Laurence Boone à Prague : « Ce qui est essentiel est que la Chine ne fournisse pas d’armes à la Russie »
Laurence Boone, secrétaire d’Etat chargée de l’Europe auprès du Ministère français de l’Europe et des Affaires étrangères était de passage à Prague ce jeudi.
En visite dans la capitale tchèque, la secrétaire d’Etat a notamment été reçue par Mikuláš Bek, ministre tchèque des Affaires européennes et le chef de la diplomatie tchèque Jan Lipavský.
La ministre française a également participé à une conférence à l’Université Charles et débattu avec des étudiants et universitaires sur les défis géopolitiques auxquels l’UE doit actuellement faire face. La guerre en Ukraine ainsi que le rôle de la Chine et des Etats-Unis ont naturellement été abordés. Laurence Boone a répondu aux questions de RPI sur le sujet :
Considérez-vous que l’Union européenne est en mesure de se positionner en tant que médiatrice dans le conflit entre la Russie et l’Ukraine ou son influence est-elle limitée par les superpuissances étatsunienne et chinoise ?
« Ce n’est pas à nous de décider quand est ce que l’on va mettre fin à ce conflit russo-ukrainien. C’est à l’Ukraine de décider quand elle estimera qu’elle a gagné, à quelles conditions et quand elle veut entrer dans des discussions avec la Russie. Mais ce n’est pas à l’Union européenne de décider de cela. Le rôle de l’Union européenne est d’aider l’Ukraine à se battre de façon efficace dans ce conflit. »
Ces derniers temps particulièrement, le concept d’autonomie stratégique est considéré trop ambitieux pour certains tandis que l’atlantisme est trop prononcé pour d’autres : dans quelle mesure les perspectives française et centre-européenne sont-elles conciliables à vos yeux ?
« Elles sont parfaitement conciliables puisque ce que les deux régions souhaitent est de faire en sorte que l’Europe soit forte, autant économiquement que géopolitiquement, et un allié des Etats-Unis et de l’OTAN. Cette construction passe par une défense complémentaire de celle de l’OTAN et par une politique industrielle forte, puisque nous sommes aussi forts diplomatiquement qu’économiquement.
La semaine dernière, lors de sa visite à Bruxelles, le président Petr Pavel, a déclaré que la République tchèque devrait insister auprès de l’UE pour que les négociations d’adhésion avec l’Ukraine commencent dès cette année, comme le souhaite Kyiv. Où en est cette adhésion actuellement et quelle est la position de la France sur la question ?
« La France est très ouverte à cet élargissement puisque, pour des raisons géopolitiques, nous avons besoin de regarder les choses sous un angle qui soit celui de la sécurité du continent. Et la preuve de cette ouverture est que c’est sous présidence française de l’Union européenne que le statut de candidat à l’UE a été donné à l’Ukraine et à la Moldavie. Nous verrons en juin puis en octobre un rapport de la Commission sur les avancées des pays ayant une perspective européenne et bien sûr, ce qui va constituer le moteur ou la boussole, c’est d’assurer la sécurité du continent européen. »
Selon Petr Pavel, la Chine « n’est pas réellement intéressée par la fin de la guerre à court terme ». Visiblement l’Union européenne n’a pas une position commune sur l’éventuel rôle de la Chine dans la résolution du conflit russo-ukrainien.
« L’Union européenne a une position unifiée. Ce qui est important pour tous les pays de l’UE est que la Chine ne fournisse pas d’armes à la Russie. Et ensuite, c’est l’Ukraine qui décidera, et à ses conditions, avec son plan de paix, quand est-ce qu’elle veut arrêter cette guerre. »
La présidente de la Chambre des députés tchèque, Markéta Pekarová Adamová a déclaré il y a quelques jours que l’Europe n’avait pas d’idée claire de la nature des relations qu’elle souhaitait entretenir avec la Russie après la fin de la guerre. Qu’en est-il selon vous ?
« Vous savez, le sujet aujourd’hui est que l’Ukraine gagne cette guerre et soit dans une bonne opposition pour discuter, elle, de la manière dont elle veut régler ce conflit, quand le temps sera venu. »
Dans un discours datant du 30 mars dernier, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen s’était montrée ferme et exigeante à l’égard de la Chine quant à son attitude vis à vis de la guerre en Ukraine. Début avril, cette dernière et le président Emmanuel Macron ont rendu visite au dirigeant chinois Xi Jinping pour tenter de le convaincre de « raisonner » Moscou. Récemment, Xi Jinping et Volodymyr Zelensky se sont entretenus longuement par téléphone. Est-ce un geste suffisant de la part de la Chine, selon vous ?
« Ce qui est essentiel et vraiment indispensable est que la Chine ne fournisse pas d’armes à la Russie. »