Festival de Karlovy Vary : « Un siècle ne commence qu’avec les années 20 »
Parmi les films présentés à la 55e édition du Festival du film de Karlovy Vary, Années 20, d’Elisabeth Vogler, une traversée de Paris ébouriffante parce que réalisée en un plan-séquence d’une heure et demie. A l’origine de ce projet collectif, l’envie de créer un film pour sortir du marasme de la crise sanitaire liée au Covid-19. Pour en parler, Radio Prague Int. a rencontré François Mark, acteur et co-scénariste et Léo Poulet, acteur dans le film.
FM : « On a vu un film à Paris de Richard Linklater qui nous a beaucoup plu et qui nous a donné envie de faire quelque chose, mais on a ensuite été confinés. On est partis à la campagne au printemps pour ne pas rester à Paris et on a commencé à réfléchir à ce qu’on pourrait faire à plusieurs car on était quatre scénaristes. On a voulu écrire un film pour voir ce que ça donnait. On s’appelait une fois par semaine pour lire ce qu’on avait écrit, on passait la journée au téléphone pour réfléchir ensemble. Au bout de cinq séances d’écriture, on a commencé à créer une narration et à réfléchir à un parcours. »
Pouvez-vous expliquer cette traversée de Paris et la technique cinématographique utilisée ?
LP : « J’étais très heureux qu’on m’appelle pour faire ce film d’une traversée de Paris. Ma fille joue aussi dans le film et on avait déjà habité en colocation avec certains des scénaristes donc c’est vraiment un film fait entre amis. Le parcours va du centre de Paris jusqu’aux quartiers plus extérieurs. J’ai juste joué sur une partie puisque c’est un relais dans Paris : j’étais sur les quais de Seine, derrière le théâtre du Châtelet puis le plan-séquence continue dans le métro. »
Comment avez-vous tourné le plan-séquence ?
FM : « Un plan-séquence est tout simplement le fait que le film soit réalisé en une seule prise, il y a un seul plan. La caméra commence à la minute zéro et s’arrête à la 90ème. Il n’y a pas de coupe alors que traditionnellement, le cinéma est fait de coupes, de champs, de contre-champs… Là, c’est filmé en continu. C’est assez sportif : six kilomètres de trajet à pied, dans le métro, en vélo, en scooter… L’idée du plan-séquence est aussi d’avoir quelque chose qui cimente les parties entre elles, d’avoir une sorte de lien ‘magique’ dans le passage de relais, il faut que le film garde la même énergie tout du long pour rester cohérent et créer une unité. Ce film est la captation d’un instant T pendant une heure et demie. »
Comment aviez-vous prévu de réagir face à d’éventuels aléas pendant ce tournage très court ?
FM : « On a d’abord écrit le film. Tout s’est fait en trois mois, c’est très court. On a commencé le casting au début du déconfinement et on a tourné fin juin pour avoir la lumière de l’été. Pendant les répétitions, chaque acteur connaissait sa scène mais pas l’ensemble du parcours donc les répétitions étaient très ciblées. On a fait six prises avec la totalité des acteurs. C’était souvent des acteurs de théâtre qui savent très bien gérer les trous de mémoire etc. »
Ce film est une ode à la liberté de mouvement, est-ce une conjuration de la crise sanitaire qui nous a empêchés de nous déplacer, et un renversement des films catastrophes qui ont traités le sujet de la pandémie d’une manière apocalyptique ?
FM : « On a pris notre exemple personnel pour se dire qu’on avait du temps pour écrire ce qui nous a traversés ces derniers temps. Toutes les questions politiques et artistiques qu’on s’est posées se cristallisent dans le film. »
LP : « Evidemment que le Covid est très présent dans le film mais on n’en parle jamais. On a tous besoin d’une ode à la vie. Je pense personnellement que la situation qu’on est en train de vivre est quelque chose qui pourrait nous permettre de tout réinventer, d’avoir plus d’énergie de vie, de force pour vivre des utopies. »
Il y a aussi cette phrase incroyable à la fin qui dit qu’un siècle ne commence que dans les années 20. D’où vient cette phrase ?
FM : « On apprend ça à l’école, on nous dit que le XXème siècle commence après la Première Guerre mondiale, qu’il faut une crise globale pour construire quelque chose à partir de ça. C’est aussi une phrase pour dire que la crise du Covid met en lumière l’état du monde pour se rendre compte que notre équilibre est très ténu. Il faut ensuite reconstruire le monde ensemble selon une vision utopique avec de nouveau rapports humains. C’est le message d’espoir du film de dire qu’on peut construire quelque chose dans ce chaos. »
Comment François Rollin s’est-il retrouvé dans cette aventure ?
FM : « Le casting s’est concentré autour d’acteurs prêts à relever ce défi et on a imaginé une scène avec Rollin et François de Brauer parce qu’on était attirés par son dialogue et sa déambulation. C’était taillé sur mesure pour lui. »
Que pensez-vous du festival de Karlovy Vary ?
LP : « On en prend plein les yeux, il y a plein de choses. La ville est magnifique et les films sont très intéressants. »
FM : « C’est mon premier festival de cinéma donc je suis vraiment dans la découverte et j’adore. C’est génial comme sentiment d’être quelque part parce que tu as fait quelque chose. L’ambiance est très agréable et on rencontre beaucoup de gens qui aiment le cinéma comme nous. »
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