Tchèques et Allemands des Sudètes s’entendent mieux, mais...
Cette nouvelle revue de la presse tchèque de la semaine écoulée s’intéresse d’abord à l’état actuel des relations entre Tchèques et Allemands des Sudètes. Quid aussi des relations tchéco-slovaques ? Seront-elles mises à l’épreuve ? Autres sujets traités : le désintérêt tchèque pour certaines mesures qui ont été prises récemment en Pologne qui sont source de controverses ou encore un regard inédit sur les supporters de fooball.
La Tchéquie doit aux Allemands des Sudètes l’aveu de sa culpabilité. C’est du moins ce qu’estime le site Seznam Zprávy tout en rapportant que la présence du ministre tchèque de l’Éducation, Mikulaš Bek, au congrès des Allemands des Sudètes, qui s’est tenu le week-end dernier à Reich, dans l’ouest de l’Allemagne, a constitué une étape particulière dans l’histoire des relations entre les deux peuples :
« Ce n’est pas tant le fait qu’il ait réconforté les Allemands des Sudètes en s’adressant à eux en les appellant ‘chers compatriotes’ qui importe. C’est là quelque chose qu’avaient déjà fait deux de ses prédécesseurs, Daniel Herman, ancien ministre de la Culture, et Pavel Bělobrádek, ex-chef du Parti chrétien-démocrate (KDU-ČSL). Mikuláš Bek a toutefois dit qu’il saluait les compatriotes sudètes aussi au nom du Premier ministre tchèque Petr Fiala. »
Les progrès réalisés au fil du temps se distinguent à la lumière du sombre souvenir laissé par l’ancien Premier ministre Miloš Zeman. Seznam Zprávy rappelle que ce dernier avait rappellé aux Allemands des Sudètes, il y a vingt ans, qu’ils avaient été « déportés ». « Avec un horrible bilan de 30 000 civils allemands, dont des personnes âgées, des femmes et des enfants, massacrés, Zeman est entré dans l’histoire du cynisme politique de manière particulièrement odieuse », écrit l’auteur, avant d’ajouter :
« Le discours de Mikuláš Bek a cependant trop tourné autour du pot. Il a parlé en termes très généraux du fait que ‘nous avons connu beaucoup de haine, de douleur et même de sang’, sans exprimer de regrets quant à la participation tchèque à ces tragédies. Cela est d’autant plus frappant qu’après le discours de Bek, le chef des Allemands des Sudètes, Bernd Posselt, s’est excusé, pour la énième fois d’ailleurs, pour la contribution des Allemands des Sudètes à la montée du nazisme. »
Ainsi, comme l’estime l’éditorialiste, Mikuláš Bek n'a pas été à la hauteur de la performance exceptionnelle de Daniel Herman en 2016. C’était alors la première fois que les participants au congrès des Allemands des Sudètes évoquaient non seulement les crimes nazis, mais aussi les atrocités que les Tchèques ont eux aussi commises après la guerre lors de l’expulsion des Allemands de Tchécoslovaquie.
Les relations tchéco-slovaques mises à l’épreuve
L’ex-Premier ministre slovaque Robert Fico, leader du partid’opposition SMER (social-démocratie), a récemment demandé aux politiciens progressistes slovaques et tchèques, sur les réseaux sociaux, de ne pas détruire les relations entre les Tchèques et les Slovaques et « de ne pas jouer avec le feu ». Une réaction, comme l’a noté l’hebdomadaire Respekt, au fait que Robert Fico ait été critiqué par le chef de la diplomatie et le président tchèques, Jan Lipavský et Petr Pavel, pour ses déclarations relatives à l’Ukraine. Robert Fico souhaite en effet faire cesser l’aide à Kiyv et son discours favorise plus ou moins la défense des positions russes. L’éditorialiste du magazine écrit à ce propos :
« Les relations actuelles entre la Tchéquie et la Slovaquie sont les meilleures de l’histoire. Le président tchèque Petr Pavel et la présidente slovaque Zuzana Čaputová entretiennent des relations particulièrement bonnes. Les deux gouvernements s’entendent bien. Mais il ne fait aucun doute que de gros nuages se profilent à l’horizon. Si Robert Fico remportait les élections législatives anticipées qui se tiendront en septembre en Slovaquie et était appelé à former un nouveau gouvernement, il serait aux côtés de Viktor Orban qui joue ouvertement la carte russe. La volonté de Robert Fico de coopérer avec Viktor Orban ressort clairement, entre autres, de son refus de sanctionner la Hongrie pour violation des principes de l’État de droit, pourtant critiquée par les institutions de l’UE. »
Si Robert Fico redevenait Premier ministre, les relations entre la République tchèque et la Slovaquie se détérioreraient. Respekt estime que les deux pays se retrouveraient soudain sur les rives opposées d’un même fleuve. Mais, toujours selon l’auteur, il existe un autre facteur qui attise chez Fico un sentiment anti-tchèque :
« Il voue une haine farouche à la présidente Čaputová. Donc, si elle s’entend bien avec le président tchèque Petr Pavel, celui-ci devient lui aussi un ennemi. Fico l’a montré immédiatement après son élection. »
Le silence tchèque face à l’évolution en Pologne
« Entendez-vous le silence ? Les hommes politiques tchèques parlent beaucoup de Taïwan, mais ne disent pas un mot sur la situation en Pologne, pays pourtant beaucoup plus proche. » Tel était le titre d’un article publié dans le quotidien Hospodářské noviny qui s’intéresse à une loi adoptée par le parlement polonais qui permettra au gouvernement d’exclure ses rivaux de la vie politique.
« Certes, Taïwan est une démocratie qui mérite notre soutien. Mais que les politiques tchèques s’inquiètent du sort d’une île située à des milliers de kilomètres tout en restant silencieux sur ce qui se passe dans notre voisinage immédiat est pour le moins hypocrite. Il faut reconnaître que la Pologne est plus importante pour nous que Taïwan. »
Le quotidien économique souligne que la Tchéquie n’a pas réagi à cette initiative polonaise :
« Il serait souhaitable que le président Petr Pavel exprime clairement aux Polonais, en privé, sa désapprobation quant à la manière dont ils détruisent l’État de droit dans leur pays. Et il faudrait que le Premier ministre Fiala et d’autres politiques tchèques en fassent de même. C’est la Pologne en tant que pays qui est stratégiquement importante pour nous, et pas le gouvernement polonais actuel. »
La condition du supporter de foot en Tchéquie
Être supporter de football fait partie du patrimoine culturel tchèque, estime un chroniqueur du quotidien Deník N. Dans un article publié le lendemain de la dernière journée du championnat, il racontait ceci :
« D’habitude, le public culturel tchèque manifeste du dédain à l’égard des fans de foot. Certes, le comportement de certains d’entre eux s’y prête. Mais la passion pour le football fait aussi partie d’une culture ; une culture pour ainsi dire prolétarienne. Et le fait qu’elle ait largement disparu contribue à l’aliénation et à la désorientation d’une partie des classes populaires. »
Selon le journal, la relation entre le football et la culture, ou ce que l’on appelle le public culturel, évolue au fil du temps. Plutôt mal vu auparavant, un certain degré de fanatisme est devenu tolérable après 1989, même dans les cercles intellectuels. Il en explique certains des avantages :
« Etre fan de foot peut effacer les différences sociales, faciliter des rencontres autrement difficiles, créer un sentiment d’appartenance avec des personnes qui seraient autrement éloignées les unes des autres. Évidemment, cette appartenance peut être renforcée par la bière, et on peut tout aussi bien se faire de nouveaux ennemis à cause du foot. Mais il est enraciné dans la culture des plus pauvres. Pour beaucoup d’entre eux, à l’échelle mondiale, le football est quelque chose qui fait partie du rêve de sortir de la pauvreté. »
« Les supporters de foot sont souvent décrits comme porteurs de toxicités diverses, de préjugés, de comportements agressifs. Ces affirmations ont certainement un certain fondement dans la réalité », lit-on encore dans l’article du journal qui conclut :
« Une guerre terrible se déroule pas loin de chez nous. Beaucoup de ceux qui sont tombés au combat et que nous considérons à juste titre comme des héros étaient des types de ce genre en temps de paix, qui vivaient leur vie du mieux qu’ils le pouvaient et allaient parfois au stade. Peut-être ont-ils eux aussi dérangé leurs concitoyens avec des cris d’ivrogne, des insultes et parfois de l’agressivité. Mais quand les choses deviennent vraiment difficiles, les avoir à ses côtés peut s’avérer très utile. »