Nucléaire : lancement de l’appel d’offres pour l’extension de la centrale de Dukovany
Le projet d’extension de la centrale nucléaire de Dukovany vient de prendre une forme plus concrète avec le lancement, jeudi, de l’appel d’offres plusieurs fois reporté. Trois soumissionnaires sont potentiellement en lice, après l’exclusion récente des candidats russe et chinois.
« Nous voulons faire un pas de plus vers l’indépendance énergétique, » a déclaré, jeudi, le Premier ministre Petr Fiala (ODS) qui au lendemain de son retour de Kyiv, s’est rendu dans la région de la Vysočina pour annoncer le lancement de l’appel d’offres pour la construction d’un nouveau bloc à la centrale nucléaire de Dukovany. L’objectif affiché par ce projet est désormais pour le gouvernement tchèque de contribuer à réduire la dépendance énergétique du pays vis-à-vis de la Russie, a fortiori à la lumière de l’actuelle invasion de l’Ukraine et des intentions européennes de se libérer progressivement des énergies fossiles russes.
A cet égard, les craintes exprimées ces dernières années par ce qui était alors l’opposition parlementaire quant à une éventuelle participation de la Chine ou de la Russie à l’appel d’offres sont désormais lointaines : les révélations sur les explosions de Vrbětice de 2014 attribuées officiellement l’an dernier par les autorités tchèques aux services de renseignement russes ont définitivement mis un coup d’arrêt à toute candidature russe, celle de la Chine ayant été écartée dans la foulée.
Entrée en vigueur au début de cette année, la « Lex Dukovany » a entériné cette impossibilité : cette loi stipule en effet que seule la technologie des fournisseurs des pays ayant adhéré à l'accord international de 1996 sur les marchés publics peut être utilisée pour la construction. Or ni la Russie ni la Chine ne font partie de ces Etats. Ainsi, non seulement pour la construction mais aussi pour l'entretien de la nouvelle unité, les technologies dépendant de fournisseurs non autorisés ne pourront être utilisées. Les seuls candidats désormais dans la course sont la société française EDF, la société américaine Westinghouse et la société sud-coréenne KHNP.
Le calendrier avancé par Petr Fiala table sur l’attribution du contrat en 2024, un début des travaux en 2029 et une mise en service en 2036. Un horizon lointain donc qui fait dire à l’hebdomadaire Respekt que ce projet de renouveau énergétique ne devrait pas être considéré comme la solution miracle.
Très remarquée ces derniers temps pour son expertise mise au service d’informations sur l’état des centrales ukrainiennes dans le contexte de la guerre, Dana Drábová est directrice de l’Institut national pour la sécurité nucléaire. Pour elle, le projet de Dukovany fait sens, sans faire l’économie d’autres sources d’énergie :
« L’extension de Dukovany est un investissement sur au moins 60, plutôt 80 ans. La République tchèque pourra compter sur la nouvelle unité nucléaire pour couvrir 10 % de sa consommation d’électricité. Mais évidemment, nous ne devons pas ménager nos efforts pour développer des sources d’énergie renouvelables et pour faire des économies d’énergie. Sans pour autant oublier le nucléaire car nous ne savons pas de quelle façon nous allons pouvoir remplacer le charbon et la probable absence de gaz naturel. Il n’y a pas de solution rapide et facile. Le nucléaire est une partie de la solution, ce n’est pas une solution universelle, mais je ne vois pas comment nous pourrions nous en passer. »
Transparency International a de son côté critiqué les plans d’extension de la centrale nucléaire. Dans une lettre ouverte adressée au ministre de l’Industrie, Jozef Síkela, l’ONG a ainsi mis en garde contre une explosion imminente des coûts, soulignant le manque de transparence entourant le plus grand projet d’investissement de la République tchèque depuis des années.
Tout comme l’hebdomadaire Respekt, l’organisation internationale de veille sur la corruption relève que des expériences similaires de l’étranger « montrent qu’il est actuellement très difficile de construire de nouvelles unités nucléaires dans les délais et au prix convenu. » D’où la nécessité selon Transparency que le public obtienne des informations claires sur les moyens concrets de financer ce projet colossal estimé à au moins 6 milliards d'euros et concernant le « coût maximal attendu pour les finances publics ».