La Bibliothèque Václav Havel fête son vingtième anniversaire
Conserver l’héritage littéraire, dramatique et politique de Václav Havel (1936-2011) : tel est l’objectif de la Bibliothèque qui porte le nom de cet ancien président tchèque. L’institution qui se propose aussi d’être une plate-forme du débat sur la liberté et la démocratie, célèbre ces jours-ci le vingtième anniversaire de sa fondation.
Les aspirations du nouveau directeur
Depuis vingt ans la Bibliothèque Václav Havel organise des recherches, rassemble les documents et réunit les sources d’informations sur la vie et l’œuvre de l’ancien président qui était également dramaturge et un penseur original. Elle enregistre et analyse aussi les répercussions de la pensée de Václav Havel sur la vie de la société. En organisant expositions, débats, colloques, lectures, concerts et spectacles, elle cherche à attirer l’attention du grand public et des spécialistes sur la signification historique du combat pour les droits de l’homme et la liberté sous le régime totalitaire mais aussi sur l’importance du développement de la société civique dans les systèmes démocratiques.
Depuis quelques jours la Bibliothèque a un nouveau directeur. Milan Babík est un universitaire et spécialiste des relations internationales. Né dans la ville de Šumperk en Moravie, il a passé la plus grande partie de sa vie professionnelle aux Etats-Unis. Il remplace au poste de directeur l’ancien diplomate et écrivain Michael Žantovský, proche collaborateur et ami de Václav Havel, qui a été directeur de la Bibliothèque entre 2015 et 2023, l’intérim entre 2023 et 2024 ayant été assuré par la directrice technique de l’établissement, Karolína Stránská. Le nouveau directeur considère la Bibliothèque comme « un co-créateur actif de la société civique » et envisage d’ouvrir cet établissement davantage, non seulement aux Pragois mais aussi au public régional. Son objectif est d’en faire un vivant carrefour intellectuel et culturel.
Le plus jeune des dissidents
C’est l’écrivain Jáchym Topol qui est, depuis des années, responsable du programme de la Bibliothèque. Il se rappelle encore le début de son engagement dans cette institution :
« Quand Václav Havel m’a demandé de travailler dans sa bibliothèque, je me sentais toujours comme le plus jeune des dissidents. J’avais signé la Charte ‘77 juste après avoir atteint l’âge de la maturité. Ce qui était donc très avantageux pour moi, c’était le fait d’avoir connu déjà en tant que jeune garçon, en tant que disciple, les signataires de la Charte dont les écrivains Ludvík Vaculík, Eda Kriseová, Ivan Martin Jirous, Zbyněk Hejda, etc. Et quand j’ai commencé à travailler dans la Bibliothèque, je suis devenu pour eux une espèce de portier. C’était notre Bibliothèque qui a été le théâtre d’une des dernières prestations publiques du poète Ivan Martin Jirous, nous y avons accueilli le poète Zbyněk Hejda ou le physicien František Janouch, ami de Václav Havel. C’était pour moi comme une occasion de témoigner ma reconnaissance à tous ces gens. Et ce qui est triste, c’est que pour beaucoup d’entre eux, il s’agissait de leurs dernières prestations publiques car la génération de Václav Havel est en train de disparaître. »
Ne pas devenir un mausolée
Le programme de la Bibliothèque est riche et ambitieux et y participent des personnalités de la vie culturelle et politique dont le journaliste Josef Chuchma et l’historien Petr Blažek. De nombreuses manifestations organisées par la Bibliothèque sont disponibles aussi sur Internet sous la forme de podcasts et de vidéos. L’ambition de Jáchym Topol est d’attirer aussi le jeune public :
« La Bibliothèque est ouverte à tous. Nous y recevons des étudiants et c’est parmi les étudiants que se recrute une grande partie de nos visiteurs. C’est très bien parce que nous cherchons évidement à ne pas devenir un mausolée. Cela rebuterait tous nos visiteurs. Nous voulons créer un programme de telle façon à ce qu’il corresponde à l’époque actuelle. »
Diffuser la connaissance générale de l’histoire
Selon Jáchym Topol, les débats et les discussions organisés par la Bibliothèque sont menés sans scrupules et ouvertement. Il affirme qu’il n’y a pas de censure et les participants aux débats réussissent à éviter le piège du politiquement correct. « Il me semble, dit-il, que chez nous les gens ne craignent pas de dire leurs opinions. » Et il poursuit :
« J’ose dire que la Bibliothèque Václav Havel contribue à diffuser une connaissance générale de l’histoire chez beaucoup d’élèves et d’étudiants du second degré parce que de nombreux enseignants désirent collaborer avec nous. Je ressens toujours beaucoup d’enthousiasme quand une prof de lycée ou un instituteur dans une petite ville constate que l’enseignement de l’histoire dans son établissement n’est pas satisfaisant et entre en contact avec la Bibliothèque Václav Havel. C’est extra. »
Et l’écrivain ajoute que les membres de l’équipe de la Bibliothèque pragoise se rendent souvent aussi dans d’autres villes pour débattre avec les enfants et les adolescents et améliorer leurs connaissances générales de l’histoire.
Le 20e anniversaire
Jáchym Topol a préparé aussi avec ses collaborateurs le programme de la fête par laquelle la Bibliothèque Václav Havel a célébré, le jeudi 13 juin, dans les jardins du Château de Prague, le vingtième anniversaire de sa fondation. Toute la journée on a pu assister à des rencontres avec des personnalités de la vie publique, des entretiens, des colloques, des projections de films. Dans le cadre de la journée ont été également proposées au public une représentation théâtrale et une exposition.
Un manuscrit trouvé dans un garage
C’est à cette même occasion que Jáchym Topol et ses invités ont présenté un texte de Václav Havel récemment découvert. Voilà comment Jáchym Topol explique les circonstances de cette découverte inespérée :
« Ce trésor a été trouvé, je crois, dans un garage par David Dušek. Václav Havel avait caché chez le grand-père de David Dušek des textes sur la période de son incarcération. Après la publication de la Charte 77 le régime a lancé de violentes représailles contre les dissidents et Václav Havel a été emprisonné pendant plusieurs mois. Après sa sortie de prison, il a écrit un reportage passionnant sur cette expérience. En tant que prisonnier politique, il était évidemment crispé, stressé, angoissé mais il a pourtant décrit son séjour en prison avec une forte dose d’humour. C’est avec beaucoup d’humour qu’il a brossé par exemple le portrait de son codétenu. Il s’agit d’un texte plein de vie qui a été si bien caché par son auteur qu’il ne l’a jamais retrouvé. »
Le reportage complété de plusieurs essais a été publié récemment aux Editions de la Bibliothèque Václav Havel sous le titre Někam jsem to ukryl - Je l’ai caché quelque part. Il s’agit du premier texte de Václav Havel publié sans sa supervision et sans son autorisation. On sait que l’auteur était un styliste méticuleux et on se demande donc quel aurait été sa réaction à la sortie de ce livre. Jáchym Topol est convaincu qu’elle aurait été positive :
« Je crois que Václav Havel s’en réjouirait parce que c’est écrit d’une façon absolument brillante et avec un sourire malicieux. C’est un texte tout à fait typique pour Václav Havel. Il n’y a aucun doute qu’il en est l’auteur. Peut-être, comme il était tatillon et attachait beaucoup d’importance au détail, il aurait corrigé, supprimé ou ajouté certaines choses. Mais je crois, je suis convaincu même, qu’il aurait été content. »