L’histoire tchèque de la seconde moitié du XXe siècle très présente dans la presse
Cette nouvelle revue de presse se penche d’abord sur une vive polémique concernant le rôle de l’ancien président communiste Ludvík Svoboda dans l’histoire tchécoslovaque. Elle s’intéresse ensuite aux différences qui marquent les commémorations de l’anniversaire de l’holocauste rom en Tchéquie et en Slovaquie. Autre sujet traité : les disparités salariales entre les enseignants de Prague et ceux d’autres régions. Ce magazine rappellera également la flambée de violence contre les Allemands, survenue dans le nord de la Bohême au lendemain de la fin de la Deuxième Guerre mondiale.
« Pourquoi un quai de Prague porte-t-il toujours le nom de l’ancien président communiste Ludvík Svoboda ? » Cette remarque prononcée par un animateur dans une émission d’actualité de la Télévision tchèque a provoqué une vive polémique qui continue à alimenter les réseaux sociaux depuis trois semaines. L’auteur d’un commentaire publié dans le magazine Reflex a saisi l’occasion pour rappeler que Ludvík Svoboda, président tchécoslovaque entre les années 1968 et 1975, se rangeait au côté de nombreux autres personnages controversés qui ont marqué l’histoire tchécoslovaque moderne. Il a écrit :
« Il ne fait aucun doute que Ludvík Svoboda, héros de la Deuxième Guerre mondiale, représente une figure importante de notre histoire moderne, qui a contribué fortement à la libération de la Tchécoslovaquie du nazisme. D’un autre côté, sa biographie comporte également des chapitres moins glorieux. Elu président de la République, en mars 1968, sur proposition du leader communiste de l’époque, Alexander Dubček, il est devenu une des figures marquantes du Printemps de Prague. Après l’occupation de la Tchécoslovaquie par les chars soviétiques, en août 1968, il est vite devenu une marionnette entre les mains de Moscou avant de soutenir le processus de ‘normalisation’. Et même si, pendant quelques mois encore, il a joui d’une très grande popularité auprès du public, il a peu à peu perdu de son prestige. »
« Héros à certains moments de notre histoire, Ludvík Svoboda a considérablement contribué et participé au marasme des années 1970, trahissant vers la fin des années 1960 la nation qui lui faisait confiance », constate le commentateur du magazine Reflex, tout en ajoutant :
« Notre démocratie est assez forte pour pouvoir tolérer les quais, les places et les rues qui portent le nom du général Svoboda. Notre histoire n’a jamais été ni noire ni blanche. Elle a connu des héros et des salauds. L’ex-président Ludvík Svoboda incarne parfaitement cette ambiguité. »
Le rappel de l’holocauste des Roms en marge de l’intérêt des politiciens
Le 2 août est inscrit dans le calendrier comme la Journée internationale de l’holocauste des Roms, en rappel de l’extermination de près de 3 000 hommes, femmes et enfants Roms dans le camp d’Auschwitz-Birkenau, dans la nuit du 2 au 3 août 1944. « Cet anniversaire a révélé le fossé qui existe entre la Tchéquie et la Slovaquie », note l’auteur d’un commentaire publié au lendemain de cette journée sur le site aktualne.cz :
« Le Premier ministre Andrej Babiš, parti en vacances, et le président de la République Miloš Zeman, silencieux sur le sujet, étaient absents de la commémoration qui s’est déroulée à Lety, lieu d’un ancien camp de concentration rom. L’unique haute représentante de l’Etat à être présente était la vice-présidente du Sénat, Miluše Horská. Quelle différence en comparaison des dirigeants slovaques qui ont accordé une grande attention à cette journée! Le Premier minitre Igor Matovič, par exemple, a rendu hommage aux victimes de l’holocauste rom en participant à une cérémonie du souvenir et à une messe solennelle. La présidente slovaque Zuzana Čaputová a, pour sa part, publié sur les réseaux sociaux un souvenir virtuel. »
Ce désintérêt des hauts représentants tchèques, signifie-t-il qu’en Tchéquie le racisme n’existe plus et que les Roms vivent à égalité avec les membres de la société majoritaire ?, s’interroge le commentateur avant de répondre par la négative et de préciser :
« Les Roms constituent la plus grosse minorité ethnique de Tchéquie, comptant près de 240 000 personnes, soit quelque 2,2% de la population. Selon les données du rapport sur l’état de la minorité rom en République tchèque, la moitié d’entre eux seulement sont intégrés dans la société, la seconde moitié étant socialement exclue ou étant menacée d’exclusion. Le même rapport constate que la cohabitation des Roms et de la société majoritaire est loin d’être idéale. »
Corps enseignant : les disparités salariales entre Prague et les régions
La situation des instituteurs et institutrices qui exercent leur profession à Prague est pire que celle de leurs confrères dans d’autres régions de la Tchéquie. C’est ce que relève un texte publié dans le quotidien économique Hospodářské noviny. « Ce constat sous-entend qu’à l’avenir, la région la plus riche du pays disposera, paradoxalement, du plus faible niveau d’éducation ce qui pourra avoir des retombées néfastes », écrit son auteur qui rapporte :
« D’une manière générale, les salaires des enseignants augmentent rapidement ce qui mérite d’être salué. Ceci dit, par rapport aux salaires d’autres diplômés de l’université, ils demeurent toujours assez bas. Le problème touche particulièrement Prague et, dans une certaine mesure, l’ensemble de la Bohême centrale, car la vie y est plus chère et le niveau salarial y est plus élevé que dans d’autres régions du pays. Il n’est donc guère étonnant que dans la capitale, la profession d’enseignant représente nettement moins d’attrait pour les jeunes diplômés qu’ailleurs. Ainsi, on trouve à Prague le plus grand nombre d’enseignants, près de 9%, sans formation pédagogique. La fluctuation des enseignants, qui a évidemment un mauvais impact sur les élèves, est un autre problème grave qui touche les établissements scolaires de Prague. »
« Si l’enseignement public à Prague continue à se détériorer, les gens auront tendance à s’orienter vers les établissements privés », estime le commentateur de Hospodářské noviny. C’est une évolution qui n’est pas souhaitable, selon lui, car elle renforcerait la ségrégation sociale.
Dissiper le silence autour des massacres survenus après la Deuxième Guerre mondiale
Le journal en ligne Deník.cz a rappelé que 75 ans se sont écoulés ces jours-ci depuis « l’un des plus grands massacres survenus dans l’ancienne Tchécoslovaquie àla fin de la Deuxième Guerre mondiale » :
« La flambée de violence contre les Allemands dont la ville de Ústí nad Labem, en Bohême du nord, a été le théâtre durant l’étté 1945 et à laquelle des gardes rouges, des soldats et la population locale ont participé a coûté la vie à des centaines de personnes, dont certaines ont été jetées du haut d’un pont dans l’Elbe. Une plaque commémorative dont celui-ci est orné rappelle désormais l’événement tragique. »
Le journal remarque que par une ironie du sort, le pont porte le nom de l’ancien président tchécoslovaque Edvard Beneš, qui avait décrété une loi d’amnistie pour tous les crimes perpétrés par des Tchèques contre des Allemands avant la fin octobre 1945.. Cette loi d’amnistie est toujours en vigueur à ce jour. Il indique en conclusion :
« La fin de la guerre en pays tchèques a été particulièrement brutale et on peut avoir une certaine compréhension pour les crimes commis sur les Allemands dans la première moitié du mois de mai 1945, sans tout à fait les excuser. Mais les camps de concentration tchèques, dans lesquels des centaines de milliers de personnes ont parfois dû attendre deux ans avant d’être expulsées, le travail forcé, les pogroms, les assassinats remontant à la fin de l’été 1945, sont autant de choses que l’on ne saurait pardonner. L’impunité de ces crimes a été un terreau fertile à l’ascension des communistes, tandis que le grand silence tchèque d’aujourd’hui au sujet de cette période prépare le terrain pour de nouvelles injustices. »