Presse : la réorganisation de la scène politique tchèque brise certains tabous
Cette nouvelle revue de presse se penche sur certaines nouvelles tendances sur la scène politique tchèque avant de revenir sur la célébration de la fête nationale du 28 octobre. D’autres sujets traités : l’avenir du « car sharing » à Prague, l’engagement d’un grand club de football en faveur du don de sang, et la tendance à organiser des funérailles sans cérémonie.
« Il se peut que le prochain anniversaire de la fondation de la République de Masaryk le 28 octobre soit commémoré dans des circonstances complètement différentes de celles d’aujourd’hui », peut-on lire dans l’éditorial de l’hebdomadaire Respekt qui indique :
« Au niveau régional, le mouvement ANO d’Andrej Babiš a brisé un tabou en créant des coalitions avec le mouvement populiste d’extrême droite SPD de Tomio Okamura. Un parti qui remet en question l’adhésion à l’Union européenne et à l’OTAN, qui effraie constamment le public, joue la carte russe à propos de l’Ukraine, et dont plusieurs de ses membres ont été condamnés pour avoir propagé la haine envers des groupes de personnes. La situation est donc foncièrement différente par rapport aux années précédentes quand presque tous les membres du mouvement ANO s’opposant à une telle alliance l’ont quitté. Celle-ci est pourtant assez logique car les leaders de ces deux mouvements populistes s’entendent en fait sur plus d’un point. »
« La Tchéquie doit se moderniser au lieu de revenir en arrière. Voilà pourquoi une telle union au niveau national serait mauvaise pour la Tchéquie », souligne l’éditorialiste :
« Il reste un an avant les prochaines élections législatives et les sondages donnent jusqu’à 40 % des intentions de vote au mouvement ANO. A présent, rien ne signale que cette tendance puisse être renversée. Les gens dans les régions prêtent volontiers l’oreille au slogan d’Andrej Babiš qui leur promet ‘de leur rendre ce qui leur a été pris’ sans pour autant expliquer de quoi il s’agit. »
L’éditorialiste de Respekt avertit que la création d’un axe eurosceptique et pro-russe Prague-Bratislava-Budapest aurait de graves conséquences non seulement pour la Tchéquie, mais aussi pour l’Union européenne.
Que retenir des célébrations de la fête nationale du 28 octobre ?
D’ordinaire, les célébrations de la fête nationale du 28 octobre sont évaluées, tant par les médias locaux que par la population, à travers la performance du président de la République. Le site Seznam Zprávy, par exemple, remarque :
« Il s’avère une fois de plus que la fonction présidentielle est importante et que les opinions qui surgissent ici et là selon lesquelles elle pourrait être abolie ne sont pas raisonnables. Le 28 octobre, le président est le ‘porteur de couronnes de fleurs’ par excellence. Toutefois, le sens péjoratif de cette notion est déplacé. Faire et répéter les choses qui sont ‘censées’ être dites et que quelqu’un ‘doit’ faire est une tâche à responsabilité. D’autant plus dans un pays où le chef de l’Etat, élu de surcroît au suffrage universel direct, est particulièrement respecté. »
S’agissant du discours que le président Petr Pavel a prononcé lundi soir au Château de Prague, avant la remise de distinctions d’Etat, « un discours plus serré et plus riche en contenu que le précédent », l’éditorialiste de Seznam Zprávy observe :
« Aussi inappropriée une telle comparaison puisse-t-elle paraître, on peut constater que le discours de Petr Pavel a été le plus ‘havelien’ de tous ceux qu’il a prononcés jusqu’ici. Ceci, grâce à son ton encourageant et à l’accent mis sur les valeurs et grâce aussi à l’attention qu’il a accordée au danger et aux menaces. Une façon de montrer où Petr Pavel se situe politiquement. »
Toujours en lien avec la fête nationale du 28 octobre, le journal économique Hospodářské noviny retient que cette fois-ci, le président Petr Pavel, à la différence de son prédécesseur Miloš Zeman, n’a pas décoré beaucoup d’hommes d’affaires. Ceux qu’il a pourtant choisis se distinguent, outre les activités qui leur appartiennent, par des activités d’ordre caritatif ou culturel :
« Le message adressé aux entrepreneurs est donc clair : l’entreprise, aussi grande et respectable soit-elle, n’est pas en soi un motif d’honneur pour le chef d’Etat d’aujourd’hui. Le mérite pour l’Etat se présente différemment. »
L’avenir incertain du « car sharing » à Prague
A Prague, l’intérêt pour le « car sharing » ou voitures en libre-service, ne cesse de monter. Les clients typiques de ce service sont les étudiants, les jeunes familles avec enfants, les petites entreprises. Son avenir semble pourtant incertain. L’auteure d’un commentaire mis en ligne sur le site RadioPlus.cz a expliqué pourquoi :
« S’il y a une chose sur laquelle deux groupes tout à fait disparates comme les cyclistes et les automobilistes sont d’accord, c’est le refus des voitures en libre-service. Une chose qui, selon eux, devrait être liquidée, bien qu’il s’agisse d’un moyen de transports courant dans beaucoup de capitales européennes. Malheureusement, la municipalité de Prague qui a décidé d’inclure dans le système de stationnement les 2 000 automobiles partagées qui y circulent actuellement semble être du même avis. Ceci au moment où le nombre de voitures dans la capitale qui n’a de cesse d’augmenter chaque année a dépassé 1,3 million. Cela veut dire qu’il n’y a pratiquement personne dans la capitale qui n’ait pas de voiture. »
Le nombre de voitures dépasse évidemment largement celui des places de parking. Or, l’inclusion envisagée dans le système de stationnement payé et surchargé est très désavantageux pour le « car sharing », comme l’indique l’éditorialiste. « Un système totalement confus, chaque quartier fixant ses propres règles et prix », précise-t-elle.
Le monde du foot soutient les dons de sang
Le Slavia Prague (SK Slavia Praha) est l’un des clubs de football les plus anciens au monde et l’un des plus titrés en Tchéquie. Mais ce n’est pas en lien avec la discipline sportive dans laquelle il excelle depuis 1892, date de sa création, qu’il a fait récemment beaucoup parler de lui. Le journal Reflex raconte :
« Dimanche dernier, le Slavia a exceptionnellement joué son match de championnat national contre le Dukla avec un maillot blanc, au lieu de son traditionnel maillot rouge et blanc, le rouge ne subsistant que sous la forme d’une étoile sur le cœur. Une façon de sensibiliser la société au manque de donneurs de sang en Tchéquie. Par ailleurs, les joueurs et les employés du club ont déjà donné leur sang à trois reprises. »
Reflex rapporte qu’il y a actuellement environ 220 000 donneurs de sang réguliers en Tchéquie, le don n’étant pas couramment récompensé financièrement. Le Slavia, quant à lui, inscrit tous ses supporters prêts à faire un don entre le 27 octobre et le 30 novembre à un tirage au sort qui leur permettra de gagner plus de 200 billets pour les prochains matches. La campagne ainsi lancée, comme l’affirme le magazine, entend également éliminer les préjugés inutiles à l’égard du football qui demeure pour une partie de la société synonyme de corruption et de milieu toxique :
« Depuis quelques années, le football en Tchéquie cherche à sortir de sa bulle pour se présenter sous un jour différent, éloigné des stéréotypes. Les stades sont désormais des lieux sûrs, fréquentés par des familles entières et des spectateurs de milieux différents. La plupart des clubs proposent des programmes de responsabilité sociale, une façon de transformer leur popularité en quelque chose de positif. Si, finalement, des centaines de supporters donnent leur sang, ce sera la preuve que le sport le plus populaire de Tchéquie commence à donner à la société plus qu’il ne lui prend. »
Les Tchèques favorisent souvent les funérailles sans cérémonie
L’auteur d’une note publiée à l’occasion du Jour des morts dans le journal en ligne echo24.cz s’est intéressé à une tendance qui est désormais répandue en Tchéquie :
« Les cimetières et les funérailles ont toujours été un reflet de de la société. Ils reflétaient l’état de la culture, de la morale et, évidemment, de la religion. Les funérailles ne représentaient pas seulement une ultime cérémonie préparée pour le départ d’une personne, mais constituaient également l’un des rites fondamentaux dits de passage, achevant la vie d’une personne sur cette terre. Pourtant, cette certitude semble disparaître de notre société. Jamais il n’y a eu autant de funérailles sans cérémonie, jamais on n’a vu autant de personnes partir sans un seul parent ou un seul proche. C’est une tendance que l’on ne peut plus nier et que rien ne semble arrêter. »
Qu’est-ce que cela signifie ? Est-ce inquiétant ou s’agit-il tout simplement d’une évolution naturelle ? Autant de questions, selon le journal, que la date du 2 novembre appelle à soulever.