Pour l’économie tchèque, quelques hirondelles suffisent-elles pour faire le printemps ?
Le Premier ministre Petr Fiala s’en dit convaincu : l’économie tchèque se serait suffisamment redressée au cours de l’année écoulée pour pouvoir prétendre qu’elle est désormais sortie de l’ornière. Mais aussi optimistes soient-ils, les propos du chef du gouvernement n’ont pas convaincu tout le monde.
Un chômage certes en légère hausse en septembre mais un taux, toujours inférieur à 4 %, qui reste l’un des plus bas de l’Union européenne, une inflation enfin de nouveau maîtrisée (+2,6 % en septembre), un PIB par habitant parmi le plus élevés de tous les pays d’Europe centrale et de l’Est, et une capitale, Prague, qui fait partie des villes les plus riches du continent. De prime abord, tous les voyants sont au vert en Tchéquie et cette vision des choses est aussi celle qui a été présentée par Petr Fiala, la semaine dernière, à Brno, lors du traditionnel Salon international de la construction mécanique, qui est la plus grande foire industrielle organisée en Europe centrale et orientale :
« Les derniers chiffres de l’Office tchèque des statistiques pour le mois de septembre nous disent que la production industrielle a augmenté de 1,5 % en glissement annuel. Les résultats du commerce extérieur sont eux aussi très positifs avec un bilan nettement excédentaire. Bien sûr, la situation peut varier beaucoup d’un secteur à un autre ou d’une entreprise à une autre, néanmoins je pense que nous pouvons affirmer que notre économie se porte beaucoup mieux qu’il y a un an. »
Aux yeux du Premier ministre, les points forts et avantages de l’économie tchèque restent les mêmes, bien connus, mais aussi ses points faibles qui, eux non plus, ne changent pas malgré la nécessité de transformer une industrie fortement dépendante des importations d’énergie, dont les prix ont flambé depuis l’éclatement de la guerre en Ukraine, de l’évolution de l’activité en Allemagne voisine ou encore de la production des constructeurs automobiles :
« L’année dernière, l’inflation était encore de l’ordre de 8,5 % et le produit intérieur brut stagnait. Désormais nous sommes revenus à un taux proche de 2 % pour l’inflation et même si sa croissance est encore légère, le PIB augmente néanmoins. Mais si les chiffres évoluent, ce qui ne change pas, ce sont les caractéristiques structurelles de notre économie avec un certain nombre d’aspects positifs. Nous sommes un pays sûr, nous avons une économie innovante et résiliente, un faible taux de chômage et une industrie forte. Mais d’un autre côté, il y a des aspects négatifs à long terme comme une durabilité environnementale insuffisante, une industrie très énergivore, le vieillissement de la population ou encore le problème de la pénurie de main-d’œuvre sur le marché du travail. »
Bon an, mal an, l’industrie représente toujours quelque 35 % du PIB tchèque, alors qu’un peu plus de 80 % des exportations de son économie sont destinées aux pays de l’Union européenne.
Si Petr Fiala a également souligné la nécessité de parvenir à une plus grande indépendance énergétique, de réduire les réglementations qui freinent le développement de l’industrie, d’investir davantage dans l’éducation, les infrastructures et plus généralement la modernisation de l’économie ou encore de mener une politique plus réaliste en matière de protection de l’environnement, ses propos ont néanmoins pu apparaître comme un exercice d’autosatisfaction à un an des élections législatives. Interrogée par la Radio tchèque, l’économiste Ilona Švihlíková souligne ainsi que l’ensemble des dernières données pour le deuxième trimestre doivent être considérées avec beaucoup de précaution :
« Les chiffres du deuxième trimestre concernant les ventes au détail et la consommation des ménages incitent effectivement à l’optimisme. Mais la question est de savoir si cette consommation est durable sur le long terme et si elle ne repose pas uniquement sur les baisses de la période précédente. La Tchéquie a été confrontée à une baisse significative des salaires réels et, bien que ceux-ci connaissent une lente remontée cette année, il faudra au moins trois ans pour compenser les conséquences de la très forte inflation. »
Dans un pays où la transition énergétique et le passage à moyen terme à la voiture électrique s’avèrent un processus pour le moins compliqué, beaucoup s’interrogent sur la capacité de la Tchéquie à faire évoluer son modèle économique. Toujours selon Ilona Švihlíková, d’autres données dans des secteurs-clés tendent à montrer que le redressement mis en avant par Petr Fiala reste fragile :
« L’évolution dans le secteur de l’industrie, qui n’est pas bonne sur le long terme, est beaucoup plus inquiétante, et le secteur de la construction est, lui, encore plus mal en point, avec des baisses importantes de l’activité. La production stagne et, dans le cas de l’industrie, on observe même une baisse du nombre d’employés. Et cette situation n’est pas seulement la conséquence de la stagnation de l’économie allemande, dont la Tchéquie, comme nous le savons tous, est extrêmement dépendante. Il y a donc quelques signes positifs, c’est vrai, mais qui ne dureront probablement pas très longtemps. »