Les fêtes de Pâques à travers les chants des utraquistes de Bohême
On connaît l’importance du chant pour les Hussites à partir du XIVe siècle qui, comme la plupart des grands mouvements de la Réforme, ont privilégié cet art du texte et de la musique aux arts visuels. Les utraquistes, faction modérée des Hussites de Bohême, ont été à l’origine de nombreuses compositions, et notamment pour les fêtes de Pâques, moment le plus important de l’année liturgique chrétienne.
En 2021 est sorti l’album Vstalť jest Kristus z mrtvých král (Des morts, le Christ est ressuscité roi), résultat d’une collaboration fructueuse entre le Musée hussite de Tábor et l’ensemble vocal Gontrassek.
Enregistré en 2020 dans le cadre de l’église de la Nativité de la Vierge de cette même ville du sud de la Bohême, fondée par les Hussites, il présente différents chants liturgiques des utraquistes de Bohême du XVe siècle, ainsi que différentes œuvres de compositeurs étrangers comme Ludwig Senfl ou Josquin Desprez. Ce dernier notamment, originaire des Etats bourguignons, est considéré comme un grand maître de la polyphonie vocale des débuts de la Renaissance et comme une figure centrale de l’école franco-flamande.
Or dans la seconde partie du XVe siècle, les pays tchèques sont devenus l’une des régions d’Europe qui a le mieux accueilli ce nouveau style musical de la polyphonie franco-flamande, qui exigeait non seulement une formation plus exigeante en matière de composition, mais aussi des chanteurs qualifiés capables d’interpréter cette musique. Des sources manuscrites telles que le Codex de Strahov (1467-1470) ou le Codex Speciálník (vers 1485-1500) attestent de contacts étroits avec d’importants centres musicaux européens (notamment la cour de l’empereur Frédéric III ou la cour des ducs de Milan) et de la réception de nouvelles techniques de composition dans l’environnement tchèque, ce qui est particulièrement évident dans le domaine du répertoire de chansons.
Après les ravages des guerres hussites entre 1419 et 1434, l’université de Prague qui avait été le terreau fertile des idées réformatrices avant de décliner, renaît peu à peu de ses cendres : ce renouveau, combiné à la création de l’Eglise utraquiste, donne naissance à un répertoire de compositions pré-hussite redécouvertes, mais aussi de nouvelles compositions de musiciens d’Europe centrale à l’époque.
Branche modérée du hussitisme de Bohême, l’Eglise utraquiste, qui se fondra plus tard avec les Frères moraves, peut se targuer d’être sortie victorieuse de toutes les franges les plus extrémistes du mouvement réformateur bohémien, après la bataille de Lipany en 1434.