« Apprendre le tchèque, c’était une évidence et une marque de respect »
Salut à tous les tchécophiles de Radio Prague International ! Suite de notre série consacrée à ces francophones qui, un jour, pour une raison ou pour une autre – forcément toujours bonne cependant -, se sont lancés dans l’entreprise périlleuse de l’apprentissage du tchèque… Cette fois-ci, nous donnons la parole à Caroline Novák-Jolly, une Française originaire du Loiret, qui a déménagé en Tchéquie en juillet 2014, à Liberec tout d’abord, puis à Pardubice, la ville d’origine de son mari rencontré en Irlande, et où elle avait trouvé un travail à l’université. Au micro de RPI, Caroline évoque les premières expressions idiomatiques et quasi-homonymes apprises à son insu et fortuitement. Mais pour commencer, elle explique comment elle a été accueillie lors de ce retour aux sources pour son mari – et nouveau départ pour elle.
« Je dois dire qu’à Liberec, les gens sont quand même un peu froids, donc cela a été compliqué, d’autant que je ne parlais pas du tout tchèque. Mais les amis de mon mari m’ont fait un accueil plutôt sympathique. De ce point de vue-là, j’ai été bien accueillie. Ensuite, à Pardubice, il y avait sa famille, tout d’abord, et puis j’ai eu un emploi qui m’a permis de faire des rencontres, internationales notamment. Par ailleurs, je parlais déjà un peu la langue… On peut donc dire que l’intégration a été un peu plus facile. »
« Truffes froides » et rencontres internationales
Quel est votre emploi actuel ?
« Je suis assistante administrative dans une start-up à Prague. »
Qu’aimez-vous le plus dans la vie à Pardubice ?
« J’aime le fait que ce soit une ville moyenne, donc à taille humaine, tout en offrant un accès facile à tout, aussi bien à la vie culturelle qu’à la nature, dans laquelle on peut se retrouver très rapidement. En France, je suis originaire d’une toute petite ville, où l’on a accès à la nature. Mais pour la culture, il faut forcément se déplacer – et en voiture, car les transports en commun, en France, ce n’est pas comme en Tchéquie ! Donc j’apprécie le fait de pouvoir accéder à la culture, au cinéma, sans devoir faire trop de kilomètres : tout est à portée de main. »
Quel est votre endroit préféré à Pardubice ?
« A Pardubice, j’aime me promener le long des rivières [Elbe et Chrudimka, ndlr]. Et les deux parcs de la ville sont vraiment très chouettes. »
Vous avez dit que vous parlez maintenant mieux le tchèque, mais l’apprendre était-il une évidence en arrivant en Tchéquie ?
« Tout à fait. J’avais déjà vécu dans d’autres pays, l’Espagne et l’Irlande, que j’avais choisis par intérêt, et pour les langues. En Tchéquie, sachant que j’allais vivre dans une ville comme Liberec, je voulais absolument parler la langue pour me débrouiller et être intégrée. Et aussi par respect pour mon mari, sa famille et ses amis. Il est vrai que ses amis parlent tous anglais, mais ce n’est pas le cas de ses parents. Apprendre la langue pour pouvoir échanger avec eux, c’était donc pour moi une évidence. Et puis en termes de travail, aussi. Car Liberec et Pardubice, même maintenant, ce n’est pas comme Prague : si vous ne parlez pas la langue, c’est compliqué de trouver du travail. Maintenant, depuis neuf ans, je pense que les choses se sont améliorées, ces villes-là sont devenues internationales, mais cela reste néanmoins un univers différent de Prague. »
Comment s’est passé votre apprentissage ? Avez-vous pris des cours, utilisé une méthode ?
« J’ai tout essayé ! Dans un premier temps, j’ai commencé par prendre des cours collectifs dans une école de langues privée. Avec un manuel que tout le monde connaît : ‘Czech Step by Step’ pour le premier, puis ‘Česky krok za krokem’. Ces cours collectifs m’ont permis de rencontrer des personnes, ce qui n’était plutôt pas mal. Je suis ensuite passée par une phase dans laquelle j’ai perdu la motivation. D’autant que moi, j’étais motivée pour apprendre le tchèque, mais à la maison, mon mari ne voulait pas me parler tchèque ! J’ai ensuite recommencé à apprendre le tchèque toute seule, en réutilisant mes manuels. Après, mon mari a accepté de me parler tchèque, car je lui ai expliqué que c’était une question de vie ou de mort !! Il est donc passé au tchèque, ce qui m’a beaucoup aidée. Puis j’ai réussi à trouver, à l’université de Pardubice, une très bonne prof. [A la différence d’autres profs], elle savait vraiment comment enseigner le tchèque à des étrangers. Mais depuis, j’ai arrêté. Car je suis arrivée à un niveau qui me permet de me faire comprendre, et j’ai du mal à passer à l’étape supérieure… »
« Une bière, […], et que ça saute ! »
Utilisez-vous le tchèque au quotidien, au travail, à la maison ou ailleurs ?
« A l’extérieur, je l’utilise au quotidien. A la maison, mon mari et moi parlons tchèque, et anglais quand je suis vraiment fatiguée, ou pour aborder des thématiques compliquées. Et pour ce qui est du travail, avant, lorsque je travaillais à l’université [de Pardubice], je parlais tchèque au quotidien avec mes collègues. Et anglais ou espagnol avec les personnes que j’accompagnais, qui étaient étrangères. Mais dans mon travail actuel à Prague, étant donné que l’entreprise est française, avec un collectif français, je parle quotidiennement français avec eux. Néanmoins, à la maison, je parle tchèque, et à Pardubice, je parle tchèque en permanence. »
Pour en revenir à votre apprentissage, vous souvenez-vous du premier mot tchèque que vous avez appris ?
« J’aurais envie de dire ‘ahoj’, mais… Un des amis de mon mari, un véritable boute-en-train, m’avait conseillé d’apprendre la phrase suivante : ‘Jedno pivo, ty vole, dělej’! Je l’ai donc apprise, sans en connaître vraiment la signification, qui serait quelque chose du genre Une bière, p…, et que ça saute ! »
Rendez-vous le quatorze, à quatorze heures ?
Outre cette phrase « mythique », y a-t-il des mots tchèques que vous appréciez particulièrement ?
« Il ne s’agit pas tant des mots que des expressions, que j’adore dans toutes les langues, d’ailleurs. Et surtout, j’adore comparer, et voir si nous avons la même chose en français. J’ai d’ailleurs été surprise, car si en espagnol et en anglais, on ne s’étonnera pas trop de trouver de nombreuses similitudes avec le français, le tchèque – qui est pourtant une langue slave – a également plein d’expressions semblables aux nôtres. Par exemple, je vais en citer une qui n’a pas d’équivalent français, mais que j’avais apprise à Liberec, et qui donne une bonne idée du caractère des Tchèques de Liberec : ‘Být studený jako psí čumák’, à savoir ‘être froid comme une truffe de chien’, en parlant d’une personne. Et puis, les Tchèques ont une version proche de notre ‘Quand on parle du loup…’ – ‘My o vlku a vlk za dveřmi’, littéralement ‘Nous parlons du loup et le loup est à la porte’. »
A l’inverse, y a-t-il des mots tchèques que vous n’aimez pas du tout ?
« Je n’aime pas le nombre ‘čtrnáct’, ‘quatorze’, que je n’arrive pas à prononcer. Pour le prononcer, je dois insister et me concentrer… Pas facile lorsqu’il faut prendre des rendez-vous, le 14 janvier, par exemple ! »
Suppositoire ou… gratte-cul ?
Vous êtes-vous retrouvée dans des situations drôles ou gênantes à cause de malentendus, d’une mauvaise prononciation, etc. ?
« Oui, à deux reprises. La première, c’était lors d’une promenade dans la nature avec des amis – car les Tchèques aiment, comme moi, passer du temps dans la nature et récolter des éléments naturels, des herbes médicinales, etc. Au lieu d’appeler le cynorrhodon ‘šípek’, j’ai dit ‚čípek’, ce qui veut dire ‘suppositoire’ ! »
« Une autre fois, j’étais avec des amis et je voulais leur dire que parfois, il se fait une sorte de chimie, ou de magie, entre les personnes. Sauf qu’au lieu de dire ‘kouzlo’ – la magie, j’ai dit ‘kozel’ – le bouc ! »
Deux salles, deux ambiances !
Ecoutez-vous de la musique tchèque ?
« Mis à part Karel Gott et Pokáč, je ne suis pas très bonne en musique tchèque… De Karel Gott, je recommanderais [sa reprise en tchèque de] ‘Forever Young’, et de Pokáč, ‘Jsem pozitivní’. »
« Toutefois, si je ne lis pas en tchèque et n’écoute pas de musique tchèque, je regarde des films et séries tchèques. J’ai regardé beaucoup de films anciens que mon mari m’a conseillés, des classiques comme ‘Pelíšky’, ‘Kolya’ et ‘Kulový blesk’. J’ai aussi suivi la série comique ‘Most’, qui avait eu pas mal de succès à l’époque. Et puis j’ai vu beaucoup de films de Noël tchèques, et j’adore cette tradition des contes filmés. J’aimerais que l’on ait quelque chose comme cela en France – même si chaque année, j’adore regarder ‘Le Père Noël est une ordure !’ »