Politique étrangère : le nouveau gouvernement tchèque pour « renouer avec une tradition havélienne »
Fort du vote de confiance des députés, obtenu sans surprise mais après 23h de débats, le nouveau gouvernement tchèque peut désormais mettre son programme à exécution. En matière de politique étrangère, le cabinet de Petr Fiala (ODS) envisage de modifier la ligne tenue par le précédent gouvernement, notamment dans ses relations avec son voisinage proche mais aussi avec Moscou et Pékin.
« Provedeme revize vztahů s Ruskem a Čínou » : « Nous allons procéder à un examen de nos relations avec la Russie et la Chine », peut-on lire dans le programme du nouveau gouvernement. Il faudra attendre de voir ce que cela signifie concrètement. Depuis les révélations sur l’affaire Vrbětice l’année dernière, la Tchéquie figure en tout cas toujours avec les Etats-Unis sur la liste des « pays inamicaux » dressée par le Kremlin.
Jeudi, le ministère russe des Affaires étrangères affirmait sur les réseaux sociaux « avoir noté les déclarations du chef de la diplomatie tchèque Jan Lipavský à propos des moyens à trouver pour dégeler le dialogue russo-tchèque. Nous devons sortir nos relations de l’impasse et nous sommes prêts à le faire. Pour ce qui est de l’agenda positif, c’est à la République tchèque d’agir maintenant ».
Le maire de Prague, issu comme le nouveau chef de la diplomatie du Parti pirate, avait avancé l’idée de reprendre à l’ambassade russe une partie du terrain annexé en 1968. Pas sûr que cela fasse partie de « l’agenda positif » suggéré, d’autant que la partie russe avait déjà peu apprécié que la place devant le bâtiment soit renommée en hommage à l’opposant au Kremlin Boris Nemtsov.
Ces dernières années, dans les discussions directes avec les dirigeants russe et chinois, c’est le président Miloš Zeman qui représentait la République tchèque. Bien qu’en fin de dernier mandat, le chef de l’Etat et son entourage entendent conserver de l’influence. Une situation délicate pour nouveau chef de la diplomatie Jan Lipavský, comme le notait le politologue Lukáš Macek :
« Il sera clairement dans une situation délicate d’abord parce qu’il aura face à lui la présidence de la République qui ne lui sera pas favorable. Or, la politique étrangère est quand même un élément important. Il sera aussi membre d’une coalition gouvernementale qui est assez hétéroclite, notamment sur les questions de politiques étrangères et les questions européennes qui sont un des éléments très importants et ce d’autant plus avec la présidence tchèque du Conseil de l’Union Européenne qui approche. Ces sujets font partie des sujets qui divisent cette coalition ou en tous cas qui rendent les discussions compliquées en son sein. »
« Nous savons qu’une partie de l’ODS n’est pas enthousiaste pour rester dans les euphémismes qu’il soit ministre des Affaires étrangères. C’est sans parler aussi de la spécificité du ministère qui est une maison un peu particulière. Pour tout nouveau ministre, ce n’est pas forcément évident de s’imposer face à un corps constitué, assez soudé et expérimenté. Donc oui je pense qu’il sera dans une situation difficile mais il connait les défis qu’il accepte. Il faut juste souhaiter à la République tchèque qu’il soit à la hauteur. »
A cause du vote de confiance qui s’est éternisé, Jan Lipavský n’a pu se rendre à Brest cette semaine pour rencontrer ses homologues dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne.
Le passage de relais de cette présidence entre la France et la Tchéquie sera l’échéance majeure de cet été pour Jan Lipavský et Mikuláš Bek, le ministre des Affaires européennes, dans un contexte où les deux signalent une volonté de marquer une certaine distance vis-à-vis de la Pologne et de la Hongrie, deux des partenaires du Groupe de Visegrad, choyé par le gouvernement précédent et le chef de l’Etat.
Pour ce qui est du voisinage proche, la nouvelle majorité affirme soutenir l’Initiative des Trois mers, qui rassemble bon nombre de pays d’Europe centrale et orientale.
Parmi les autres priorités du gouvernement en politique extérieure, on peut également noter la volonté de « faire voter par le Parlement d’ici fin 2023 la loi dite Magnitski », visant à sanctionner les régimes ne respectant pas les droits de l’Homme.
Dans ce domaine des droits de l’Homme et du soutien de la démocratie et des sociétés civiles, le programme du gouvernement souligne qu’il est « moralement juste et dans le même temps bénéfique pour notre Etat ».
L’adjectif « havélien » est même employé dans le texte, en référence à l’ancien président Václav Havel pour « renouer avec la tradition havélienne de la politique étrangère comprenant une aide au développement et à la coopération de transformation ». « Dans le passé notre politique en matière des droits de l’Homme et de politique de transformation nous a permis de nous faire une place au centre de la politique européenne », peut-on lire dans la déclaration du gouvernement.