Nouveaux faits sur les crimes de guerre et les listes de la Gestapo

Gestapo

Soixante quatre ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale que nous venons de commémorer, l’Institut d’études des régimes totalitaires a dévoilé de nouveaux faits relatifs au nombre de membres de la Gestapo sur le territoire de l’ancien Protectorat de Bohême-Moravie et aux massacres commis pendant les derniers jours de la guerre contre la population civile.

Le général Ferdinand Schörner
« C’est une dette que nous prenons très au sérieux et que nous chercherons à payer » explique le directeur de l’Institut Pavel Žáček à la question de savoir pourquoi les dites ‘pages blanches’ dans la connaissance des événements survenus en mai 1945 sont remplies si tard. Bien que la police communiste secrète, la StB, dont les archives sont maintenant étudiées par l’Institut d’études des régimes totalitaires, ait mené jusqu’aux années 1970 l’enquête sur les crimes commis, les historiens avouent ignorer toujours le nombre de victimes que la guerre a faites pendant les derniers jours de la guerre : selon les plus récentes études, 1 700 personnes sont mortes à Prague et jusqu’à 8 000 dans ses environs.

Le 5 mai 1945, le soulèvement éclate dans la capitale tchèque. Les combattants sur les barricades défendent leur ville face à la puissante suprématie des troupes allemandes du Centre du général Schörner.

Le premier jour du soulèvement, 80 civils Tchèques sont entraînés dans les casernes SA ayant leur siège dans l’actuel lycée Na Pražačce dans le 3e arrondissement de Prague. Ils sont brutalement torturés, avant d’être tués. Les recherches effectuées dans les archives ont démontré, d’après Pavel Žáček, que ce massacre a été commis par un groupe de jeunes nazis fanatiques, membres de la 5e division SA Feldherrnhalle. Au nom de Hitler qui n’était plus en vie, se donnant la mort le 30 avril dans son bunker de Berlin, ces jeunes fanatiques nazis ont fait des centaines de victimes civiles, lors du soulèvement pragois. Certains corps ont été brûlés, d’autres jetés dans la rivière Vltava.

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Deux autres localités où des crimes de guerre ont été commis se trouvent dans la banlieue ouest de Prague : le 7 mai 1945, la commune de Lahovice au confluent de la Vltava et de la Berounka a été ravagée par le groupe de combat SS « Wallenstein », et le 8 mai, 21 civils ont été tués près du quartier de Barrandov. Plus au sud-ouest, vers la région de Příbram, l’unité SS commandée par Günther Ballnow a exécuté sept hommes dans la commune de Živohošť. Cela s’est passé un jour avant la fin de la guerre, le 7 mai 1945. Pour Pavel Žáček, le comble de la barbarie nazie commis le même jour à Prague fut l’assassinat insidieux, par derrière, d’un parlementaire brandissant un drapeau blanc, en signe d’armistice.

Pourtant, les massacres commis au cours des derniers jours de la guerre sont restés impunis, et il en a été de même pour la majorité des crimes commis entre 1939 et 1945 sur notre territoire. La lenteur des autorités tchécoslovaques qui n’ont commencé à enquêter sur ces crimes que dans les années 1970, est selon Žáček, l’une des causes pour laquelle leurs auteurs n’en ont jamais été rendus coupables. Le régime communiste qui minimisait l’importance du soulèvement pragois, en accentuant le rôle de l’Armée rouge dans la libération, a lui-même tardé à rouvrir plus tôt ce dossier. Dans certains cas, les autorités allemandes ont refusé de livrer les auteurs de crimes de guerre avérés : le plus connu est le cas du chef de la gestapo pragoise Ernst Gerke qui a échappé à la peine de mort et vécu une retraite paisible jusqu’à sa mort, en 1982, près de Bielefeld, en Allemagne. Après 1990, l’enquête sur les crimes de guerre s’est heurtée, selon Pavel Žáček, aux obstacles posés par certains dirigeants slovaques. Parmi eux, l’ancien premier ministre chrétien démocrate Ján Čarnogurský, dont le père qui appartenait aux membres du parti populaire fascisant de Hlinka, avait contribué à l’éclatement de la Tchécoslovaquie, en 1939.

Photo: CTK
Une nouveauté a fait son apparition sur le site internet de l’Institut d’études des régimes totalitaires : la liste des membres de la Gestapo, qui ont déployé pendant la guerre leurs activités sur le territoire du Protectorat de Bohême-Moravie. L’historien Lukáš Vlček est spécialiste de cette période :

« Les cartes personnelles des membres de la Gestapo ont été établies immédiatement dans l’après-guerre par les autorités tchécoslovaques, dans le but d’obtenir une liste complète des personnes employées dans les services de sécurité allemands. »

La liste des membres de la Gestapo, publiée pour la première fois, 64 ans après la guerre, comprend 5 861 noms. Parallèlement à ces noms, les historiens nous familiarisent avec la structure de la police secrète allemande directement subordonnée à la police nazie, SS, qui mettait en oeuvre la politique d’extermination du IIIe Reich. Parmi les chefs de la Gestapo on compte Reinhardt Heydrich, tristement connu des Tchèques, protecteur de Bohême-Moravie, responsable de la mort de milliers des Tchèques. Dans la liste des membres de la Gestapo, on peut trouver également le nom d’Anton Maloth, ancien gardien dans le camp de Terezín, retrouvé grâce au chasseur de nazis tchèque, le reporter Stanislav Motl.