Nouveau chef de la diplomatie : « La Tchéquie ne mène pas un dialogue avec la Russie, comme le fait la France ou l’Allemagne »
Trois jours après sa nomination au poste de ministre tchèque des Affaires étrangères, Jan Lipavský du Parti pirate a effectué, lundi, son premier voyage à l’étranger. A Bratislava, il s’est entretenu, avec son homologue slovaque Ivan Korčok, des relations entre la Russie et l’Europe, ainsi que des défis de la présidence tchèque du Conseil de l’Union européenne, dans la seconde moitié de 2022.
« La vitesse à laquelle il a été possible d’organiser ma première visite à Bratislava, en tant que membre du nouveau gouvernement tchèque, réaffirme l’excellence des relations entre la République tchèque et la Slovaquie », s’est félicité le jeune chef de la diplomatie Jan Lipavský, dont la nomination, vue d’un mauvais œil par le président Miloš Zeman, a fait couler beaucoup d’encre en République tchèque.
Si Jan Lipavský a souligné cette proximité exceptionnelle, politique, économique, culturelle et humaine, qui unit les deux Etats successeurs de l’ancienne Tchécoslovaquie, ce sont les relations avec un autre pays, la Russie, qui ont été au cœur de son débat avec le chef de la diplomatie slovaque. Dans le contexte des exigences sécuritaires présentées, vendredi dernier, par Moscou et censées limiter l’influence militaire américaine et de l’OTAN dans son voisinage, Jan Lipavský a déclaré que les Etats membres de l’UE et de l’Alliance atlantique devaient maintenir une position commune vis-à-vis de la Russie.
« Une position unifiée qui serait respectée à Moscou est la principale garantie de la sécurité du point de vue de la République tchèque. (… ) Je ne pense pas qu’il faille réagir par la force. Il suffit que nous soyons unanimes », a déclaré le nouveau chef de la diplomatie tchèque, tandis que son homologue slovaque Ivan Korčok s’est opposé à la création de nouvelles zones d’influence dans le cadre des relations russo-occidentales. « Il est important que les pays voisins de la Russie soient libres de décider de l’orientation de leur politique étrangère », a-t-il déclaré, faisant allusion à une éventuelle adhésion de l’Ukraine à l’OTAN, rejetée par Moscou.
Essayer de relancer les relations tchéco-russes est d’ailleurs une des priorités du nouveau chef de la diplomatie. Problématiques depuis plusieurs années, ces relations se sont encore détériorées cette année, suite à l’affaire des explosions de dépôts de munitions tchèques à Vrbětice en 2014, dans lequel seraient impliqués les services de renseignement russe. Jan Lipavský s’est récemment expliqué sur le sujet sur le plateau de la Télévision tchèque :
« Les relations tchéco-russes sont actuellement au point mort. La communication entre les deux pays se limite à l’envoi de notes diplomatiques ou à la convocation d’ambassadeurs. La République tchèque est, aux côtés des Etats-Unis, sur la liste des pays ennemis de la Russie. Cette position est très peu favorable pour nous. Une solution simple pour apaiser ces tensions n’existe pas. Pour avancer, les dirigeants tchèques doivent d’abord se mettre d’accord sur une position que le pays prendra vis-à-vis de la Russie. Ensuite, nous devrons défendre cette position et expliquer nos intérêts au sein de l’UE et de l’OTAN, pour ensuite agir tous ensemble. Car nous n’avons pas les mêmes relations avec la Russie que l’Allemagne ou la France par exemple. Par le passé, Angela Merkel et Emmanuel Macron rencontraient régulièrement leurs homologues russes, tandis que les Premiers ministres et les chefs de la diplomatie tchèque n’ont pas discuté avec leurs partenaires russes depuis une dizaine d’années. »
En juin prochain, la Tchéquie succèdera à la France à la tête du Conseil des ministres européens. Cette présidence, évoquée également lors de la visite de Jan Lipavský à Bratislava, est le principal défi de la diplomatie tchèque pour l’année prochaine :
« Notre principal objectif est de réussir notre présidence. Malheureusement, elle n’aura pas un thème précis, car le précédent gouvernement d’Andrej Babiš n’en a défini aucun et il est maintenant trop tard pour le préparer. Mais il faut se rendre compte aussi que le pays qui préside l’UE n’est pas chargé de distribuer les différents agendas parmi les pays membres. Mais il peut accentuer certains sujets. Il se peut qu’à la fin de notre présidence, nous devrons finaliser l’agenda qui concerne la politique européenne d’asile et d’immigration. »
Pointé du doigt par le président de la République Miloš Zeman pour ne pas accorder suffisamment d’attention à la coopération au sein du groupe de Visegrad (qui réunit la Tchéquie, la Slovaquie, la Pologne et la Hongrie) Jan Lipavský participe ce mardi à sa première réunion des chefs de la diplomatie du groupe V4 et de la Turquie, consacrée, entre autres, à la question migratoire.