5) A Jáchymov, la grande histoire de la première station thermale à proposer des bains de radon
Après une escapade à Jeseník, dans le nord-est de la République tchèque, retour cette semaine en Bohême de l’Ouest pour y découvrir Jáchymov. Une station thermale qui a été la première au monde, au début du XXe siècle, à proposer des cures en utlisant une eau radioactive, riche en radon et naturelle, qui soulage notamment des douleurs de l’appareil moteur. Mais se rendre à Jáchymov, c’est aussi découvrir tout un pan de l’histoire de l’Europe centrale.
Comme le rappelle la cérémonie qui se tient chaque année en mémoire de ses victimes, Jáchymov et ses proches environs, bien plus que de bien-être, ont longtemps d’abord été synonyme de terribles souffrances humaines.
C’est en effet dans sa douzaine de camps de travaux forcés que, depuis la fin des années 1940 jusqu’au début des années 1960, au plus fort de la répression communiste en Tchécoslovaquie, plusieurs dizaines de milliers de prisonniers politiques ont été envoyés.
Dans le contexte de la guerre froide, l’extraction de l’uranium qui se trouve dans les forêts environnantes a grandement contribué au développement du programme nucléaire soviétique.
A l’époque, le président Klement Gottwald, grand artisan de l’instauration du régime de terreur de style stalinien en Tchécoslovaquie, se félicitait d’ailleurs déjà publiquement à Prague que « la bombe atomique ne soit plus un secret pour l’Union soviétique depuis longtemps ». On parlait alors du « Jáchymovské péklo » - « L’enfer de Jáchymov ».
Quelque soixante-dix ans plus tard, un sentier du nom éponyme rappelle cette funeste histoire, et parcourir ses 8,5 kilomètres peut parfaitement s’inscrire dans le cadre d’une cure ou d’un séjour de soins thermaux très appréciés de visiteurs de plus en plus nombreux.
Car si Jáchymov mérite un séjour, ce n’est pas seulement pour son histoire, et ce donc, bien que celle-ci soit aussi riche que les gisements en minérais de son sous-sol.
La station d’un peu plus de 2 000 habitants, située à 120 kilomètres au nord-ouest de Prague et à quelques dizaines de kilomètres du célèbre triangle thermal Karlovy Vary-Mariánské Lázně-Františkovy Lázně, est digne d’intérêt aussi en raison de son emplacement géographique et pour l’enseignement de la physique.
Ici, pas de célèbres colonnades comme à Karlovy Vary ou à Mariánské Lázně, mais l’endroit ne manque pas de charme pour autant, comme l’explique Zuzana Křápková de la société des Cures thermales (Léčebné lázně) de Jáchymov :
« Nous n'avons pas de colonnades, c’est vrai, mais les environs et le décor des monts Métallifères forment une magnifique colonnade naturelle. On l’appelle la colonnade verte de Jáchymov. »
Le parc du château, le palais Radium construit au début du XXe siècle, les magnifiques bâtiments des thermes ou encore l’imposant complexe Curie sont quelques-uns des autres atouts de la cité. Mais pas les seuls.
Baignée dans les monts Métallifères, qui forment une frontière naturelle entre la Bohême et la Saxe, située dans la région des anciennes Sudètes, Jáchymov fait partie des différents sites miniers tchéco-allemands de la région inscrits, depuis 2019, au patrimoine mondial de l’UNESCO.
Cette riche tradition minière remonte au XVe siècle, période marquée par le début, dans une région alors inoccupée, de l’exploitation des gisements d’abord d’argent, puis d’étain, de cobalt, de nickel, de mercure, de fer et donc d’uranium, mais aussi l’installation d’une population allemande qui restera implantée jusqu’à la fin de la Deuxième Guerre mondiale et son expulsion de la Tchécoslovaquie...
Vers le milieu du XVIe siècle, après quelque 18 000 habitants, Jáchymov était même, après Prague, la deuxième ville la plus peuplée de Bohême.
C’est aussi en étudiant un minerai d’uranium de Jáchymov que Marie et Pierre Curie ont isolé le polonium et le radium, des découvertes sur la radioactivité qui ont valu à la célèbre chimiste franco-polonaise le Prix Nobel en 1911.
L’ouverture des bains au radon à Jáchymov, les premiers du genre au monde lorsque la ville avait le monopole de la production du gaz, remonte d’ailleurs aussi à cette période. Une ouverture qui s’est faite presque par hasard, comme le précise encore Zuzana Křápková, lorsque les miniers qui travaillaient dans la mine du nom de Svornost y ont découvert...
« ... Oui, une source d’eau miraculeuse qui est une source de guérison. L’eau possède une forte concentration de radon et c’est ce qu’il y a de mieux pour le traitement de l’appareil locomoteur. Les bains de Jáchymov sont uniques en leur genre parce qu’ils possèdent leurs propres mineurs. Ce sont eux qui puisent cette source naturelle de la mine de Svornost naturelle jusqu’à donc son exploitation balnéaire. »
Médecin en chef de la société des Cures thermales de Jáchymov, Jindřich Maršík précise comment se déroule le processus de cette balnéothérapie qui soulage de multiples douleurs articulaires et dorsales ou encore, par exemple, des maladies des systèmes nerveux et circulatoire :
« Cela se passe dans une baignoire en inox. Celle-ci est lentement remplie d’eau chargée en radon par le fond. Cela permet d’éviter que l’eau ne tourbillonne trop et que le radon, qui est le gaz dissous dans l’eau, ne s’évapore. Ce n’est qu’ensuite que l’on pénètre dans l’eau dont la température est maintenue à 36 °C. Le patient prend ce bain six fois par semaine. C’est-à-dire tous les jours sauf le dimanche, qui est un jour de repos. »
Un jour de repos qui, une fois le corps sorti de cette eau radioactive miraculeuse et bienfaits des soins aidant, permet ainsi de se plonger un peu plus encore dans la fascinante histoire de Jáchymov et des Sudètes, ou par exemple de se rendre, en empruntant la télécabine, au sommet du mont Klinovec (1 244 mètres), tout en haut de monts Metallifères qui portent décidément bien leur nom.