Václav Bartuška : « On n’arrêtera pas la guerre en arrêtant d’importer du gaz et du pétrole russes »
Václav Bartuška est l’ambassadeur tchèque itinérant pour la sécurité énergétique. Au micro de la station Plus, il a cette semaine évoqué les questions épineuses autour de l’importation d’hydrocarbures en provenance de la Russie de Vladimir Poutine qui continue sa guerre en Ukraine. La Tchéquie est l’un des pays de l’UE les plus dépendants au gaz russe – que doit faire Prague désormais ? C’est l’une des questions à laquelle a répondu Václav Bartuška :
« Je pense que nous ne parviendrions pas à arrêter la guerre de Poutine en arrêtant d’acheter du pétrole et du gaz, parce qu’il s’en fiche du niveau de misère dans laquelle il entraîne la Russie, il s’en fiche du nombre de morts du côté russe et ukrainien. Il veut gagner cette guerre jusqu’à la fin, quelle que soit la fin. Il ne s’arrêtera pas à cause d’un embargo économique. C’est davantage une question de notre amour propre, de la conscience de ne pas financer avec notre argent sa guerre. Mais je comprends que notre indépendance vis-à-vis du gaz et pétrole russes va prendre un certain temps. »
Si un nouveau train de sanctions de l’UE contre la Russie prévoyait l’arrêt complet des importations de gaz, la Tchéquie devrait-elle se joindre à cette initiative ? Réponse de Václav Bartuška :
« Pour des pays qui sont relativement éloignés et qui n’ont pas ou peu de gaz russe dans leurs importations, comme l’Espagne ou la France, la question n’est pas sur la table. J’étais à Paris la semaine dernière et c’est clair pour la France qu’une telle initiative devrait le cas échéant venir des pays les plus menacés, à savoir la Slovaquie, l’Autriche, la République tchèque ou la Hongrie. »
Václav Bartuška était aussi récemment aux Etats-Unis, dont le président Joe Biden a récemment proposé d’exporter du gaz de schiste vers l’Europe :
« L’industrie gazière aux Etats-Unis est entre les mains de capitaux strictement privés. Donc quand Joe Biden lors de sa visite en Europe propose de livrer 15 milliards de mètres cube de gaz cette année c’est bien joli, mais les fournisseurs de gaz américains attendent des contrats - et des contrats à long-terme. Ce qui est cependant fondamental est que désormais même l’Allemagne et la France sont conscientes du besoin d’une stratégie commune à l’ensemble de l’Union européenne. C’est une nouveauté, cela n’était pas le cas il y a encore quelques mois. »
Les options sont diverses mais passent toutes par une convergence des intérêts de tous les pays membres de l’UE, car la transition ne sera pas simple, notamment pour la Tchéquie :
« Il nous faut être préparés à l’éventualité que nous ne recevions plus rien demain. Il n’y a résolument pas de stabilité dans les importations et Poutine peut réellement décider de fermer le robinet – il faut être préparé à une économie de guerre dans toute l’UE. Il faut nous débarrasser de notre dépendance à la Russie et de préférence sans que cela nous coûte tout ce que l’on a. Il est compréhensible de vouloir cesser de dépendre des Russes mais je vois également la situation sociale fragile de notre pays. De Prague on ne perçoit parfois les disparités, mais on a en Tchéquie plusieurs centaines de milliers de personnes sous la menace de saisies-exécutions, et une grande partie de la population ne pourra payer les factures d’énergie si les prix augmentent trop. C’est très important selon moi : il faut changer, se débarrasser du gaz et pétrole russes, sans avoir une explosion sociale. »