Gouvernement Fiala : « une image de modération, de sérieux et de bonne volonté »
Le gouvernement de coalition de Petr Fiala a passé le cap des 100 premiers jours la semaine dernière. Comment évaluer ce premier trimestre marqué par la guerre en Ukraine ? Lukáš Macek, chercheur associé à l'Institut Jacques Delors, a répondu aux questions de Radio Prague Int.
« Je crois que le gouvernement Fiala a réussi son entrée en matière. Pour le moment, sur les sujets où il était le plus attendu au tournant, je trouve qu’il arrive à tenir le cap. L’unité du gouvernement, malgré quelques petites affaires liées à tel ou tel parti de la coalition, semble tenir malgré l’hétérogénéité de la coalition. D’autre part, par rapport à ce qu’a pu être l’ODS par le passé, Petr Fiala arrive à maintenir un cap relativement centriste et compatible avec les autres partis de la coalition, y compris dans la gestion de la crise ukrainienne. On a pu le voir aussi dans le refus de la ministre de la Défense de participer à une réunion du groupe de Visegrad (V4) à cause du positionnement de Viktor Orban, ce qui n’aurait peut-être pas été la position de certaines autres personnalités de l’ODS. Je trouve qu’il y a une image de modération, de sérieux et de bonne volonté qui est appréciable dans le contexte actuel de crise aigüe. »
Petr Fiala a été l’un des premiers dirigeants à se rendre à Kyiv pour notamment y rencontrer le président ukrainien, Volodymyr Zelensky. Outre le Premier ministre slovène, la délégation partie en train de Pologne comprenait également le Premier ministre polonais ainsi que le chef du parti polonais PiS, Jaroslaw Kaczynski. Est-ce Prague qui suit Varsovie ou une véritable politique étrangère tchèque ?
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« La perception que j’ai eue de cette visite était que ces choses-là étaient un peu mises de côté. Bien sûr qu’il y a des questions et des problèmes d’ordre idéologique mais je pense qu’on était là sur un autre registre, un geste de solidarité très fort, du courage aussi. Je ne pense pas que la République tchèque se soit fait entrainer dans cette aventure par la Pologne pour suivre l’agenda de Varsovie. C’est quelque chose qui a en revanche beaucoup joué au sein du V4 ces dernières années. Là, on était hors du V4 - notamment à cause de l’attitude de Viktor Orban - et plutôt dans le cadre de l’affirmation d’une spécificité centre-européenne légitime et compréhensible qui n’a rien rien à voir avec les orientations idéologiques de tel ou tel gouvernement. C’est-à-dire que ces pays, du fait de leur situation géopolitique, affirment une ligne très nette et claire, davantage que certains pays d’Europe occidentale. »
L’ODS de Petr Fiala siège au Parlement européen dans le même groupe que le PiS polonais, qui est au cœur de controverses et de litiges avec Bruxelles sur des questions fondamentales comme l’Etat de droit…
« Je pense que le positionnement européen de l’ODS pose effectivement problème, dans ce groupe qui s’est d’une certaine manière radicalisé après le départ des conservateurs britanniques. Il faudra suivre ça de près et voir également comment va se positionner désormais le FIDESZ de Viktor Orban qui est actuellement parmi les non-inscrits. Tôt ou tard, l’ODS va devoir se reposer la question de son appartenance à tel ou tel groupe au Parlement européen. La crise ukrainienne n’efface pas tout et les problèmes concernant l’Etat de droit en Pologne n’ont pas disparu. Le défi de l’UE sera de trouver un bon équilibre entre le soutien à apporter à la Pologne en première ligne dans la crise sans toutefois renoncer à ses valeurs. Cela va être d’autant plus compliqué que Viktor Orban a remporté les élections avec un score plus haut que prévu. »
On avait évoqué ensemble lors de la nomination de ce gouvernement Fiala les éventuels obstacles à surmonter par le ministre des Affaires étrangères, Jan Lipavský, que le président de la République avait rechigné à nommer à la tête de la diplomatie. La guerre en Ukraine a changé la donne – En est-ce fini de l’influence de Miloš Zeman ?
« Effectivement la fin du mandat de M. Zeman va être difficile, pas seulement mais très largement à cause de ses changements de position par rapport à la Russie. Pour les derniers mois de son mandat, sa capacité à faire valoir ses points de vue notamment en politique étrangère et à instaurer un bras de fer avec le gouvernement est amoindrie. Néanmoins, M. Zeman a montré plusieurs fois sa capacité de résilience au cours de sa carrière politique donc il ne faut pas porter de jugement trop définitif. Mais il y a quand même une forme de désaveu qui influence son poids sur la scène politique et sur la politique étrangère du pays. »