L’imagerie médicale au service d’une madone médiévale de Bohême du nord
Récente – et rare – acquisition de la Galerie nationale, la madone de Havraň, datant de la seconde moitié du XIVe siècle, fait actuellement l’objet d’un scan aux rayons X par des experts de l’Université d’agriculture. Dans le cadre de sa restauration, cette intervention non-invasive doit permettre d’en savoir davantage sur ses origines.
Les technologies d’imagerie médicale sont de plus en plus utilisées dans le domaine de la restauration d’art ou l’archéologie : elles permettent en effet un accès non destructif à la structure interne d’artefacts souvent fragiles.
La tomodensitométrie est le nom scientifique d’un scan aux rayons X, et c’est cette technique, assistée par ordinateur, à laquelle ont recours Jiří Turek, radiologue de l’Université d’agriculture tchèque, et Markéta Pavlíková, restauratrice, pour examiner la précieuse statue médiévale en bois, connue sous le nom de Madone de Havraň :
« On peut voir ici sur la main de la Madone une partie ajoutée faite d’un matériau qui n’est pas du bois. Il s’agit d’un mélange de sciure de bois et de colle. Ce qui est intéressant pour moi, c’est la façon dont cet élément est attaché à la statue. »
Pour Jiří Turek, l’avantage de cette technologie appliquée à des objets inanimés est qu’il est possible d’utiliser des doses plus importantes de radiation que pour des êtres vivants. L’exploitation des données peut permettre de déterminer si le bois subi des dommages internes importants, mais aussi si la statue a déjà fait l’objet de tentatives de réparation ou de restauration dans un passé plus lointain, comme le précise Olga Kotková, responsable de la collection des Maîtres anciens à la Galerie nationale :
« Notre collègue chimiste a découvert de l’émail dans l’une des couches de peinture, soit une matière régulièrement utilisée seulement à partir des années 1540. J’étais un peu inquiète, mais j’ai regardé les photos et j’ai vu que cet émail ne se trouvait que dans la troisième couche, ce qui signifie qu’il n’était pas là à l’origine. »
Lors de sa présentation au public en novembre dernier, la Madone de Havraň avait eu droit aux égards réservés aux stars, avec une foule de journalistes et de photographes venus découvrir la nouvelle acquisition de la Galerie nationale, pour une somme de 4,5 millions de couronnes.
Cette Vierge à l’enfant a été représentée par l’artiste comme planant au-dessus d’un trône composé de plusieurs anges qui la soutiennent, certains d’entre eux étant pourvus d’un instrument de musique. Œuvre datée des années 1360-1370, celle-ci est rarissime – tant en raison des circonstances de son acquisition que par ses origines la plaçant, historiquement, à l’époque du règne du roi et empereur Charles IV, comme le détaillait alors Olga Kotková :
« Nous pensons que cette œuvre est née dans l’atelier du maître de la Madone de Bečov, voire même qu’il ait pu en être le créateur en personne. Elle est donc issue d’un atelier exceptionnel qui était basé à Prague mais qui pouvait prendre des commandes, par exemple pour des églises de Bohême du Nord. Il se peut que l’atelier ait également été actif dans la région. »
Quant au lieu de dépôt récent et aux précédents propriétaires de cette œuvre d’art ancienne, force est de constater que ces origines-là sont pour le moins floues. La Galerie nationale indique que le dernier lieu officiel connu de cette madone était l’église Saint-Laurent à Havraň près de la ville de Most. Après la fin du XIXe siècle, sa trace se perd, sans que l’on sache ce qu’elle est devenue avant qu’elle ne réapparaisse aujourd’hui, vendue par un propriétaire souhaitant rester anonyme.
Cette région de Bohême du Nord est aussi celle des anciens Allemands des Sudètes, en grande partie expropriés et expulsés après la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Cette question des origines de la statue dans le patrimoine des vendeurs actuels n’a été que partiellement éclairée par la Galerie nationale qui préfère s’en tenir à la rareté de l’acquisition. Ces quelques informations parcellaires soulèvent davantage de questions qu’elles ne donnent de réponses, comme le notait d’ailleurs en novembre une journaliste du site Novinky.cz.
Quoiqu’il en soit, la madone est actuellement embarquée dans un long processus de restauration dont le passage aux rayons X n’est qu’une étape : il faudra donc s’armer de patience avant de pouvoir aller admirer le travail de sculpture minutieux qui a donné naissance à cette Vierge à l’enfant entourée d’anges et qui sera présentée, à terme, dans le cadre de l’exposition permanente d’art médiéval du lieu tout aussi remarquable qu’est le couvent Sainte-Agnès.