Clément Beaune : « Aucune ambigüité dans la solidarité de la France avec la Tchéquie »

Clément Beaune

Le Secrétaire d’Etat français aux Affaires européennes, Clément Beaune, était à Prague en cette fin de semaine. Au programme notamment de ses rencontres avec plusieurs membres du gouvernement tchèque : les prochaines présidences européennes que Paris et Prague assureront successivement en 2022 et l’énergie nucléaire avec un appel d'offres pour la centrale de Dukovany convoité par le groupe français EDF.

Mais c’est aussi des rapports avec la Russie dont il a été question, quelques jours à peine après le départ de plusieurs dizaines de membres de l’ambassade russe expulsés par Prague en rapport avec l’explosion de Vrbětice en 2014.

En signe de solidarité avec la Tchéquie, plusieurs pays de l’UE ont également expulsé des diplomates russes. Pas la France, mais Clément Beaune a réaffirmé la solidarité française dans ce contexte particulièrement tendu entre Prague et Moscou :

« On a déjà expulsé à plusieurs reprises des diplomates russes dans des cas différents – l’affaire Skripal ou d’autres. On n’exclut pas de le faire à l’avenir si c’était une mesure nécessaire pour donner un signal. »

« Notre solidarité avec la République tchèque n’a aucune ambiguïté. Le Président Macron a appelé le Premier ministre Babiš pour l’exprimer, il l’a rencontré ensuite au sommet de Porto pour échanger sur ce sujet. Nous avons aussi proposé notre appui à l’ambassade tchèque à Moscou, parce que leurs effectifs sont réduits. »

Le départ d’employés de l’ambassade russe | Photo: Ondřej Deml,  ČTK

« Peut-être qu’on ajustera encore notre réponse. Ce que Prague a demandé était une solidarité européenne claire. Certains pays ont fait le choix d’expulser des diplomates. Nous ne l’avons pas fait à ce stade. Si l’affaire connaissait d’autres développements, nous pourrions le faire, c’est une option qui existe, pour ce cas ou pour d’autres. »

Selon le Secrétaire d’Etat français, qui a rencontré son homologue tchèque ainsi que les chefs de la diplomatie et du gouvernement à Prague, il faut continuer à dialoguer avec Moscou :

« Je pense que les Russes savent que c’est une affaire qu’on prend très au sérieux, qui est un acte d’attaque et d’ingérence grave et inacceptable. Il a été révélé après d’autres affaires similaires de ces dernières années. Comme ce qu’on a connu avec la Biélorussie récemment et des mesures de tensions dans l’espace aérien avec la Russie, on est dans une période compliquée où il faut qu’on soit à la fois très fermes et très unis entre Européens et qu’on essaie de garder malgré tout, sans naïveté ni faiblesse, des canaux de discussion politique avec la Russie. »

« On est très attaché à ne pas créer de dépendance à l’égard de la Russie. Sur les vaccins, sur l’énergie, on a toujours défendu des positions pour renforcer l’indépendance de l’UE à l’égard de la Russie. C’est difficile, parce qu’on est voisins et en partie intégrés, économiquement et énergétiquement. Donc on cherche l’équilibre, mais je veux casser l’idée selon laquelle la France serait naïve ou faible à l’égard de la Russie. Le président Macron a des contacts avec le président Poutine, parce que sur les grandes crises internationales – Ukraine, Syrie, Arménie, etc. – on doit parler. Cela ne veut pas dire qu’on soit d’accords ou faibles et cela ne vaut pas dire qu’on ne réagisse pas rapidement et fermement quand il y a besoin, sous différentes formes qui peuvent évoluer. »

« Aucun rapport avec ce qu’il se passe en Pologne et en Hongrie »

Autre sujet dans l’actualité européenne : le conflit d’intérêts du Premier ministre tchèque Andrej Babiš, débattu la semaine prochaine par les eurodéputés. La formation ANO du chef du gouvernement tchèque et le parti LREM du président français font partie du même groupe au parlement européen. Est-ce compliqué en ce moment d’être l’allié d’Andrej Babiš ? Réponse de Clément Beaune :

« Non, ce n’est pas compliqué. On n’a pas la même histoire politique ni les mêmes positions, ni entre les deux pays ni entre les deux partis qui sont dans le même groupe au Parlement européen. Nos députés européens sont indépendants du parti du président de la République et ont parfois émis des critiques au Parlement. »

« De gouvernement à gouvernement, on a de bonnes relations avec des sujets de coopération qui sont nombreux, même s’il n’y a pas ‘zéro divergence’. Sur les sujets d’Etat de droit ou de conflit d’intérêts qui sont parfois évoqués, je crois que ce serait une erreur d’en faire un match bilatéral. Il ne faut pas tout confondre non plus. »

Andrej Babiš | Photo: Michal Krumphanzl,  ČTK

« La situation du Premier ministre tchèque et de l’Etat de droit en République tchèque n’a aucun rapport avec ce qu’il se passe en Pologne et en Hongrie. Il ne faut pas qu’on mélange. »

« Pour éviter d’en faire quelque chose de subjectif, il faut s’en remettre aux procédures européennes. C’est la Commission européenne qui évalue. Il y encore une discussion entre les autorités tchèques et la Commission européenne et on n’est pas au bout du processus. (…) On attend les résultats de l’évaluation de la Commission – c’est le plus objectif – et après, s’il y a des décisions à prendre, on a toujours soutenu la Commission dans ces débats sur tous les sujets d’Etat de droit. . »

« On n’est pas au bout de ce processus. Ce n’est pas la même chose que d’avoir des relations entre gouvernements et d’avoir une procédure au sein du Parlement européen. On verra ce que les députés les plus proches de nous feront mais ce ne sera pas la fin de la procédure de toute façon. »

« Sur beaucoup de sujets, nous avons une proximité – énergie, taxe numérique, politique industrielle européenne. Le sens de ma visite ici n’est pas de dire que tout est parfait ou qu’on est d’accord à 100%, mais qu’on a une proximité à renforcer. »