Road trip en Bohême

Photo: Tifenn Pille
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Etudiante française, stagiaire à Radio Prague International, Tifenn Pille a achevé son année Erasmus à Prague. Après y avoir passé, par choix, la période de confinement, et avant de repartir en France, Tifenn et quatre de ses amis français ont loué une voiture pour, une semaine durant, visiter la Bohême de long en large. Elle nous raconte cette virée dans une ambiance post-confinement forcément très particulière.

L’année que vous avez passée à Prague arrive à son terme. Avec quel sentiment vous apprêtez-vous donc à partir ?

« Un peu de tristesse évidemment, parce que Prague est une ville dans laquelle je me sens très bien depuis le début. Je me suis également fait de très bons amis, mais je sais que je les reverrai en France. Je suis partagée entre deux sentiments : triste, mais aussi contente de revoir ma famille et mes amis en France. »

La seconde moitié de votre séjour à Prague a forcément été marquée par la crise du coronavirus et par la période de confinement que vous avez choisi de passer à Prague plutôt que de revenir chez vous en France...

« J’ai effectivement choisi de rester. Déjà parce que j’ai eu la possibilité de le faire. En République tchèque, les mesures ont été prises assez tôt par rapport au stade d’avancement de la propagation du virus, ce n’était pas aussi inquiétant qu’en France. J’ai préféré rester d’abord pour des raisons sanitaires. Mes amis restaient aussi. Si j’avais dû rester seule, je pense que je serais rentrée. Et puis je n’avais pas envie de finir mon Erasmus dans la précipitation, de partir alors que la situation pouvait encore évoluer favorablement. Et j’ai visiblement  bien fait puisqu’aujourd’hui presque toutes les mesures sont levées. »

Photo illustrative: Gerd Altmann/Pixabay,  CC0

Comment avez-vous vécu cette période de confinement ? Avec votre famille en France, on peut supposer que les questions ont été nombreuses par rapport à l’évolution de la situation en République tchèque, souvent citée en exemple pour sa gestion de la crise.

« J’ai très bien vécu le confinement. Cela n’a pas été trop dur au niveau de l’éloignement avec mes proches. J’étais confinée avec deux amis, c’est forcément plus facile quand on est à plusieurs. Je me suis bien occupée : j’ai beaucoup lu, regardé des films et fait des choses que je ne prends pas le temps de faire d’habitude. Je suis restée en contact avec mes parents, mes amis, ma famille. On s’appelait régulièrement, on faisait des appels vidéo. Les réseaux sociaux sont très pratiques pour rester en contact. »

Un des symboles de la crise et de la solidarité en République tchèque a été le masque, dont le port a été très rapidement imposé par le gouvernement. Où avez-vous trouvé le vôtre ?

« Ce sont des amis qui me l’ont donné. La Croix-Rouge avait des stands dans les rues de la ville. Ils en ont récupéré une dizaine et m’en ont donné un. Je les en remercie ! »

Sans les touristes, comme une ambiance post-apocalyptique à Český Krumlov

Photo: Tifenn Pille

Vous venez de profiter de vos dernières semaines à Prague et de la possibilité de pouvoir de nouveau sortir de chez soi. Vous avez réalisé une virée en voiture avec quatre amis français à travers la Bohême. Un voyage d’une semaine qui vous a permis de sortir de Prague et de découvrir une autre République tchèque.

« On a eu beaucoup de chance de pouvoir faire ce voyage. On ne pensait pas que ce serait possible. Mais comme tout a été rouvert, c’est redevenu possible. Nous avons fait le sud, l’est et le nord du pays en passant par Český Krumlov, Pilsen, le camp de Terezín, la Suisse bohémienne, Liberec. Pour tous, c’était une belle façon de clôturer l’année. »

Avez-vous découvert une facette de la République tchèque que vous ne connaissiez peut-être pas encore ?

« J’en avais déjà eu un petit aperçu en septembre dernier, quand nous avions fait une partie de la Suisse bohémienne. Ce qui surprend, c’est que dès que l’on sort de Prague, c’est tout de suite très vert, c’est la campagne, les petits villages à quelques kilomètres de Prague. C’est quelque chose que je n’imaginais pas forcément. Et puis on a eu la chance de pouvoir visiter des lieux vides de touristes. A cause des restrictions, le tourisme a fortement baissé. C’est comme si le pays se réveillait doucement et qu’on était les premiers sur place. On se sent privilégiés de voir des endroits qui sont habituellement assez touristiques sous cet aspect-là et d’avoir la chance de pouvoir prendre le temps de les visiter sans le rush du tourisme qu’il y a habituellement. »

Český Krumlov,  photo: Tifenn Pille

Quelle était l’ambiance dans ces endroits ? On pense notamment à Český Krumlov, une ville qui est souvent citée au même titre que Prague en raison du surtourisme, avec des cars de touristes étrangers et notamment chinois qui viennent y passer la journée et qui ont finalement fait fuir les Tchèques.

« C’était assez particulier. On était seuls dans les rues de la ville, dans les jardins du château. C’était très spécial comme ambiance. En plus, il ne faisait pas très beau, cela faisait un peu comme un décor post-apocalyptique. Mais on est très contents d’avoir pu le faire dans ces conditions-là plutôt qu’avec tous les touristes qu’il y a habituellement. »

On imagine que cinq jeunes Français ainsi en virée en République tchèque ne passent pas tout leur temps dans les musées et les châteaux. Dans les restaurants, quels étaient l’accueil et l’ambiance ?

Photo: Tifenn Pille

« Nous avons fait surtout des restaurants plutôt que des bars, nous n’avions pas toujours le temps de nous arrêter pour prendre un verre. On voulait rester en forme pour conduire et visiter. Les restaurateurs semblaient contents de nous voir, d’avoir du monde. Il y a des villes dans lesquelles nous étions parfois les seuls clients du restaurant, cela fait bizarre. On était contents de pouvoir les soutenir et de leur montrer que le tourisme repartait petit à petit et que les clients allaient revenir. »

Ce voyage vous a-t-il permis de découvrir de nouvelles spécialités culinaires ?

« Je suis restée fidèle au ‘smažený sýr’, le fromage pané. Je n’ai pas goûté d’autres spécialités. Sinon, on faisait la popotte nous-mêmes dans les Airbnb que l’on louait. »

Photo: Tifenn Pille

« Ce que j’ai préféré ? La Suisse bohémienne »

La voiture vous a-t-elle permis de découvrir la République tchèque « profonde » ?

« Oui, tout à fait. On prenait la voiture le matin avec une destination en tête. Puis, une fois dans la voiture, on regardait si, sur le trajet, il n’y avait pas des châteaux ou d’autres endroits où l’on pouvait s’arrêter. C’est comme ça que l’on a découvert plein de lieux dont on ne connaissait pas l’existence. La voiture offre une certaine liberté par rapport au train, notamment sur les horaires et le trajet. Je recommande complètement ! On voit des choses que l’on ne verrait pas si on suivait les rails du train, avec un trajet précis. »

Parmi les sites que vous ne connaissiez pas et que vous avez découverts, quels sont ceux qui vous ont le plus marquée ?

Photo: Tifenn Pille

« Ce que j’ai préféré, c’est la partie de la Suisse bohémienne que je n’avais pas encore faite : les gorges autour de la rivière Kamenice. C’était absolument magnifique. Nous avons eu de la chance de ne pas avoir de pluie, ce n’était pas bien parti. C’est ce lieu qui m’a le plus marquée. »

« Sinon, le camp de Terezín était vraiment très intéressant. Je ne savais pas que c’était en République tchèque. Cela permet de mettre en lumière un aspect de l’histoire qu’il est important de commémorer. Quand nous sommes arrivés au camp, nous étions seuls et nous avons eu une guide juste pour nous cinq. Elle nous a raconté des anecdotes historiques, nous a expliqué l’histoire du camp et la vie des prisonniers. C’était vraiment passionnant. »

Envisagez-vous de revenir et de continuer à visiter la Tchéquie de la sorte ?

« Oui, je n’ai pas fini de visiter la République tchèque. Je n’ai pas fait la partie est du pays, je n’ai pas fait la Moravie. A Prague aussi, il me reste beaucoup de lieux à découvrir. Mes parents veulent venir aussi, ils n’en ont pas encore eu l’occasion, alors il faut que je leur fasse découvrir. »

Prague est également vidée de ses touristes, même si les Tchèques ont quelque peu réinvesti le centre-ville et le font revivre. Comment trouvez-vous cette Prague après avoir d’abord découvert sa face très touristique ? Comment profitez-vous de cette ambiance un peu spéciale ?

« C’est effectivement très intéressant de pouvoir comparer ces deux Prague que j’ai pu connaître. Evidemment, je préfère la Prague actuelle vidée de ses touristes, même si c’est un peu inquiétant pour beaucoup de commerçants. Cela me permet d’apprécier des aspects de la ville que je n’appréciais pas forcément avant. Par exemple, passer sur la place de la Vieille-Ville, ce n’était pas très agréable. Là, on peut s’y arrêter, regarder ce qu’il y a autour sans la foule qui prend des photos ou attend devant l’horloge astronomique. C’est vrai que c’est très agréable de voir la ville sous cet aspect-là. »