Foot : en Tchéquie, qui c’est les plus forts ? Evidemment c’est le Slavia
En battant le Viktoria Plzeň (1-0), mercredi dernier, lors de la 2e des cinq journées des play-offs de la Fortuna Liga, le championnat de République tchèque de football, le Slavia Prague a décroché le 20e titre de champion de son histoire, le 6e de République tchèque depuis la partition de la Tchécoslovaquie et son troisième en quatre ans, asseyant ainsi un peu plus encore sa suprématie à l’échelle nationale.
Après une première célébration sur la pelouse de leur stade d’Eden aussitôt le coup de sifflet final en compagnie de leurs quelque 3 500 supporters autorisés à suivre la rencontre, suivie d’une autre dans les vestiaires, les joueurs et l’encadrement du Slavia sont ressortis du stade, un peu plus tard dans la soirée mercredi dernier, pour partager leur bonheur avec les quelques milliers d’autres fans qui s’étaient rassemblés devant l’écran géant installé par le club.
Si à Liverpool le lendemain, les images de la foule ignorant les règles de distanciation sociale et menaçant la sécurité publique en célébrant dans la rue la conquête du titre de champion d’Angleterre ont choqué, cela n’a pas été le cas à Prague où, pourtant, comme l’a encore rappelé le ministre de la Santé ce lundi, le coronavirus n’a pas disparu.
A la différence de ceux des Reds, les supporters du Slavia n’attendaient cependant pas cette consécration depuis trente ans. Un an seulement après, voilà les Pragois de nouveau champions de République tchèque, et ce sacre, le vingtième de la longue histoire du club, leur permettra la saison prochaine d’arborer sur leur maillot une deuxième petite étoile dorée au-dessus de la grande étoile rouge qui est le symbole traditionnel de celui qui, après le Sparta, n’a longtemps été que le deuxième club de la capitale.
Mercredi, dans un match équilibré qui aurait très bien pu tourner aussi en la faveur de Plzeň et ainsi complétement relancé le suspense en tête du classement, un but du milieu de terrain Petr Ševčík en deuxième mi-temps a suffi au Slavia pour s’imposer. Avec neuf points d’avance à trois journées de la fin des play-offs et un meilleur bilan durant la saison dans les confrontations directes avec le Viktoria, les Pragois avaient la certitude de ne plus être détrônés de leur fauteuil de leader.
Logiquement, c’est un entraîneur Jindřich Trpišovský soulagé et heureux qui s’est présenté devant les micros :
« Cela a été un match difficile entre deux équipes qui se valaient. Elles ont montré pourquoi elles ont lutté jusqu’au bout pour le titre. Il n’y a peut-être pas eu autant d’occasions de but que lors des précédentes confrontations entre le Slavia et Plzeň, mais je pense que l’on a assisté à un match avec une très bonne qualité de jeu. Il faut souligner aussi la prestation des arbitres, qui ont participé à ce que ce le niveau soit digne de l’enjeu. »
Dimanche, quatre jours donc après son sacre, le Slavia s’est de nouveau imposé devant son public, cette fois très nettement contre Jablonec (4-0), tandis que le Viktoria Plzeň, malgré l’annonce quelques heures plus tôt du décès à seulement 40 ans de son ancien défenseur international slovaque Marián Čišovský, qui souffrait d’une sclérose latérale amyotrophique incurable, a mis fin à la série de sept victoires d’affilée du Sparta Prague en l’emportant (2-1).
Même Sarri avait apprécié
Un an après le doublé coupe-championnat, c’est donc le Slavia qui reste tout en haut de l’affiche en République tchèque. De passage à Prague en fin de semaine dernière, Pavel Nedvěd, qui a pourtant porté les couleurs du grand rival du Sparta durant sa carrière, n’a pas manqué de féliciter le nouveau champion, et plus encore le travail de son coach Jindřich Trpišovský, désormais à la tête du Slavia depuis trois ans et demi :
« Ce serait une bonne chose si son avenir pouvait être lié à celui de l’équipe nationale. J’ai parlé de Jindřich Trpišovský avec notre entraîneur Maurizio Sarri et il était sous le choc. Il m’a confié qu’il n’avait encore jamais vu un tel style de jeu et cela lui a beaucoup plu. »
L’ancien capitaine de la sélection tchèque et Ballon d’or 2003, désormais vice-président de la Juventus, rappelait le quart de finale de Ligue Europa de la saison dernière entre le Slavia et Chelsea, que Sarri entraînait alors encore. A l’issue du match retour, qui avait offert un superbe spectacle et que le club londonien avait remporté dans la douleur (4-3), Maurizio Sarri s’était exprimé en ces termes au sujet du Slavia :
« A la mi-temps (quand Chelsea menait 4-1), nous avons pensé que nous étions déjà qualifiés, mais contre cet adversaire ce n’était pas le cas. Le Slavia affiche des chiffres comme je n’en ai jamais vus ces vingt dernières années. Les statistiques physiques, qu’il s’agisse du nombre de courses, des distances globales parcourues par les joueurs, du nombre de sprints et de courses intensives… Non, vraiment, je n’avais encore jamais affronté un tel adversaire et c’est pourquoi il était clair que la deuxième mi-temps pourrait être compliquée pour nous.
A l’automne dernier aussi, si les Pragois, qui étaient pourtant le petit poucet de la compétition et de leur groupe, ont tenu tête à des géants européens comme Barcelone, le Borussia Dortmund et l’Inter Milan en Ligue des champions, c’est d’abord parce qu’ils ont continué à pratiquer ce style de jeu physiquement extrêmement exigeant. Avec 746 kilomètres parcourus en six matchs, le Slavia est ainsi l’équipe parmi les trente-deux en lice durant la phase de groupes qui a parcouru la plus grande distance globale.
Résumer le succès du désormais double champion de République tchèque en titre à sa seule excellente préparation physique serait toutefois une erreur. On ne parvient pas en quarts de finale de la Ligue Europa et on ne tient pas en échec Barcelone ou l’Inter en Ligue des champions avec une équipe composée de onze coureurs à pied. Lorsque nous l’avions interrogé en septembre dernier, quelques jours avant l’entrée en matière dans la compétition du Slavia à Milan, Ibrahim Traoré, son milieu de terrain ivoirien, nous avait expliqué que les Pragois avaient cette capacité à hisser leur niveau de jeu en fonction de l’adversité :
« Nous ne sommes pas en Ligue des champions par hasard. Nous avons prouvé à plusieurs reprises que nous sommes une bonne équipe qui continue de progresser. La saison dernière, nous sommes quand même allés jusqu’en quarts de finale de la Ligue Europa après avoir battu de belles équipes (FC Copenhague, Bordeaux, Zénith Saint-Pétersbourg, Genk, FC Séville) et avant d’être éliminés par Chelsea, qui a ensuite remporté le trophée. On a aussi réalisé le doublé coupe-championnat. Nous n’avons donc pas à avoir peur et devons jouer notre football. La clef pour nous contre ces grands clubs et ces équipes avec de telles individualités, c’est de jouer très collectivement. Il faut que nous soyons soudés et solidaires. Les matchs la saison dernière contre Séville et Chelsea, même si nous avons été éliminés, nous ont confirmé que c’était la voie à suivre. »
Même si l’argent du propriétaire chinois aide incontestablement beaucoup aussi, comme l’a démontré l’arrivée du meneur de jeu roumain Nicolae Stanciu l’été dernier pour 4 millions d’euros (le transfert le plus élevé dans l’histoire du football tchèque), cela fait aussi plusieurs saisons déjà que la direction sportive des « Rouges et Blancs » recrute les meilleurs joueurs, le plus souvent des jeunes à fort potentiel, évoluant en République tchèque, et dans une moindre mesure en Slovaquie, comme en témoignent les deux buts de son jeune attaquant croate Petar Musa (qui a évoulé au Slovan Liberec entre 2018 et 2019) dimanche ou les neuf joueurs tchèques qui figuraient dans le onze de départ contre Plzeň mercredi.
Une politique « tchéco-slovaque » semblable à celle menée avec réussite également à Plzeň et depuis peu de nouveau au Sparta, et qui laisse déjà deviner une prochaine saison 2020-2021 excitante en République tchèque.