Voilà 85 ans que les Tchèques roulent à droite
Certaines villes tchèques ont dû s’y mettre dès le premier jour de l’occupation nazie, tandis que Prague a eu droit à un délai de neuf jours. La modification du sens de circulation des tramways et autres véhicules a impliqué des ajustements conséquents... et provoqué quelques accrochages.
Le 14 mars 1939, les premières troupes allemandes envahissent la Tchécoslovaquie en roulant du côté droit de la chaussée. Les villes d’Ostrava, de Příbram, de Písek ou encore Mladá Boleslav doivent s’adapter à ce changement de sens de la circulation routière dès les premières heures de l’occupation nazie. Le reste du territoire s’y conforme à partir du 17 mars à 6 heures, avec l’entrée en vigueur du décret du commandant en chef de l’armée de terre allemande Walther von Brauchitsch. La capitale tchèque, quant à elle, bénéficie d’un délai de neuf jours. Néanmoins, il faut préciser que si le passage à la circulation à droite est souvent présenté comme directement lié à l’entrée des soldats allemands sur le territoire tchécoslovaque, le pays s’y était déjà engagé en 1909, lorsqu’il avait signé la Convention de Paris... Et l’occupation ne fait qu’accélérer le passage à l’acte.
Drôles de manœuvres à Prague
Remplacement des aiguillages de tramway, transformation des quais d’embarquement, décalage des portes de certains véhicules, déplacement des panneaux indiquant les arrêts... En seulement neuf jours, la Société pragoise de tramways électriques doit réaliser des manœuvres sans précédent. Ces modifications sont accompagnées d’une campagne d’information dans les écoles et les entreprises ainsi que dans les rues et sur les routes. La presse quotidienne ne manque pas de signaler que le sens de circulation va changer, et dans toute la capitale, des affiches indiquent « A partir du 26 mars, nous roulons à droite ». D’autres avertissent : « Ne montez pas et ne descendez pas d’un tramway en marche ». Les scouts s’investissent également dans cette campagne d’information, parcourant les rues avec des banderoles et distribuant des prospectus aux conducteurs.
Esclaves de l’habitude et accidents de la route
D’un point de vue technique, le changement du sens de circulation s’est bien passé, mais les habitudes sont tenaces, et il était tout à fait possible de rencontrer une voiture en sens inverse... Heureusement, à cette époque, le trafic était tout sauf dense. A Prague, on recense quelque 26 accidents rien que le premier jour de circulation à droite. Dans la plupart des cas, il s’agit de tramways renversant des piétons qui n’ont pas encore pris l’habitude de tourner la tête à gauche avant de traverser... Un seul accident s’avère mortel : à Kobylisy, un quartier au nord de Prague, Josef Lhotský (49 ans) se fait renverser par le tramway 14 en s’engageant sur la chaussée sans réaliser que le sens de circulation avait changé.
En 1910, on comptait à peine 100 automobiles en Tchécoslovaquie. En 1922, il y en avait déjà 10 000, et 100 000 en 1931. C’était largement moins qu’en Europe occidentale : alors qu’en Tchécoslovaquie, on comptait un véhicule à moteur pour 145 personnes, en France, c’était 1 pour 24. Lorsqu’en 1967 la Suède est passée à la circulation à droite, l’adaptation des infrastructures de transport, comme par exemple les échangeurs routiers, a eu un coût faramineux pour le pays Un an plus tard, l’Islande a suivi l’exemple de la Suède. Depuis lors, les seuls pays d’Europe à rouler à gauche sont la Grande-Bretagne, l’Irlande, Chypre et Malte.