Forte pression sur l'eau minérale
La qualité des sources minérales de République tchèque est bien connue. Pourtant, le marché tchèque, pour ce secteur, s'avère de moins en moins fluide. Après la disparition des petites marques, les grands leaders, comme Mattoni ou Podebradka doivent affronter une compétiton de plus en plus rude, sur fond de baisse des ventes. Aux antipodes, le secteur de la bière affiche une santé de fer. La clé réside dans un mot : exportation.
Pour Mattoni, célèbre marque tchèque d'eau minérale, apparemment, tout gaze ! On l'a beaucoup vu récemment, à la télévison, lors de grandes campagnes publicitaires ou d'opérations de sponsoring, celui de "Miss République tchèque" et du Marathon de Prague. La marque a même fait appel à la très hupée "Pinifarina", société de design italienne, qui a dessiné les toutes nouvelles bouteilles de Mattoni.
Et pourtant, depuis 2 ans, les ventes baissent. La société est loin d'être dans le rouge mais on peut tout de même se demander si tant d'investissements en matière de communication et de publicité étaient nécessaires.
Mattoni appartient, avec Aquila et Magnesia, au groupe KMV (Karlovarské mineralni vody), dirigé par l'italien Antonio Pasquale, 72 ans. C'est actuellement le leader du marché de l'eau minérale en République tchèque. Dissiminé sur les routes et les autoroutes du pays, l'aigle, symbole de la marque, a bien marqué son territoire. Mais cette position dominante semble menacée à moyen terme.
Premier problème : le succès même de la marque. Après plusieurs mois de débats, l'UOHS (Bureau chargé de la lutte contre les monopoles), a obligé KVM à céder des parts de marché à Podebradka, sa rivale numéro un. KVM disposerait pour l'instant de 50 % de parts de marché en République tchèque, contre 20 % pour Podebradka.
Même s'ils ne constituent pas une grande surprise, KVM se serait sans doute bien passé de ces réaménagements. Car si la croissance est toujours au rendez-vous, elle ne cesse de baisser. En 2003, les bénéfices nets de la société s'élevaient à 696 millions de couronnes. En 2004, ils affichaient 412 millions de couronnes et, pour cette année, la compagnie table sur 375 millions de couronnes ! Cette conjoncture défavorable concerne d'ailleurs l'ensemble du secteur de l'eau minérale. Podebradka connaît les mêmes difficultés et son directeur, Jaroslav Bavir, doit également tabler sur une baisse des ventes pour 2005.
Résultat : la compétition est devenue si dure que les petites marques ont été naturellement éliminées de la course. Désormais, ne restent en scène que les gros calibres ! Pourtant, les grands leaders de l'eau minérale ne sont pas au bout de leur peine et le marché tchèque devrait pour longtemps devenir le lieu d'un âpre combat. D'autant plus que, si les sociétés étrangères ne sont pas encore implantées dans le pays, cela pourrait bien changer.
Danone a déjà lancé sur le marché tchèque une nouvelle ligne d'eaux minérales, la "Vitanea". L'intérêt de la multinationale pour la République tchèque n'est sans doute pas une très bonne nouvelle pour KVM. Car si la compagnie développe ce marché, c'est bien une hydre géante que les eaux tchèques devront affronter. Ne parlons pas de Perrier, qui pourrait également disputer à Mattoni le marché de la bulle ! Danone a, pour l'instant, déjà de quoi inquiéter : 2ème sur le marché américain, la société a, en 1997, investi pas moins de 500 millions de francs pour ses produits laitiers aux Etats-Unis !
Comme un problème arrive rarement seul, voici que les supermarchés, dans le pays, se lançent à leur tour dans la production de leurs propres eaux minérales. Une concurrence inattendue pour les grandes marques et surtout un manque à gagner qui ne risque pas de faire monter les chiffres des ventes. Certaines marques de boisson qui n'ont, au départ, rien à voir avec le secteur de l'eau, s'y mettent aussi, ainsi "Kofola". Notons que Mattoni leur rend la pareille. La marque va lancer une gamme de thés glacés et de jus de fruits. Autre stratégie - plus déterminante - pour affronter un marché national promis à la saturation : l'exportation. KVM s'y emploie déjà en Hongrie, Pologne, Croatie et Russie.
Revenons un instant sur les débuts de Mattoni. Fondée à Kyselka en 1867, la société produit alors 250 000 bouteilles par an, chiffre déjà considérable, pour en aligner 10 millions par an, 43 ans plus tard ! La rapidité du succès est frappante. C'est en 1868 que Mattoni adopte, pour emblème, l'aigle, désormais accolé sur chaque bouteille à une étiquette. En 1910, le fondateur, Heinrich Mattoni, meurt mais pas sa société, en pleine expansion. Ses origines sont bien spécifiques : c'est par le bouche à oreille et la vente directe que Mattoni commença, avant même de poser la première pierre de sa société. Les autres marques d'eau, à Karlovy Vary par exemple, faisaient d'abord construire leur usine avant de commencer à vendre. Témoins de ce succès, les grandes affiches publicitaires de la fin du XIXème siècle, montrant la modernité de Mattoni.
En 2005, c'est une autre histoire et l'aigle va sans devoir remettre en cause sa réputation d'invulnérabilité sur le marché de l'eau minérale !
A côté, la bière tchèque affiche un moral au beau fixe. Quelle ironie du sort quand on sait que sa réputation doit beaucoup à la qualité des sources d'eau de Bohême ! Récemment s'est tenu à Bruxelles un concours de la bière. Parmi environ 1000 bières de 38 pays différents, on a compté 3 médailles d'or. L'une d'elles a été décernée à la marque tchèque Kozel Velkopopovicky. Outre un marché plus fluide que pour l'eau, le secteur de la bière a aussi anticipé la stratégie de l'exportation. Dès l'adhésion de la République tchèque en mai 2004, les fabricants ont profité de l'ouverture des nouveaux marchés. Sans doute, les producteurs de bière sont mieux placés que les marques d'eau minérale, réputation oblige. Ainsi, la croissance continue du groupe Plzensky Prazdroj, pour la bière, peut donner des sueurs froides à KVM, du côté de l'eau. Son chiffre à l'exportation s'est encore accru de 4 % pour l'année écoulée, portant celui-ci à 13,1 milliards de couronnes ! Forte de 27 000 employés, l'entreprise dorée produit chaque année 9,7 hectolitres de bière, qu'elle exporte dans 50 pays.
Qu'il s'agisse de l'eau ou de la bière, l'avenir passe par l'exportation. Réduit à quelques grands leaders, le marché tchèque tend en effet à se saturer de plus en plus. Symptôme de la disparition des petites marques : les députés tchèques ont voté, il y a quelques jours, une loi interdisant les bouteilles de bières et de sodas à 2 Kc, que l'on trouve dans de nombreux supermarchés.