Report d’entrée en école primaire : vers la fin d’une exception tchèque
C’est une petite révolution dans le monde de l’enseignement qui pourrait survenir à partir de la rentrée 2025 : entre autres changements, l’amendement à la loi sur l’école, préparé par des députés de la majorité et de l’opposition, approuvé par le gouvernement, qui limiterait strictement les reports d’entrée en école primaire à des cas précis et exceptionnels.
« Odklad », c’est le mot tchèque que connaissent tous les parents lorsqu’ils sont concernés par le report d’entrée à l’école primaire ou quand ils choisissent de leur propre gré d’y avoir recours. En Tchéquie, les enfants entrent en CP lorsqu’ils ont fêté leur sixième anniversaire. Autrement dit, cette année seuls les enfants nés avant le 31 août 2018 ont pu entrer à l’école primaire en septembre. Lorsqu’ils sont nés ne serait-ce que le 1er septembre, ils sont obligés d’attendre un an pour être scolarisés, ou alors leur entrée en CP est considérée comme anticipée et doit être recommandée par un psychologue. Pourtant de nombreux parents dont les enfants ont six ans avant le 31 août et pourraient donc sans problème entrer en cours préparatoire, choisissent de les laisser une année encore à la maternelle. Selon l’Inspection scolaire tchèque, en 2023/2024, 24,2 % des enfants ont bénéficié d’un « odklad », en 2022/2023 c’était même 25,1 %, soit le plus fort pourcentage sur les 15 dernières années.
Comme le relève le site Seznam Zprávy, « ce n’est pas aux enfants d’être prêts pour l’école, mais à l’école d’être prête pour les enfants », prenant en défaut les excuses souvent avancées de certains parents que leur enfant ne serait pas « assez mature » pour le CP ou qu’il aurait « le droit de rester encore un an dans le monde de l’enfance », comme le note Luboš Zajíc, président de l’Association des directeurs d’écoles primaires :
« Très souvent, les raisons pour lesquelles les parents demandent un report d’entrée en école primaire sont assez peu convaincantes. Par exemple, ils ne sont pas convaincus par l’instituteur qui enseignera à leur enfant et veulent attendre un an pour être sûrs qu’il bénéfice de l’enseignement d’un autre instituteur qui a leurs faveurs. Certains parents font aussi des calculs stratégiques pensant que si leur enfant veut prétendre à entrer dans un bon lycée, il aura un an de plus et sera donc plus mature et plus avantagé par rapport à ses camarades. »
Le paradoxe de cette situation est tel qu’avec le fait que les lycées peuvent durer 8 ans (à partir de l’équivalent de la 6e française) ou 4 ans (à partir de l’équivalent de la Seconde française), les élèves ont de toutes les façons une année de plus à passer dans le secondaire, mais peuvent se retrouver à passer le baccalauréat à 20 ans s’ils ont bénéficié de ce fameux « odklad » en cours préparatoire.
Petra Juhanová est maîtresse dans une école maternelle du IIe arrondissement de Prague. Interrogée il y a quelques années sur le report de la scolarisation des enfants de six ans, elle estimait qu’il était justifié dans la majorité des cas et n’était pas une simple lubie des parents.
« Nous collaborons avec un cabinet de psychologie pour évaluer, en janvier de chaque année, si les enfants en dernière année de maternelle sont prêts à être scolarisés. Ils passent des tests de base et s’il s’avère que l’enfant a des difficultés dans tel ou tel domaine, nous consultons la situation avec les parents qui peuvent ensuite aller voir le psychologue avec leur enfant pour des tests plus détaillés. Souvent, ces enfants ont des problèmes au niveau de la motricité graphique, de l’audition ou de la perception visuelle. Entre janvier et avril, où se passent les inscriptions, nous avons encore le temps d’améliorer certaines choses. Nous pouvons recommander aux parents de retarder d’un an l’entrée au CP de leur enfant, mais c’est toujours à eux de décider. »
Il n’en reste pas moins que le passage à l’école primaire devrait, à terme, être profondément remanié : selon la proposition de loi des députés – transpartisane, notons-le –, l’immaturité de l’enfant en tant que telle ne sera plus suffisante pour qu’un enfant bénéficie d’un report d’entrée en primaire. Selon les données de l’Inspection scolaire, 80 % des reports sont actuellement accordés précisément en vertu d’une prétendue « immaturité » de l’enfant. A l’avenir, les reports d’entrée en primaire ne devraient être possibles que si l’état de santé de l’enfant ne lui permet pas de participer aux cours pendant une longue période. Les pédiatres ou conseillers psychologiques ne pourraient plus faire de recommandations en faveur du fameux « odklad » et un vrai diagnostic justifiant le report devrait être nécessaire. Alors qu’aujourd’hui un quart des enfants de la dernière classe de maternelle peut bénéficier d’un report, à l’avenir, seuls 5 % des enfants pourraient être concernés.
Le ministère de l’Education ne veut toutefois pas ignorer les inquiétudes des parents quant au degré de maturité de leurs rejetons : à l’avenir, les élèves de cours préparatoires pourraient ne plus être évalués via des notes, comme c’est le cas actuellement, mais seulement par une évaluation verbale. Selon la proposition de loi, les élèves passeraient en deuxième année indépendamment de leurs résultats et les notes chiffrées seraient ensuite introduites progressivement.