Presse : nouveau ministre de la Santé – position de la Tchéquie en Europe centrale – déconfinement partiel
Cette nouvelle revue de la presse de la semaine écoulée s’intéresse d’abord aux questions liées à la nomination d’un nouveau ministre de la Santé, le quatrième déjà depuis le début de la pandémie. Au menu également une réflexion sur la position de la Tchéquie au sein de l’Europe centrale. Autre sujet traité : le déconfinement partiel prévu à partir de la semaine prochaine et les doutes qui l’accompagnent : tel est un autre sujet traité. Une remarque enfin consacrée à un lieu de reccueillement inédit à Prague, dédié aux vitimes du Covid-19.
« Le Premier ministre a absolument le droit de remplacer un ministre, surtout lorsque celui-ci représente son parti ». C’est ce que l’on peut lire dans un commentaire publié dans le quotidien Deník N, en lien avec le remplacement de Jan Blatný au poste de ministre de la Santé par Petr Arenberger, ce mercredi. Selon son auteur, dans des circonstances normales, il ne faudrait pas particulièrement regretter ce départ, tant le ministre sortant avait à son compte un lot de mauvaises décisions. « Mais, assez paradoxalement, ce ne sont pas ces manquements mais bien sa décision raisonnable de ne pas expérimenter le vaccin russe Spoutnik V qui est à l’origine de sa révocation », écrit-il.
« Les défauts, les erreurs ou une mauvaise communication dans les médias de la part du ministre sortant Blatný sont secondaires, car il n’y a que le vaccin russe qui était en jeu », observe à son tour un commentateur du site info.cz.
« En révocant le ministre de la Santé Jan Blatný, le chef du gouvernement Andrej Babiš, bien que cherchant à le dissimuler, est allé à l’encontre des intérêts géopolitiques de Miloš Zeman », indique à ce propos un texte mis en ligne sur le site Forum24.cz. Selon son auteur, le nouveau ministre semble être plus ouvert à l’égard du vaccin Spoutnik V que son prédécesseur et de nombreux experts de santé. »
Le commentateur du quotidien économique Hospodářské noviny s’interroge lui aussi sur les causes de ce remaniement gouvernemental :
« Blatný n’était pas un ministre pire que d’autres membres du cabinet, même si la liste de ses erreurs est longue. La cause de son remplacement est autre. Il part au moment où il a eu le courage de s’opposer au président Miloš Zeman qui cherche à imposer en Tchéquie un vaccin qui n’a pas reçu la validation de l’Agence européenne du médicament (EMA). »
Toujours selon le commentateur de Hospodářské noviny, derrière ce changement il y a le double objectif de détourner l’attention des échecs du Premier ministre Andrej Babiš et, surtout, de satisfaire le président Miloš Zeman. « C’est ce dernier qui va nommer, après les élections législatives d’octobre, un nouveau chef de gouvernement », explique-t-il.
La Tchéquie tel un îlot en Europe centrale
« Sauf imprévu, les élections législatives qui auront lieu en octobre prochain mettront fin à l’ère d’Andrej Babiš ». C’est du moins ce que prétend l’auteur d’une analyse publiée dans le journal en ligne Deník Referendum et qui se penche sur les différents scénarios postélectoraux possibles. L’occasion pour lui de constater également :
« Dans le contexte de l’Europe centrale, la République tchèque constitue un hameau de vie libre et de tolérance, un Etat de droit qui fonctionne bien (sauf s’agissant de la poursuite des dirigeants haut placés), un pays où les travailleurs de la santé, les instituteurs et la classe moyenne touchent des salaires raisonnables. La catéchisme n’y est pas obligatoire comme en Pologne, les femmes peuvent décider de ce que sont leurs corps, les unions enregistrées sous forme de partenariat entre personnes de même sexe y sont reconnues. Le pays est donc l’un des pays d’Europe centrale les plus plaisants à vivre. On pourrait y voir une certaine analogie avec la période d’entre-deux-guerres pendant laquelle la Tchéoslovaquie avait réussi à maintenir tant bien que mal son caractère démocratique et libéral. »
Le commentateur du journal en ligne Deník Referndum s’interroge : le prochain gouvernement qui sortira vainqueur des élections, arrivera-t-il à sauvegarder cet état actuel ? Réussirons-nous à résister à des tendances autoritaires qui se manifestent en Pologne, en Hongrie ou encore en Slovaquie ? Avant de conclure :
« Beauoup de gens s’attendent à ce que les prochaines élections législatives marquent un important tournant positif. On ne saurait pourtant exclure une période et de chaos et d’instabilité qui pourrait permettre à un leader très autoritaire d’accéder au pouvoir. Un leader plus dangereux que ce que l’on a connu jusqu’ici. Les partis des deux coalitions d’opposition auxquelles les sondages donnent actuellement la majorité des intentions de vote assumeront alors une lourde responsabilité. Leur tâche consistera à maintenir dans le pays l’entente sociale et le dialogue démocratique et à bloquer la pénétration d’idéologies démagogiques de l’extrême droite. Pourvu qu’ils en tiennent compte ».
Un déconfinement partiel accompagné de doutes
En attendant la fin de l’état d’urgence et un déconfinement partiel prévu à partir du lundi 12 avril, le ton des commentaires consacrés à ce sujet n’est pas forcément optimiste. Le quotidien Lidové noviny de ce mercredi, par exemple, écrit :
« Il s’avère que nous avons la plus mauvaise phase de la pandémie derrière nous. C’est une excellente nouvelle, car la population tchèque a de moins en moins de patience ; pour ne pas dire qu’elle n’en a plus du tout. Si ce n’est plus l’état d’urgence, ce sera à la loi pandémique de lutter efficacement contre la pandémie. »
Il y a pourtant, comme il le souligne, des interrogations qui persistent :
« D’abord, on ne peut pas savoir si l’assouplissement des restrictions épidémiques ne sera pas prématuré. La Tchéquie, en effet, a plus de cas positifs pour 100 mille habitants que les pays comme la France ou l’Italie qui, en revanche, introduisent des restrictions plus sévères. De même, l’incertitude plane sur la manière dont la loi pandémique va fonctionner, et sur les critères à prendre en compte pour les assouplissements ultérieurs ou pour d’éventuelles restrictions locales. »
Le commentateur de Lidové noviny fait part que l’histoire antérieure de l’allègement des restrictions en Tchéquie est assez inquiétante : « consenties par le gouvernement et par l’opposition, les décisions allant dans ce sens ignoraient d’ordinaire les avis d’experts ». Il est selon lui fort possible que l’histoire se répète et qu’« une dernière vague de l’épidémie frappe cet été».
« Au moment où la vaccination avance lentement, les restrictions ont un sens », estime pour sa part un éditorialiste du quotidien Deník :
« En Tchéquie, le pays le plus touché au monde, l’épidémie a reculé un peu ce qui donne raison à un espoir prudent. Prudent, car dans un passé récent, l’optimisme exagéré des représentants politiques a mené à des fins tragiques. Chose qu’il faut désormais éviter ».
L’importance des symboles aux temps de l’épidémie
L’accès au pouvoir du président communiste Klement Gottwald. L’accueil spectaculaire de la sélection tchèque de hockey sur glace, après son triomphe aux JO d’hiver de Nagano. Des campagnes électorales. Autant d’événements variés parmi beaucoup d’autres dont la place historique de la Vieille Ville de Prague a été le théâtre durant les dernières décennies. « Devenue aujourd’hui un lieu de reccueillement non-officiel à la mémoire des plus de 26 000 victimes du Covid-19, cette place emblématique de la capitale nous rappelle l’importance des symboles dans nos vies », constate l’éditorial de la dernière édition de l’hebdomadaire Respekt :
« Lorsque l’association Un million de moments pour la démocratie a fait peindre sur le pavé près de 25 000 croix pour les victimes de la pandémie, on pouvait le prendre pour une sorte de happening sympathique, comme une visualisation des pertes souvent inutiles. L’image d’une forêt des croix blanches au milieu de la place est impressionnante. Mais dès que la municipalité de Prague a décidé de ne pas enlever au bout d’une journée les croix dessinées, comme le stipulait l’accord initial, le projet a revêtu une nouvelle dimension, plus forte encore. Dès lors, les gens ont commencé à y déposer spontanément des fleurs et des bougies, à y inscrire à la craie les noms des victimes. »
« Faire ses adieux constitue un rite important dont les survivants aussi bien que la société ont besoin. C’est pour avoir donné cette possibilité qu’il faut remercier les promoteurs de cette initiative », remarque l’éditorialiste.