Le théâtre tchèque en forme à Paris
En ce moment même, et pour encore quelques semaines, deux théâtres français s’essayent à la littérature tchèque. La Compagnie Jolie Môme réinvente Karel Čapek et sa Maladie blanche au Théâtre La Belle étoile, à Saint-Denis. De son côté, le metteur en scène Nicolas Briançon propose Jacques et son maître, de Milan Kundera, au Théâtre Montparnasse. Radio Prague International a vu les deux pièces.
Jacques et son maître
Direction d’abord le quinzième arrondissement de Paris, où se joue Jacques et son maître, pièce de Milan Kundera publiée pour la première fois en 1971. L’histoire part d’une conversation entre Jacques, valet, et son maître. Le maître demande à Jacques de raconter dans les moindres détails comment il est tombé amoureux. S’en suivent des digressions à l’infini, savamment mises en musique. Une pièce sur le plaisir de raconter, d’écouter, et de jouer des histoires.
Nicolas Briançon, metteur en scène, est aux manettes de cette adaptation :
« C’est une telle chance de jouer une œuvre pareille. Cette œuvre- là et la rencontre avec Kundera ont été fondamentales dans ma vie. J’ai une gratitude infinie et éternelle envers Milan. C’est une œuvre qui m’a touché, bouleversé, envahi et qui n’a cessé de me questionner depuis plus de 20 ans. »
Cela fait plus de 10 ans qu’il met en scène Jacques et son maître. Cette fois, il a notamment fait appel à un casting international. Parmi les acteurs et musiciens, un « quatuor slave », dont Jana Bittnerová, d’origine slovaque :
« Pour moi c’est très touchant parce qu’à l’époque communiste, en 1982, on avait déjà lu la pièce en cachette. C’est une philosophie magnifique, parce qu’on avait besoin à l’époque de liberté. Comme on dit : “Liberté, Egalité, … électricité !” Pour nous, Kundera symbolise l’espoir de la liberté. »
La maladie blanche
Deux salles, deux ambiances. Du côté du théâtre La Belle étoile, à Saint-Denis, l’ambiance est plutôt aux drapeaux et aux étoiles rouges. Aucun doute, la Compagnie Jolie Môme a le cœur très à gauche. Ces comédiens militants aiment les pièces engagées, et cette fois, ils sont allés chercher loin.
Karel Čapek, auteur tchèque de la première moitié du XXe siècle. En 1937, il publie la Maladie Blanche, un texte, ou plutôt un propos, qui a su taper dans l’oeil de Michel Roger, metteur en scène :
« L’idée de monter cette pièce nous est venue pendant le confinement. Nous avions découvert la pièce cinq ans auparavant. Alors évidemment, en se retrouvant en plein confinement, nous nous sommes dits qu’il fallait relire la pièce, et on a décidé de la monter. »
Il faut dire que l’histoire résonne avec l’actualité. Alors qu’une mystérieuse maladie envahit la terre, un médecin trouve un remède miracle. Oui mais voilà, il décide de réserver son invention aux pauvres, et de s’en servir pour propager un message antimilitariste.
Flo, comédienne, a été touchée par le message de la pièce :
« Il y a évidemment un message contre la guerre et contre le fascisme. Et en ce moment cela résonne pas mal, en tout cas par rapport au fascisme …On peut aussi penser à la guerre latente entre Chine et Etats-unis. »
La Compagnie Jolie Môme, que dirige Michel Roger, a fait le choix d’une mise en scène plus courte (1h45 contre 2h40 pour la version originale), mais extrêmement rythmée. Pendant tout le spectacle, les personnages, tous exubérants, s’écharpent sur un fond musical joué en direct par les comédiens eux-mêmes.
Par delà les différences, que ce soit dans le cadre feutré de Montparnasse ou dans l’ambiance révolutionnaire de Saint-Denis, les pièces à message font mouche. Inutile de dire alors, qu’en matière de textes engagés, le théâtre tchèque en a encore sous la pédale.
Pour voir les spectacles :
La maladie blanche :
Théâtre La Belle étoile, Saint-Denis (Métro Front populaire)
Vendredi, samedi : 20h30 ; dimanche : 16h
Jusqu’au 5 décembre 2021.
https://cie-joliemome.org/?cat=187
Jacques et son maître :
Théâtre Montparnasse (Paris XVème)
Mardi, mercredi, jeudi, vendredi et samedi : 21h ; dimanche: 15h
Jusqu’au 31 décembre 2021.