peut dire que toutes les personnalités mentionnées voulaient toucher à l'absolu, approcher Dieu à travers ce monde. Souvent, ils ne manquent pas, et ce plus encore les artistes, de la capacité de pénétrer de façon émotionnelle et intuitive en dessous de la surface de l'activité humaine. C'est pour cela que leurs oeuvres sont si exaltées et pleines d'émotion et s'adressent à un vaste public.