Il y a 70 ans, Milada Horáková était assassinée par les communistes

'Je marche la tête haute', photo: Zeď

Le 27 juin 1950 au petit matin, la juriste et députée tchèque Milada Horáková était pendue dans la cour de la prison pragoise de Pankrác. Une exécution en forme de conclusion d’un monstrueux procès politique.

Daniel Anýž | Photo: Jana Přinosilová,  ČRo

Pour rendre hommage à la seule femme condamnée à mort et exécutée en Tchécoslovaquie à l’époque des répressions staliniennes, des portraits de Milada Horáková accompagnés de l’inscription « Assassinée par les communistes » ont été installés sur les façades des bâtiments de certaines institutions de la capitale. A l’occasion de l’anniversaire de la mort de cette femme courageuse, figure de la résistance contre les régimes nazi et communiste, le journaliste Daniel Anýž a publié un livre qui retrace les parcours de Milada Horáková, de son mari Bohuslav Horák et de leur fille Jana Kánská.

Ancien correspondant du quotidien Hospodářské noviny aux Etats-Unis, Daniel Anýž a rencontré Jana Kánská à Washington, où elle vit depuis 1968. Leur amitié a donné naissance à cet ouvrage, comme le raconte l’auteur.

Une famille détruite par les nazis et les communistes

« Je lui rendais régulièrement visite dans sa maison située dans la banlieue de Washington. J’y ai vu un très beau portrait de Milada Horáková. Elle m’a dit qu’il avait été peint par son père, d’après une photographie. Elle m’a montré des illustrations qu’il a faites et m’a parlé des poèmes qu’il a composés. J’ai alors réalisé que nous en savions très peu sur cette famille, cette belle et heureuse famille totalement détruite d’abord par les nazis puis par les communistes. »

Milada Horáková avec son époux,  photo: Archives de Jana Kánská

Des historiens interrogés par la Télévision tchèque partagent l’avis de Daniel Anýž. D’après eux, les circonstances de ce procès politique monté de toutes pièces, qui a abouti à l’exécution le même jour de Milada Horáková et de trois autres personnes reconnues coupables comme elle d’espionnage et de haute trahison, sont relativement bien connus. Beaucoup moins le sont en revanche l’engagement de la juriste qui était chargée des questions sociales à la mairie de Prague, membre du parti socialiste pendant la Deuxième Guerre mondiale, ainsi que ses activités en faveur de l’émancipation des femmes. Il en est de même pour son mari Bohuslav Horák, journaliste renommé de la Radio tchécoslovaque dans l’entre-deux-guerres, impliqué lui-aussi dans la résistance et emprisonné par les nazis. Daniel Anýž raconte :

« Jana Kánská m’a prêté le manuscrit des souvenirs de son père, il comptait environ 150 pages tapées à la machine. Bohuslav Horák a rédigé ces textes dans son exil à Washington, à partir de la moitié des années 1960. Je pense qu’il voulait publier ses souvenirs, mais il n’y est pas parvenu. »

« Bohuslav Horák a eu la chance d’échapper à la police qui était venue l’arrêter à son domicile le même jour que sa femme, à l’automne 1949. Il a réussi à s’enfuir en Allemagne de l’Ouest, où il a vécu dans un camp de réfugiés près de Nuremberg. Après l’exécution de Milada Horáková, il a intégré le service de renseignement tchécoslovaque en exil, dirigé pendant le nazisme comme pendant le communisme par le général František Moravec. »

« Bohuslav Horák n’a jamais pu retourner en Tchécoslovaquie. Il est mort à Washington. Les lettres qu’il a écrites à ses amis sont imprégnées de la nostalgie qu’il entretenait de son pays d’origine. Il allait souvent au Canada parce que les forêts de conifères lui rappelaient le massif de la Šumava. »

Bohuslav Horák avec Milada et petite Jana,  photo: Archives de Jana Kánská

Je marche la tête haute

Jana Kánská avec ses parents,  photo: Archives de Jana Kánská

Intitulé « Jdu s hlavou vztyčenou » (Je marche la tête haute), comme l’a écrit Milada Horáková dans son ultime lettre adressée à sa famille, le livre de Daniel Anýž contient des souvenirs inédits de Bohuslav Horák, ainsi que d’autres témoignages, récits et documents. Ils révèlent à quel point le procès de Milada Horáková a influencé la vie de ses proches : de son mari, de sa sœur et de sa fille Jana Kánská, tous persécutés par les autorités communistes.

Les représentants du parti communiste actuel ne se sont jamais excusés pour le meurtre de Milada Horáková. Une attitude qui a poussé Daniel Anýž à sortir le livre à l’occasion du 70e anniversaire de son exécution :

« Même devant le tribunal nazi de Dresde, Milada Horáková a pu se défendre. A Terezín et à la prison de Pankrác, les nazis l’ont torturée physiquement. Mais elle a survécu. Les communistes l’ont terrorisée psychiquement en la privant pendant neuf mois des visites de sa famille et en refusant de lui dire ce qui était arrivé à son mari. »

« Ce qui m’a bouleversé et poussé à terminer ce livre, ce sont les propos des représentants du parti communiste qui, plutôt que de se taire, ont commencé à prétendre que Milada Horáková n’était pas tout à fait innocente et qu’elle n’était pas pour rien dans sa condamnation. Lorsque vous connaissez le fond de cet assassinat judiciaire, vous ne pouvez pas ne pas réagir. »

https://www.knihyzed.cz/jdu-s-hlavou-vztycenou/