Presse : pourquoi le russe reste-t-il une langue enseignée à l’école en Tchéquie ?
Cette nouvelle revue de la presse tchèque de la semaine écoulée se penche d’abord sur l’enseignement du russe dans les écoles tchèques. Elle s’intéresse ensuite à la situation des médias slovaques, six ans après l’assassinat du journaliste d’investigation Ján Kuciak. Autres sujets traités : l’absence de neige dans les montagnes tchèques et le regard du public sur le légendaire hockeyeur Jaromír Jágr, récemment honoré à Pittsburg. Un mot, enfin, sur l’intérêt croissant pour les voitures d’occasion.
Combien de langues, et lesquelles d’entre elles, devraient-elles être enseignées dans les écoles élémentaires en Tchéquie ? Cette question, désormais débattue au ministère de l’Éducation, a fait l’objet d’un commentaire publié dans le quotidien Lidové noviny. En voici un extrait :
« Actuellement, les élèves tchèques apprennent deux langues étrangères à compter du deuxième degré de l’école élémentaire (entre 11 et 15 ans). Ils commencent généralement par l’anglais, choisi par 90 % des élèves. S’y ajoute une deuxième langue, le plus souvent l’allemand, puis le russe. Mais certaines écoles commencent par le russe, ce que le ministre Mikuláš Bek a qualifié de ‘bizarre’. Selon lui, l’obligation d’apprendre une deuxième langue devrait être discutée, mais en tout état de cause, c’est ‘l’une des langues pertinentes’, à savoir l’allemand, le français ou l’espagnol, qui devrait être favorisée. »
D’après le chroniqueur du journal, la volonté de faire reculer le russe dans l’ordre des langues est motivée d’abord par le désir de marquer des points politiques. « Oui, un certain refus du russe est compréhensible après l’agression russe en Ukraine », admet-il. « Mais allons-nous pour autant vraiment cesser de parler russe et de lire Pouchkine et Tolstoï simplement parce que la Russie est dirigée par Vladimir Poutine ? », se demande-t-il également.
« Et voulons-nous vraiment nous priver de la possibilité de communiquer facilement avec les Russes qui sont opposés à Poutine ou de comprendre les Ukrainiens russophones ? Et d’une langue qui facilite les échanges avec les habitants des pays de l’ex-Union soviétique ? Après tout, Goethe n’a pas fini à la poubelle après la Deuxième Guerre mondiale à cause d’Hitler, l’enseignement de l’allemand étant même une des priorités aujourd’hui. »
La situation des médias slovaques, 6 ans après l’assassinat de Ján Kuciak
Le journal en ligne Forum24.cz a rappelé que, le mercredi 21 février, six ans se sont écoulés depuis l’assassinat du journaliste d’investigation slovaque Ján Kuciak et de sa fiancée Martina Kušnírová. Le commanditaire de ce crime, l’homme d’affaires Marian Kočner, « un produit et un bénéficiaire du système de corruption et de clientélisme qui s’est institutionnalisé en Slovaquie sous les gouvernements de Robert Fico entre 2012 et 2020 », n’a pas été déclaré coupable. L’occasion pour le chroniqueur du journal de porter un regard sur la situation des médias slovaques aujourd’hui :
« Le quotidien en ligne Aktuality.sk dans lequel Ján Kuciak travaillait figure sur la liste noire du gouvernement, au même titre que les rédactions des périodiques SME et Deník N, avec lesquels les partis gouvernementaux Smer et le Parti national slovaque refusent de discuter. Ils ne répondent plus aux questions de leurs rédacteurs en chef. La chaîne de télévision privée la plus regardée du pays, Markíza, qui appartient au groupe financier tchèque PPF, risque d’être privée de la publicité commandée par l’État et les entreprises publiques. Des menaces pèsent également sur la radio et la télévision publiques ; un projet de loi vise à les soumettre complètement au pouvoir de l’Etat est à l’étude. Au moins un tiers du marché des médias est contrôlé par le groupe financier privé Penta, dont les tabloïds servent les intérêts des membres du gouvernement. »
À la lumière de ces constats, Forum24.cz considère que les journalistes slovaques, qui ont perdu leur collègue Ján Kuciak en 2018, sont aujourd’hui dans une situation plus mauvaise encore que ce qu’elle était la veille de son assassinat. « Six ans après, la tragédie d’un journaliste est devenue la tragédie d’un pays tout entier », souligne-t-il.
Dans les montagnes tchèques aussi, un hiver pas comme les autres
Nombreux sont encore ceux à penser que le changement climatique ne les concerne pas. « Cette attitude changera-t-elle avec la disparition de l’hiver et des sports d’hiver dans nos montagnes ? », se demande l’auteur d’un texte publié dans le journal A2larm :
« Depuis la fin du XXe siècle, les Tchèques se sont progressivement habitués au fait que la neige est devenue quelque chose d’exceptionnel dans les villes et dans la plaine pendant les mois d’hiver. Toutefois, longtemps, pratiquer des sports d’hiver dans les montagnes situées dans le nord ou le sud du pays est resté possible. Cette année, la neige a disparu même en montagne. On en trouve désormais seulement sur les monts les plus élevés. Pour les Tchèques qui aiment les sports d’hiver, il s’agit peut-être bien là de la première véritable perte collectivement ressentie et d’un avertissement grave face à l’apathie climatique. Et même si certains vivent la disparition du ski, du snowboard et du ski de fond comme une véritable catastrophe, il ne s’agit certainement pas de la dernière perte. »
« Pour ceux qui souffrent du ‘chagrin climatique’, ce sentiment de perte est encore exacerbé par le fait qu’une véritable catastrophe nous échappe encore, alors qu’elle est en cours depuis longtemps dans d’autres parties du monde », lit-on encore. Il est donc grand temps, comme le souligne l’auteur, d’envisager cette perte comme une occasion de réfléchir enfin ensemble, pour la première fois, à la manière de se préparer aux autres difficultés qui attendent notre société dans les années et les décennies à venir, à la lumière desquelles la disparition du ski n’apparaîtra plus que comme un problème insignifiant.
Honoré à Pittsburg, Jaromír Jágr n’échappe pas à la critique dans son pays
« Peut-on critiquer une légende ? » Cette question a préoccupé le chroniqueur du magazine Reflex suite à la cérémonie qui s’est tenue dimanche dernier à Pittsburgh, où la franchise des Penguins a honoré le hockeyeur tchèque Jaromír Jágr, 52 ans, en retirant son maillot frappé du numéro 68 pour l’accrocher sous le plafond de la salle. « La légende tchèque est le deuxième meilleur marqueur (buts et assistances) de l’histoire de la (ligue nord-américaine de hockey sur glace) NHL après Wayne Gretzky. En outre, surtout durant les dernières années de sa carrière, Jágr a brillé par sa discipline et sa longévité », a-t-il rappelé, avant de poursuivre :
« L’immortalité sportive de Jágr doit être reconnue même par ses critiques les plus acharnés. Il est fort probable que la Tchéquie n’aura pas de sportif aussi remarquable avant fort longtemps. Cela dit, nombreux sont ceux qui ne lui pardonnent ses gestes et paroles en dehors de la glace, car dès le début de son impressionnante carrière, les affaires le concernant ont été suivies de très près par le public tchèque. Celui-ci voyait d’un mauvais œil, par exemple, que Jágr dépense sa fortune dans les casinos. Le fait qu’il se rende en Chine communiste, il y a cinq ans, avec le président Miloš Zeman en tant qu’ambassadeur du hockey a beaucoup fait jaser aussi, et beaucoup l’ont accusé de sympathiser avec le mouvement ANO d’Andrej Babiš. Dernièrement, enfin, on lui a reproché d’avoir engagé pour son le club de Kladno dont il est le propriétaire un gardien de but slovaque qui avait auparavant évolué dans la ligue russe KHL russe, qui soutient fortement le régime de Poutine. »
En conclusion de sa réflexion, le chroniqueur de Reflex a écrit :
« Certains séparent strictement les exploits sportifs de Jágr de ses activités hors de la glace, tandis que l’autre camp impose au hockeyeur tchèque des exigences particulièrement élevées. Mais pouvons-nous demander à Jágr, en plus de sa fantastique carrière sportive, d’agir comme un ‘phare moral’ de la société tchèque ? C’est à chacun d’entre nous qu’il appartient de répondre à cette question. »
L’intérêt croissant pour les voitures d’occasion
L’intérêt pour les voitures d’occasion en Tchéquie va croissant, ce dont témoigne le fait que même les hommes d’affaires et les entreprises commencent à en faire l’acquisition en grand nombre. Le journal économique Hospodářské noviny précise à ce propos :
« En 2023, la Tchéquie a figuré à la troisième place en la matière au sein de l’Union européenne. Ainsi, seuls les habitants de l’Estonie et de la Grèce conduisent des voitures plus anciennes encore. Selon les statistiques de l’Association des importateurs de voitures, l’âge moyen des voitures particulières s’élevait 16,2 ans à la fin de l’année 2023, tandis qu’en 2016, il n’était ‘que’ de 14,5 ans. Il convient de rappeler que l’économie nationale a connu une croissance assez solide avant la pandémie de Covid-19 et que l’augmentation au PIB a repris en 2021 avant de se poursuivre jusqu’en 2022. Malgré tout, l’âge moyen des voitures ne cesse d’augmenter et cette tendance s’accentue ces derniers temps. »
Ce constat, comme le confirme le journal, suggère que les automobilistes tchèques aiment la tradition et entretenir de vieilles voitures ou, plus simplement, qu’ils disposent de moyens insuffisants pour acheter de nouvelles voitures.