Les sportifs tchèques plus divisés que les politiques sur la question de la réintégration des sportifs russes
La réaffirmation, mardi, par le Comité international olympique (CIO) de sa volonté de réintégrer les athlètes russes et biélorusses dans le concert du sport international a, sans surprise, été très majoritairement mal accueillie en République tchèque. Toutefois, si les dirigeants politiques critiquent cette prise de position en faveur de la Russie à un peu plus d’un an de la tenue des Jeux à Paris, d’autres voix, et notamment parmi les sportifs, s’élèvent aussi pour appeler à envisager la question sous un nouvel angle, plus nuancé.
En Europe notamment, moins ailleurs dans le monde, la question reste posée et continue de diviser : faut-il, ou peut-on, de nouveau autoriser les représentants russes et biélorusses à participer aux compétitions sportives ? Et notamment à celles qui leur permettraient de se qualifier pour les Jeux olympiques qui se tiendront à Paris en juillet et août 2024.
À Prague, comme en Pologne ou dans les pays baltes, la réponse, officiellement, est non. Si le Comité olympique tchèque (ČOV), qui marchait sur des œufs, a d’abord quelque peu bégayé et a hésité à se prononcer lorsque le CIO a pour la première fois évoqué l’idée de réintégrer les sportifs russes et biélorusses, la position est clairement arrêtée et définie depuis, ne serait-ce qu’aux yeux de la représentation politique.
Mercredi encore, à l’issue du Conseil des ministres, le Premier ministre Petr Fiala a rappelé que la République tchèque était fermement opposée à une éventuelle participation des athlètes russes et biélorusses. Le chef de la diplomatie, Jan Lipavský, a, lui, souligné qu’il convenait de ne pas oublier que les sportifs russes devaient leurs carrières à l’État russe, que des centaines de sportifs et d’entraîneurs étaient morts en Ukraine et que les idéaux olympiques avaient été bafoués.
À l’échelle des principaux concernés, les sportifs eux-mêmes, la manière d’envisager les choses est toutefois moins équivoque. Interrogé par la Télévision tchèque, l’ancien champion olympique de pentathlon moderne (Londres, 2012) David Svoboda, s’est ainsi expliqué en sa qualité de représentants de la Commission des sportifs du ČOV :
« La Commission a soumis un questionnaire aux membres de l’équipe olympique tchèque dans lequel il leur était demandé ce qu’ils pensaient de la participation des sportifs russes et biélorusses tant aux épreuves de qualifications qu’aux Jeux de Paris. 208 sportifs ont répondu de manière anonyme et ce qu’il ressort de leurs réponses, c’est que les avis sont très partagés et qu’il est impossible de présenter une position unanime sans trahir ou tromper certains de ceux qui ont répondu. La conclusion est donc que nous ne pouvons qu’adopter une position neutre, qui est aussi la mienne. »
Exprimé publiquement, ce positionnement « neutre » de David Svoboda a fait l’objet de nombreuses réactions négatives et critiques. Mais à ses yeux, il ne s’agit pas de défendre les intérêts du CIO et des sportifs russes, mais plutôt de ne pas mêler sport et politique :
« Il y a un an, quand le conflit en Ukraine a commencé, le CIO a recommandé de ne pas inviter les sportifs, dirigeants et politiques russes et biélorusses aux manifestations sportives. Le ČOV a soutenu cette recommandation. Personnellement, en tant que représentant de la commission des sportifs, où nous avions déjà débattu de la question, je m’étais alors abstenu de voter parce que je suis convaincu que d’un point de vue philosophique, la politique n’a pas sa place dans le sport. Je considère le fait que les générations précédentes ou que la génération actuelle n’aient pas su protéger le sport de la politique comme une triste réalité. Mais cela ne m’empêche pas d’avoir ma propre opinion, et c’est pourquoi ma position est neutre quant à la question de savoir si les Russes doivent être autorisés à participer aux Jeux ou à ses qualifications. C’est aussi pourquoi je suis d’accord avec l’évolution de la position du CIO au cours de l’année écoulée, car ses dirigeants savent très bien qu’il n’est pas possible d’interdire leur participation sans violer tous les documents dans lesquels ils sont engagés. »
Parmi les documents évoqués par David Svoboda figure notamment la Charte olympique, sur laquelle s’appuie également le Comité olympique russe et qui stipule, entre autres, que « tous les athlètes doivent participer sur un pied d’égalité ». Par ailleurs, depuis le début de la guerre, le CIO souligne que la mise au ban des athlètes russes et biélorusses n'est pas une sanction, puisqu’ils ne portent aucune responsabilité directe dans l’invasion, mais une « mesure de protection » des compétitions et de leur propre sécurité, contraire à ses valeurs d’universalité du sport. Un point précis avec lequel n’est cependant pas d’accord le président de la République tchèque, Petr Pavel :
« Monsieur (Thomas) Bach (président du CIO) est connu depuis longtemps pour ses opinions prorusses et j’ai été franchement déçu par sa recommandation. La Russie et la Biélorussie utilisent clairement le sport comme un outil de propagande. Bien que je sois personnellement désolé pour certains athlètes russes et biélorusses, le fait qu’ils servent d’instrument pour des régimes qui sont manifestement mauvais contraint malheureusement à les soumettre à l’isolement. Parce que, plus généralement, la Russie devrait faire l’objet d’un isolement international pour le mal qu’elle fait jusqu’à ce qu’elle revienne au respect des normes fondamentales du droit international. »
De son côté, le ČOV, qui a récemment mis sur pied un groupe d’experts indépendant chargé de trouver des arguments juridiques qui justifieraient la non-participation des représentants russes et biélorusses aux Jeux, a qualifié la dernière recommandation du CIO « d’inacceptable ».