Foot - Ruben Droehnle, le dernier petit « Francouz » du championnat tchèque

Ruben Droehnle, photo: Site officiel de FK Teplice

On ne vas pas vous raconter d’histoires, nous-mêmes n’avons découvert ce chiffre qui peut paraître étonnant qu’en préparant cette interview : selon le site officiel de la Fortuna Liga, pas moins de sept joueurs possédant la nationalité française évoluent cette saison dans le championnat de République tchèque de football.

De Zlín à Opava en passant par Karviná ou les Bohemians à Prague, tous ces « Francouzi » (Français) portent les maillots de différents clubs, le plus souvent dans l’anonymat, avec pour objectif de se faire une place au soleil dans le monde ultraconcurrentiel du football professionnel.  Parmi eux, le plus connu est très certainement Jean-David Beauguel, l’attaquant du Viktoria Plzeň.

Quant au dernier arrivé, en provenance de Lille, où il évoluait en équipe réserve, il s’appelle Ruben Droehnle. Le jeune défenseur français s’est engagé avec le FK Teplice en décembre dernier. Nous l’avons joint en fin de semaine dernière pour qu’il nous parle de ses trois premiers mois en Bohême du Nord :

« Sincèrement, quand je suis arrivé à Teplice au début du mois de janvier, j’ai traversé une période d’adaptation un peu compliquée. Je me suis retrouvé seul dans un pays dont je ne connais pas la langue et sans personne avec qui discuter ou passer un peu de temps en dehors du football. L’hiver et le froid n’’ont pas arrangé les choses. Mais cela va de mieux en mieux au fil des semaines. J’ai appris à connaître mes coéquipiers, certains d’entre eux m’ont aidé à m’intégrer. Du coup, aujourd’hui, je parlerais d’adaptation plutôt réussie à cette nouvelle vie en République tchèque. »

Lorsque, comme vous, on évolue en équipe réserve dans un club professionnel en France, comment se retrouve-t-on, presque d’un seul coup, en République tchèque ?

« Cela s’est fait par l’intermédiaire d’un agent français, Nordine Sam, qui m’a informé qu’un club tchèque pourrait être intéressé par mes services. En fait, j’ai d’abord fait un premier essai de cinq jours à Jablonec (actuel 3e de la Fortuna Liga) en octobre-novembre. Cela m’avait plu, mais je n’étais pas spécialement emballé non plus par la perspective de partir là-bas, et j’ai donc fait le choix de revenir à Lille. Puis le même agent m’a fait part de l’intérêt d’un autre club, cette fois le FK Teplice, trois semaines seulement plus tard. Et là, j’ai dit oui. Le championnat tchèque me plaisait et c’était important pour moi qu’il s’agisse d’un club de première division. »

Štěpán Vachoušek  (à gauche),  photo: David Kalvas,  ČRo

« J’ai donc fait un nouvel essai d’une semaine, et j’ai tout de suite été séduit par le club. J’y ai été bien accueilli, notamment par le directeur sportif Štěpán Vachoušek, qui parle français puisqu’il a joué à Marseille durant sa carrière (2003-2005). Sur le terrain, j’ai été très performant, mon style de jeu leur a plu, et du coup les dirigeants m’ont vite fait savoir qu’ils voulaient m’engager. »

A la différence de Jablonec à la lutte pour les places européennes, vous vous retrouvez toutefois à Teplice, un club certes historique du championnat tchèque mais qui cette saison figure dans le bas du classement et doit encore lutter pour assusrer son maintien dans l’élite pour la saison prochaine...

« C’est vrai, mais je n’ai pas de regrets par rapport à ça. Le terrain est une chose, l’autre est qu’un joueur a aussi besoin de se sentir bien dans la vie quotidienne pour pouvoir s’épanouir et donner le meilleur de lui-même. C’est un équilibre à trouver, Or, là, à Teplice, le feeling a tout de suite été très bon avec l’entraîneur et j’ai senti que le club me voulait vraiment. Inversement, à Jablonec, ils étaient un peu plus réticents. »

Slovan Liberec - FK Teplice,  photo: ČTK/Radek  Petrášek

« C’est vrai aussi que les résultats auraient pu être meilleurs en début d’année, mais je suis convaincu que nous allons nous en sortir et nous maintenir malgré tout (après sa défaite à Liberec (1-2) vendredi dernier, et 23 journées de championnat, Teplice occupe la 14e place au classement avec sept points d’avance sur Brno, 16e et premier des trois relégables). Sur un plan plus personnel, ce qui importe, c’est de jouer et d’enchaîner les matchs. Autrement dit, aucun regret de ne pas avoir signé à Jablonec. »

Selon vous, qu’est-ce qui a séduit les responsables de Teplice dans votre profil ? Parce que des défenseurs, on en trouve un paquet en République tchèque...

« Mon pied gauche ! C’est vraiment mon point fort, car je suis à l’aise techniquement. Or, je ne suis que le deuxième gaucher dans l’effectif de Teplice. L’entraîneur m’a souvent placé en défenseur latéral gauche durant la semaine d’essai et j’ai délivré pas mal de bons centres, ce qui est important car nous possédons quelques attaquants avec un bon jeu de tête. »

« Le championnat tchèque ? Du ‘box to box’ à l’anglaise »

Pour l’instant, depuis votre arrivée, vous n’avez toutefois pas encore eu beaucoup l’occasion de montrer tout ce que vous savez faire avec votre pied gauche, puisque vous n’avez disputé que quelques bouts de matchs. Vos débuts en championnat auraient certainement pu mieux se passer...

« C’est surtout le premier match qui s’est mal passé. Le problème est que je suis arrivé à court de condition, car je n’avais pas joué durant les six derniers mois précédents à Lille. Là-bas, comme je leur avais fait part de mon envie de partir, l’entraîneur ne me faisait plus jouer. C’est normal, mais du coup je manquais de rythme et de compétition. »

« Du coup, je n’étais pas prêt physiquement pour le premier match contre Jablonec. Nous avons largement perdu (0-5 à domicile, le 15 janvier, pour le match de reprise après la trêve) et je dois reconnaître que j’avais fait 70 minutes vraiment très moyennes. Le coach m’a donc laissé sur le banc lors des deux matchs suivants, le temps que je retrouve un niveau physique digne de ce nom. J’ai retrouvé une place de titulaire lors d’un match contre Slovácko (défaite 0-2) où là, au contraire, j’ai très bien joué, jusqu’à mon expulsion en toute fin de match. »

« La suspension qui a suivi a été un coup d’arrêt, parce que je pensais pouvoir enchaîner les matchs. Cela m’a fait rater la réception du Slavia Prague (1-1) et le déplacement à Ostrava (1-1), soit deux bons résultats. Du coup, j’ai commencé le match suivant contre Opava sur le banc de touche et ne suis rentré que pour les dix dernières minutes. »

Ruben Droehnle,  photo: Site officiel de FK Teplice

En raison du coronavirus, cette saison en République tchèque est un peu particulière puisque la trêve hivernale a été très courte, avec une reprise du championnat dès la mi-janvier, alors qu’elle dure habituellement trois mois de décembre à début mars. Du coup, beaucoup de rencontres se sont disputées dans des conditions climatiques difficiles et sur des pelouses en mauvais état. Cela signifie que l’on a assisté à des matchs engagés et très physiques. Au-delà de cet aspect, quel championnat avez-vous découvert en République tchèque ?

« Je dois dire que j’ai été agréablement surpris. Quand les gens en France ont appris mon choix de partir en République tchèque, ils se sont demandé ce que j’allais faire là-bas. Or, c’est un bon championnat, un peu ‘box to box’ à l’anglaise dans le sens où il y a assez peu de phases de préparation des actions, de conservation du ballon et d’attaques placées... Cela donne un championnat athlétiquement très exigeant avec beaucoup de courses à haute intensité. Du coup, le football pratiqué est aussi moins technique qu’en France ou en Espagne par exemple. »

« Et puis il y a quand même quelques clubs costauds, puisque tu affrontes le Slavia et le Sparta Prague ou le Viktoria Plzeň, qui sont habitués aux compétitions européennes. La qualification récente en Ligue Europa du Slavia aux dépens de Leicester, un gros calibre de Premier League, confirme tout ça. »

Les entraînements diffèrent-ils de ce que vous connaissiez en France ?

« Alors, sans doute est-ce parce qu’il faisait vraiment froid, mais ce qui m’a marqué, c’est que les échauffements avant les séances d’entraînement se font en salle. Surtout, tandis qu’à Lille l’intégralité des entraînements se faisaient avec ballon, ici il y a plus de courses sans ballon, plus de musculation... A mes yeux, ce n’est peut-être pas plus mal, car il faut aussi se servir de l’ensemble du corps pour faire un bon usage du ballon. »

« Le Slavia jouerait le haut du tableau en Ligue 1 aussi »

Vous avez 22 ans et sortez d’un club, Lille, où vous ne jouiez plus beaucoup avec peu de perspectives d’avenir. Vous avez signé un contrat d’un an et demi en faveur de Teplice. Envisagez-vous donc ce passage en République tchèque comme un moyen de lancer ou de relancer votre carrière, sans le regret de ne pas avoir percé à Lille ?

« Le seul regret que je pourrais avoir, c’est par rapport à la saison 2017-2018 où je pense que l’entraîneur du LOSC Christophe Galtier n’était pas très loin de me lancer. Mais c’était une saison très compliquée pour Lille, qui n’a assuré son maintien en Ligue 1 qu’à deux journées de la fin. C’est toujours difficile de lancer un jeune sans expérience dans ce contexte. »

« Mais pour le reste, j’ai fait mes classes à Lille, où j’ai beaucoup appris. Alors, certes, je n’ai pas percé en équipe première, mais cet apprentissage m’a beaucoup servi, comme j’en ai aujourd’hui la confirmation à Teplice. »

Teplice,  photo: Vojtěch Šafránek,  CC-BY-3.0

Comment se passe la vie en dehors du terrain ? En raison de la crise sanitaire, les déplacements non essentiels entre régions sont actuellement interdits et vous êtes donc en quelque sorte « bloqué » à Teplice...

« Je commence à bien connaître la ville et ça se passe bien. Comme je l’ai dit, le problème est parfois un peu la solitude, car ma copine est étudiante en France. Il est prévu qu’elle me rejoigne fin mars, quand son école fermera. Je dois reconnaître que je ne fais pas grand-chose en dehors du foot. C’est même 100 % foot. Les jours où, après l’entraînement du matin, il n’y en a pas de second prévu dans l’après-midi, je retourne d’ailleurs souvent au stade pour travailler individuellement. »

« Mes quelques promenades m’ont néanmoins permis de découvrir une petite ville sympa de 50 000 habitants avec beaucoup de parcs. Mais avec la Covid, c’est vrai, ce n’est pas toujours simple non plus. Je n’ai ainsi par exemple pas encore pu aller à Prague. J’ai donc hâte de le faire avec ma copine quand la circulation entre régions redeviendra possible et que la situation s’améliorera. »

Avec quel état d’esprit envisagez-vous le printemps qui arrive et la dizaine de matchs de championnat restants ? En vous disant que vous êtes là pour faire vos preuves et vous imposer en République tchèque ? Ou alors avec l’assurance que l’on compte sur vous dans l’optique de la saison prochaine ?

« Je pense avoir les moyens de m’imposer ici. Pour le printemps, la priorité est bien évidemment d’abord de faire en sorte de maintenir le club dans l’élite. Ensuite, mon objectif est de disputer le plus de matchs possible de manière à pouvoir aborder la saison prochaine, qui sera une saison charnière pour moi, dans les meilleures dispositions. »

« Teplice a la chance de posséder un beau stade de près de 20 000 places. Malheureusement il est vide et sans bruit, ce qui est un peu perturbant pour nous. C’est quand même aussi pour le public et les supporters que l’on joue au football. Et, inversement, eux peuvent nous aider quand cela se passe parfois moins bien sur le terrain. »

Le stade de FK Teplice,  photo: Pan Hyde,  public domain

A la différence de Lille, éliminé au tour précédent, le Slavia Prague participe aux 8es de finale de la Ligue Europa, contre les Rangers (1-1 à Prague au match aller, jeudi dernier). Le Slavia domine le championnat tchèque. Comment avez-vous trouvé cette équipe ?

« C’est une top équipe sur tous les plans. C’est vrai, elle est au-dessus du lot ici, mais je pense que le Slavia jouerait le haut de tableau sans problème en Ligue 1 aussi. Encore une fois, sa qualification aux dépens de Leicester en Ligue Europa a confirmé son potentiel. »