Des dessins animés tchèques projetés aux enfants ukrainiens sur le chemin de l’exil
L’école supérieure de cinéma de Prague, la FAMU, célèbre cette année son 75e anniversaire. A cette occasion, elle a lancé, une plateforme VOD inédite qui permet de visionner pas moins de 300 films de ses étudiants, actuels ou anciens, dont les monstres sacrés du cinéma tchèque et mondial, tels Miloš Forman, Věra Chytilová, Jiří Menzel, Agnieszka Holland ou Emir Kusturica. Nous avons parlé de cette plateforme de streaming avec Alexandra Hroncová, responsable du département des festivals et de la distribution des films à la FAMU. Mais avant cela, Alexandra Hroncová a évoqué un projet beaucoup plus d’actualité de l’école de cinéma pragoise : elle a créé une collection de courts-métrages animés tchèques qui sont projetés, depuis quelques jours, aux enfants réfugiés ukrainiens au poste frontière de Medyka, l’un des principaux points de traversée entre la Pologne et l’Ukraine.
« Nos collègues, organisateurs de festivals de cinéma en Pologne, qui travaillent comme bénévoles au poste frontière ukraino-polonais de Medyka, nous disent que la situation à la frontière est difficile, chaotique. Les mères et les enfants qui y affluent sont fatigués, effrayés, traumatisés. Certains d’entre eux y passent plusieurs jours, avant de retrouver leurs amis ou proches et de poursuivre le chemin de l’exil. Pour distraire les jeunes enfants, ne serait-ce qu’un peu, on y projette des films d’animation, sans paroles. Le projet s’appelle ‘Border Crossing – Children’s Film Festival’, même si, évidemment, il ne s’agit pas d’un festival. La FAMU a été appelée à participer à ce projet. On nous a demandé d’envoyer un film d’animation, mais finalement, c’est toute une collection de contes animés pour enfants, d’une durée de 70 minutes, que nous avons fait parvenir à nos collègues polonais. »
« Pour la FAMU, il s’agit d’une aide très facile à organiser. Alors nous avons posté sur facebook une offre adressé à tous ceux qui prennent en charge les enfants ukrainiens et voudraient leur projeter, eux aussi, nos dessins animés. Par la suite, nous avons été contactés par les villes slovaques de Kremnica et de Prešov, ainsi que par d’autres villes et organisations. »
Fondée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l’Académie des Arts du Spectacle de Prague, plus connue donc sous le sigle de FAMU, a toujours été ouverte aux étudiants étrangers. Elle a lancé une collecte de fonds destinée à ses étudiants ukrainiens, actuels et futurs. Dans le cadre de l’initiative #famustandswithukraine, l’école propose une assistance psychologique et administrative aux réfugiés et à leurs proches.
A l’occasion de son 75e anniversaire, la FAMU a lancé, au début de 2022, la plateforme VOD intitulé Famu Films. Pour un forfait mensuel de 80 couronnes ou annuel de 800 couronnes, les spectateurs peuvent choisir entre 300 films tournés, depuis 1946, par les cinéastes tchèques lorsqu’ils étaient étudiants de la FAMU. Si les films sont, pour la plupart, sous-titrés en anglais, l’année prochaine au plus tard, toute la plateforme existera en version anglaise et sera accessible depuis l’étranger. Alexandra Hroncová :
« Bien sûr que la plateforme réunit les films des grands noms de la Nouvelle vague du cinéma tchécoslovaque des années 1960. On y propose une collection de films de Věra Chytilová, Jiří Menzel, Vojtěch Jasný ou Evald Schorm, ainsi qu’un film étudiant de 1961 assez particulier, intitulé ‘Žurnál FAMU: První občasník’, auquel ont collaboré tous ces cinéastes renommés quand ils faisaient encore leurs études à la FAMU. »
La plateforme FAMU Films propose également les films d’étudiants actuels ou fraîchement diplômés de l’école pragoise, dont la cinéaste russe Daria Kashcheeva qui a reçu l’Oscar étudiant pour son film d’animation « Dcera » (La Fille). On peut aussi y voir le film d’animation « Rudé boty » (Red shoes) d’Anna Podskalská, présenté au dernier Festival de Cannes.
La FAMU de Prague passe pour une des meilleures écoles de cinéma au monde et aussi pour une des écoles les plus récompensées. Quelle est la spécificité de son enseignement, dispensé en tchèque et en anglais ? Alexandra Hroncová :
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« Peu de gens savent que la FAMU était la cinquième école de cinéma fondée au monde. Sa spécificité tient au fait que le programme d’études est divisé selon les différents métiers du cinéma qui y sont étudiés : les étudiants n’obtiennent pas une formation générale, comme c’est le cas dans les autres écoles de cinéma, mais ils se spécialisent dès le début dans tel ou tel domaine : ils étudient par exemple l’animation, la réalisation, le documentaire, la production, le montage image et son ou la photographie. Enfin, à la FAMU, les étudiants apprennent non seulement à maîtriser les nouvelles technologies, mais également à tourner leurs films sur pellicule classique. Nos enseignants estiment que c’est toujours nécessaire pour apprendre bien le métier. »
