Le pouvoir d’achat des Tchèques frappé de plein fouet par l’inflation
Plus encore qu’ailleurs en Europe, les Tchèques sont contraints de se serrer davantage la ceinture cette année. En raison d’une inflation supérieure à 10 % depuis janvier, et même à 15 % depuis le mois de mai, leurs salaires réels ont encore baissé en moyenne de près de 10 % au cours du troisième trimestre 2022, selon les données publiées, lundi, par l’Office tchèque des statistiques (ČSÚ).
Les années de vaches grasses ont laissé la place à une année de vaches maigres aussi en République tchèque, où, longtemps, la majorité de la population, grâce notamment au chômage le plus faible de toute l’Union européenne (UE), a davantage été habituée à voir son niveau de vie évoluer sur une ligne à tendance plutôt ascendente. Le week-end dernier encore, les chiffres d’une enquête menée par la société américaine de logiciels de comptabilité Tipalti rappelaient qu’entre 2011 et 2021, la croissance des salaires en République tchèque avait été la septième la plus rapide au monde. Une période qui semble bel et bien révolue, et c’est pourquoi il convient désormais de retirer les lunettes roses, ne serait-ce que pour cette année (et sans doute la prochaine aussi).
En raison essentiellement de la forte inflation, avec un taux moyen pour l’ensemble de cette année qui sera supérieur à 15 % selon le ministère des Finances, et malgré la hausse des rémunérations, les salariés continuent de perdre du pouvoir d’achat. Les temps sont ainsi de plus en plus durs pour toujours un peu plus de monde, et cette réalité frappe de manière particulièrement sévère les ménages à faible revenu ainsi que les classes moyennes, comme le constate le macroéconomiste Martin Fassmann, de la Confédération des organisations syndicales de Bohême et de Moravie :
« Tout consommateur se rend bien compte de la hausse des prix et que ce qu’il a dans son porte-monnaie ne lui permet plus de se procurer autant de biens et de services qu’il y a quelques mois. Et même s’il sait bien aussi que sa rémunération nominale augmente, il voit encore mieux qu’il perd en richesse, car les prix augmentent à un rythme beaucoup plus rapide. »
La baisse des salaires réels en République tchèque, qui comme pour la période avril-juin a de nouveau été de l’ordre de 9,8 % au troisième trimestre, est même la plus importante parmi les pays du groupe de Visegrád (qui réunit également la Hongrie, la Pologne et la Slovaquie). C’est aussi la plus forte chute de tous les pays membres de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) depuis la partition de la Tchécoslovaquie et la création de l’État tchèque en 1993. À titre de comparaison, la diminution moyenne en 2022 pour l’ensemble des pays de l’UE ne devrait être « que » de 2,3 %.
Au troisième trimestre, le montant du salaire brut mensuel moyen en République tchèque, qui s’est élevé à près de 40 000 couronnes (1 640 euros), a pourtant enregistré une augmentation, non négligeable en temps normal, de près de 2 300 couronnes (95 euros), soit un peu plus de 6 % en l’espace d’un an. Mais il convient là aussi de rappeler qu’environ deux tiers des salariés perçoivent une rémunération inférieure à cette moyenne et que les disparités entre Prague (48 712 couronnes) et les treize autres régions du pays (35 000 couronnes dans la région de Karlovy Vary, en Bohême de l’Ouest, à l’autre extrême de l’échelle) sont particulièrement importantes.
Surtout, cette augmentation n’a pas permis de compenser une inflation dont le taux moyen s’est élevé à 17,6 % pour la période début juillet – fin septembre. Comme le concède Jan Rafaj, vice-président de l’Union de l’industrie et des transports, les entreprises aussi, qui sont, elles, confrontées depuis plusieurs années à une pénurie de main-d’œuvre sur le marché du travail, sont conscientes des préoccupations actuelles de leurs employés :
« La situation n’est simple pour personne. Les employeurs comprennent la situation des employés et de la forte augmentation de leurs dépenses. D’un autre côté, les entreprises, qui ne s’attendaient pas à une telle inflation en début d’année, font face à quelque chose de similaire avec l’augmentation des coûts de l’énergie ou de la masse salariale. Selon une étude que nous avons menée, une des principales raisons pour lesquelles certaines entreprises envisagent de licencier l’année prochaine n’est pas une baisse de la demande, mais bien une volonté de réduire les dépenses. Et inversement, celles qui prévoient d’embaucher, devront proposer de meilleurs conditions salariales. On voit donc que la situation est tendue des deux côtés. Des discussions et des négociations sont en cours entre les différentes parties, mais ce qui en ressort déjà, c’est que de nombreux employeurs s’efforcent de réagir à la situation. »
Après que le ministère des Finances a annoncé qu’il prévoyait une stagnation économique pour 2023, ce mardi, les chiffres sur la consommation des ménages en biens ont confirmé la morosité de la situation. En octobre, leurs dépenses se sont ainsi repliées de 1,8 % en un mois et même de 9,4 % par rapport à 2021.