Métro de Prague : Jiřího z Poděbrad, rare station à porter le nom d’un illustre personnage
Le métro de Prague a 50 ans ! À cette occasion, nous vous invitons à découvrir quelques-unes des stations emblématiques du réseau métropolitain de la capitale tchèque. Dans ce nouvel épisode, accompagnés de Martin Karlík, de l’organisation Prague City Tourism, nous faisons étape à Jiřího z Poděbrad, sur la ligne A, pour y évoquer les stations portant le nom de figures historiques. Elles sont en effet très peu nombreuses, et ce, pour plusieurs raisons.
Dans le vestibule de la station Jiřího z Poděbrad se trouve un bas-relief de « Georgius Rex Bohemiae », le roi qui a donné son nom à la station. Pouvez-vous nous dire quelques mots sur ce roi de Bohême du XVe siècle ?
« Georges de Poděbrady (en tchèque, Jiří z Poděbrad) était un noble qui n’appartenait à aucune dynastie royale. Cependant, après les guerres hussites, à la faveur d’un contexte politique en Bohême plutôt instable, il est devenu ce que l’on appelait alors l’administrateur général du royaume. Et plus tard, il a finalement été élu roi par la noblesse. Toutefois, comme il n’appartenait à aucune maison régnante, ses descendants n’ont pas pu prétendre au trône. Son fils Henri a bien tenté de gouverner quelques années, mais il a dû se retirer lors de l’avènement des Jagellon. »
« Georges de Poděbrady reste connu aujourd’hui sous le nom de ‘roi des deux peuples’ pour avoir essayé de réconcilier les catholiques et les protestants hussites. Le souverain a également été l’un des premiers à envisager une forme d’intégration européenne et c’est pour ces différentes raisons qu’il est devenu un personnage majeur de l’histoire tchèque. »
Est-ce une coïncidence si la station Jiřího z Poděbrad se situe à proximité du quartier de Žižkov qui tire lui-même son nom d’un chef de guerre hussite, Jan Žižka ?
« Non, ce n’est pas une coïncidence. Le quartier de Žižkov compte d’ailleurs de nombreuses artères rendant hommage à des personnalités hussites, à l’image des rues Jeseniova, Chelčického, Křišťanova ou Prokopova. Avant d’être fondé, Žižkov appartenait à Vinohrady (ancienne ville indépendante rattachée à la Grande Prague en 1922, devenue depuis un quartier proche du centre-ville) qui était alors divisé en deux, en raison de sa taille. Ce partage n’était toutefois pas très commode. Par conséquent, l’une des deux entités a finalement été rebaptisée Žižkov, à l’initiative du maire de l’époque qui était féru d’histoire et imprégné des idées hussites, tout comme d’ailleurs le reste de la société du temps de la Renaissance nationale au XIXe siècle. »
Les stations de métro portant des noms de personnages illustres ne sont pas nombreuses aujourd’hui à Prague. Hormis Jiřího z Poděbrad, nous pouvons également citer Želivského, toujours sur la ligne A, qui rend hommage à un autre hussite. Pourquoi les communistes anticléricaux, qui ont construit le métro de la capitale, ont-ils souhaité donner tant d’importance à ce mouvement religieux tchèque du Moyen Âge ?
« Sûrement parce qu’ils considéraient les hussites comme les premiers communistes. Les hussites s’étaient, en effet, rangés du côté des pauvres et des travailleurs et s’étaient érigés contre l’Église catholique. De plus, le hussitisme était une démonstration de notre capacité à lutter pour nos intérêts nationaux, ce à quoi aspiraient également les communistes en leur temps. Ces derniers y voyaient donc un parallèle évident. D’ailleurs, et même si la véracité historique n’est pas totalement avérée, on remarquera que l’emblème de la République socialiste tchécoslovaque avait exactement la même forme que celle des boucliers qu’utilisaient les hussites au Moyen Âge. »
Avant d’être rebaptisées en 1990, plusieurs stations portaient le nom de personnalités historiques communistes, les plus célèbres étant Leninova et Gottwaldova. Y en avait-il d’autres ?
« Oui, il y en avait beaucoup, à l’image de la station Primátora Vacka, aujourd’hui Roztyly, nommée d’après un maire communiste de Prague d’après-guerre. Citons également Fučíkova, désormais Nádraží Holešovice, qui tenait son nom du journaliste communiste Julius Fučík, exécuté par les nazis. La station Jinonice s’appelait quant à elle Švermova, en l’honneur du journaliste Jan Šverma. »
« Il y avait ensuite des stations qui ne portaient pas de noms de personnalités, mais qui étaient néanmoins, d’une manière ou d’une autre, liées au régime communiste comme les stations des Bâtisseurs (désormais Chodov), Amitié (Opatov) et Cosmonautes (Háje). Enfin, certaines stations auraient pu avoir des noms bien plus connotés idéologiquement comme Hůrka, qui aurait pu s’appeler Soulèvement national slovaque, et Lužiny, qui devait être Barikádníků, la station des Barricadeurs. Cependant, ces stations ayant été ouvertes après la révolution, ces noms n’ont finalement pas été retenus. »
Pourquoi, selon vous, en 1990, a-t-on bien souvent préféré rebaptiser les stations du nom du quartier dans lequel elles se trouvaient plutôt que de leur attribuer des noms de figures historiques tchèques. Pourquoi n’existe-il pas une station Sainte Ludmila, Comenius ou Tomáš Garrigue Masaryk, par exemple ?
« Il y a deux raisons à cela, selon moi. La première est d’ordre pratique. Lorsqu’une station est nommée d’après une personnalité, il est difficile de savoir dans quel quartier elle se situe. Or, le métro doit permettre de s’orienter facilement. De plus, si vous nommez un endroit d’après une personnalité, il faut qu’il y ait à proximité une rue ou un lieu qui porte le même nom. Sinon, c’est le chaos assuré. »
« L’autre élément à prendre en compte est la succession rapide de régimes politiques dans ce pays, qui n’est pas sans incidence sur la dénomination des rues et d’autres lieux de l’espace public. Il suffit de prendre le XXe siècle : les rues ont été rebaptisées sous la Première République, sous le Protectorat, puis sous les communistes à deux reprises et à nouveau après la révolution. Autrement dit, les rues ont changé de nom pas moins de cinq fois durant le siècle dernier. C’était un bazar complet ! Par conséquent, après la révolution de Velours, il a été convenu de mettre un terme à ces changements de noms intempestifs, en préférant des noms plus neutres qui resteraient les mêmes s’il devait y avoir un nouveau changement de régime. »
« À cet égard, notons que dans le quartier de Horní Počernice, à Prague, une voie porte le nom de rue des Alliés (Spojenců). Ce nom m’amuse énormément, car même si vos alliés changent au cours du temps, la rue, elle, pourra toujours garder son nom (rires). »
Le saviez-vous ?
Dans le cadre du 50e anniversaire du métro de Prague, deux fresques murales monumentales ont été inaugurées, en juillet dernier, le long des quais de la station Florenc sur la ligne C. Réalisées par les artistes Michal Škapa a Matěj Olmer, en collaboration avec la Galerie de Prague, les œuvres proposent une vision très personnelle et contemporaine du métro de la capitale tchèque. La Société des transports de Prague, qui défend depuis plusieurs années l’introduction de l’art dans le métro, a lancé un appel à projets similaire à celui de Florenc pour les stations Vyšehrad, Budějovická, Kačerov, Pražského povstání et I.P. Pavlova. Les vainqueurs du concours seront connus en septembre.
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