Le périple de Viktoria et de son fils à travers l’Ukraine pour rejoindre la Tchéquie
Depuis le début de l’invasion russe, le 24 février dernier, plus de 20 000 réfugiés ukrainiens ont été accueillis en République tchèque, pays où les Ukrainiens représentent la plus grande communauté étrangère. Installée elle-même en République tchèque depuis 21 ans, Natalia Kostanova passe ses journées au bureau de police de Liberec, dans le nord de la Tchéquie, où elle aide ses compatriotes à régler les formalités administratives après leur arrivée.
« Ici, au bureau de police, les réfugiés déposent une demande de visa pour un an. Ensuite, ils demanderont un permis de travail et les enfants seront inscrits dans les écoles. Je suis là pour les aider. Actuellement, il y a près de 200 personnes ici, au poste de police, des familles entières, avec de tout petits bébés. Les gens arrivent toute la journée. »
Installée dans une commune de Bohême centrale, Natalia a également lancé une collecte de matériel médical, de vêtements et d’équipements destinées aux soldats ukrainiens.
« Je ne suis pas la seule à m’engager, tous les Ukrainiens qui vivent en République tchèque essaient d’aider comme ils le peuvent. Souvent, ils collectent de l’argent, achètent du matériel et l’acheminent à la frontière ukrainienne. Mes parents qui n’ont pas voulu quitter l’Ukraine et vivent à Oujgorod, aident eux aussi leurs compatriotes qui souhaitent se rendre en Slovaquie, en République tchèque ou en Pologne. Nous sommes surpris et émus par l’ampleur de l’aide tchèque, apportée aussi bien par l’Etat que par le public. »
Natalia travaille comme manager dans une agence de placement de travailleurs étrangers en provenance des pays tiers. Parmi les clients de cette agence figure Viktoria, une Ukrainienne qui, depuis six ans, travaille occasionnellement en République tchèque. Deux jours après l’invasion russe, Viktoria a décidé de quitter l’Ukraine avec son fils âgé de 12 ans. Arrivés ce mercredi à Liberec, Viktoria et Michal nous décrivent ce voyage éprouvant depuis l’est de l’Ukraine jusqu’à la République tchèque.
« Nous venons de la région de Donetsk, du district de Marinka. Dans notre région ont lieu de lourds combats, à Marioupol notamment. Nous sommes également touchés par l’offensive militaire dans les régions de Dnipropetrovsk et de Kharkiv. Le 26 février, j’ai décidé de partir, avec mon fils. Dans notre ville, il n’y a pas d’essence, donc les gens ne peuvent pas prendre leur voiture et partir. Il n’y a pas d’eau, l’électricité est tout le temps coupée, il n’y a pas de pain dans les magasins, les provisions sont épuisées. »
« J’ai réussi à appeler un taxi de la ville voisine, où il y avait encore de l’essence. En taxi, nous sommes parvenus à rejoindre les villes de Dnipro, puis de Kirovograd et de Vinnitsa. J’ai un ami à Oujgorod, près de la frontière avec la Slovaquie, qui est venu nous chercher à Vinnitsa. Dans chaque ville, il m’a fallu trouver quelqu’un qui pouvait nous conduire dans une autre ville. Les gens que nous avons rencontrés sur le chemin, les civils comme les soldats, ont été incroyablement gentils, ils nous ont nourris, car nous sommes partis sans rien. Les Ukrainiens sont très courageux tout le monde participe à la défense du pays. »
« Quand nous étions à Oujgorod, j’ai appelé Natalia. Elle a trouvé deux places pour nous dans un bus qui nous a emmenés en République tchèque. Avant cela, nous avons attendu très longtemps à la frontière. La nuit, nous pouvions au moins nous chauffer dans une station-essence. Il y a des foules de gens qui sont coincés là-bas, parce que les bus sont complets. Ils sont remplis d’enfants de tout âge, accompagnés de leurs mères. On ne voit que ça à la frontière, des bus avec des enfants… »
Michal, le fils cadet de Viktoria, raconte :
« Quand maman m’a dit que nous allions partir, j’ai pris mes affaires et quelques vêtements. Nous avons laissé là-bas mes grands-parents, mon grand frère… Ils me manquent. Mais on reste en contact, on s’écrit. Evidemment, j’ai un peu peur, je ne sais pas comment ça va se passer ici, il va falloir que j’apprenne une nouvelle langue… »
Michal sera placé dans une école tchèque, tandis que sa maman peut continuer à travailler chez le même employeur qu’avant. Le père de la famille et le fils aîné sont restés au pays.