Immunologiste : « Nous aurons des milliers de morts du Covid d’ici un mois »
« J’en suis désolé, mais je n’ai pas la moindre bonne nouvelle à vous annoncer ». C’est par ces mots que le Premier ministre Andrej Babiš s’est adressé aux Tchèques, dimanche, sur les réseaux sociaux. « Nous sommes confrontés à une flambée de la pandémie et les chiffres sont catastrophiques », a-t-il constaté, préparant ses concitoyens au prochain renforcement des mesures de restriction, déjà perçues comme drastiques par beaucoup.
« Alors que les Pragois avaient symboliquement fêté la fin de l’épidémie en organisant un repas géant sur le célèbre pont Charles, le 1er juillet, l’heure n’est plus à la fête », a écrit le 14 octobre dernier le quotidien français Le Monde. La République tchèque en était alors à quelque 8 000 nouveaux cas de coronavirus quotidiens.
Deux semaines plus tard, la situation ne s’est en rien améliorée : avec la Belgique, la République tchèque est le pays européen le plus touché par la pandémie. En fin de semaine dernière, le nombre de nouveaux cas détectés en l’espace d’une journée a pour la première fois dépassé la barre des 15 000. Plus inquiétante encore est la montée en flèche du nombre d’hospitalisations (plus de 5 300 samedi), de patients admis en soins intensifs et de décès : une centaine par jour la semaine dernière. Au total, plus de 2 200 personnes qui étaient porteuses du virus sont mortes depuis le 1er mars dernier.
Les perspectives pour les prochaines semaines ne sont guère plus réjouissantes, comme l’a expliqué, pour la Télévision tchèque, Václav Hořejší, immunologiste et généticien réputé :
« D’après mes estimations, nous compterons des milliers de morts supplémentaires d’ici un mois. Et si, à la fin de l’année, le nombre des décès ne dépasse pas les 10 000, ce sera un énorme succès. Je pense que nous aurons bien d’autres préoccupations le 17 novembre que de célébrer l’anniversaire de la révolution de Velours, car l’épidémie va culminer à ce moment-là et la capacité d’accueil des hôpitaux sera devenue insuffisante. Tous ceux qui ont manifesté à Prague contre le port du masque et toutes les personnalités, dont certains médecins, qui ont écrit des pétitions pour l’abolition des restrictions, seront alors, malheureusement, confrontés à la réalité. »
Le non-respect des mesures anti-Covid mises en place par le gouvernement, dont l’interdiction des rassemblements de plus de deux personnes et la limitation de la circulation des personnes, contribue, selon le Premier ministre, à la propagation incontrôlable du coronavirus.
En implorant les Tchèques, une fois de plus, de respecter les mesures sanitaires en vigueur pour protéger les groupes à risque, Andrej Babiš s’est appuyé sur les chiffres et sur les images : montrant à la caméra une photo des quais de Náplavka, là où se tient chaque samedi un des marchés fermiers les plus à la mode à Prague, bondé malgré les restrictions, il a regretté que seuls 39% des Tchèques acceptaient sans réserve les mesures imposées par le gouvernement, contre 62% au printemps dernier.
Réaction tardive, sous-estimation de la gravité de l’épidémie cet été et mauvaise communication : voilà ce que reprochent, inversement, beaucoup d’entre eux au gouvernement Babiš. L’affaire du ministre de la Santé, l’épidémiologiste Roman Prymula, photographié il y a quelques jours en pleine nuit et sans masque à la sortie d’un restaurant à Prague, a encore diminué la confiance des Tchèques pour leur gouvernement. Pour l’immunologiste Václav Hořejší, le changement prévu au poste de ministre de la Santé ne changera rien à la crise actuelle :
« Le nombre de nouveaux cas de contamination et de décès va continuer de monter en flèche encore deux à trois semaines. Ensuite, la courbe va s’aplatir, grâce aux mesures de restriction. Si tout va bien, à Noël, nous pourrions avoir à peu près le même nombre de nouveaux malades qu’à la mi-octobre. Et peu importe qui occupe le poste de ministre de la Santé. Nous devrions peut-être nous interroger sur les origines de cette crise. On pointe du doigt le gouvernement et le Premier ministre, mais je me demande toujours pourquoi les épidémiologistes et autres spécialistes qui se sont engagés lors de la première vague de l’épidémie n’ont pas hurlé, début septembre, que l’on se dirigeait vers une catastrophe. »
Andrej Babiš a indiqué que le prochain renforcement des mesures restrictives et de confinement était inévitable. Il existe toutefois, selon lui, une lueur d’espoir : le vaccin contre le Covid-19 développé par l'université d'Oxford pourrait être disponible dès le mois de décembre. La République tchèque a déjà commandé 3,5 millions de doses.