Nucléaire : un seul réacteur serait trop cher, la Tchéquie en voudrait donc quatre
Énième retournement de situation dans le projet de la Tchéquie d’agrandir son parc nucléaire. Mercredi, à la sortie du Conseil des ministres, Petr Fiala a annoncé que le gouvernement envisageait la construction non plus d’un seul, mais de quatre nouveaux réacteurs, et que l’appel d’offres se poursuivait désormais sans les Américains de Westinghouse.
Même si les deux dossiers sont indépendants l’un de l’autre, l’annonce faite par le Premier ministre tchèque mercredi après-midi a néanmoins surpris quelques observateurs. Deux jours après la signature à Prague du plus gros contrat d’armement de l’histoire du pays, qui porte sur la commande de vingt-quatre avions de chasse américains F-35, Petr Fiala a indiqué que le processus qui doit aboutir à la signature, cette fois, du plus contrat industriel de l’histoire de la Tchéquie se poursuivrait sans le spécialiste américain du nucléaire Westinghouse, éliminé de la course parce que le dossier présenté ne répondait pas à l’ensemble du cahier des charges :
« Nous appelons les entreprises EDF et KHNP (Korea Hydro & Nuclear Power), autrement dit les candidats français et sud-coréen, à soumettre de nouvelles offres contraignantes. Depuis le début, le but de cet appel d’offres est de retenir la meilleure offre pour notre pays, et ce tant du point de vue du prix que de ceux de la qualité et de la sécurité. Mais la situation sur le marché énergétique a évolué depuis que le gouvernement a lancé cet appel d’offres, et nous savons aujourd’hui qu’un seul réacteur (supplémentaire) ne suffira pas pour garantir l’autosuffisance énergétique. C’est pourquoi, en plus du réacteur n° 5 à Dukovany, nous donnons la possibilité aux candidats de soumettre leurs offres de prix pour le projet portant sur la réalisation d’un réacteur n° 6 à Dukovany ainsi que des réacteurs 3 et 4 à Temelín. »
Les trois sociétés initialement candidates à la construction d’un nouveau réacteur à Dukovany, une des deux centrales nucléaires existantes en Tchéquie, ont soumis une offre formelle au groupe énergétique ČEZ à la fin du mois d’octobre dernier, faisant ainsi entrer le choix du fournisseur dans sa dernière ligne droite. L’objectif à terme pour la Tchéquie est de faire passer à 60 % la part du nucléaire dans sa production d’électricité.
Parallàlement à cela, il avait également été demandé aux trois sociétés de remettre une proposition indicative portant cette fois sur la réalisation de trois réacteurs supplémentaires, répartis donc sur les sites de Dukovany, à une trentaine de kilomètres au sud-ouest de Brno, et de Temelín, 150 kilomètres plus à l’ouest. C’est précisément cette deuxième option qui semble désormais avoir les faveurs du gouvernement, selon son chef Petr Fiala :
« La procédure en cours montre que la fourniture simultanée de plusieurs réacteurs pourrait nous permettre de réduire le prix par réacteur d’environ 25 %. Nous avons donc décidé de demander aux candidats de soumettre des offres contraignantes pour la fourniture de quatre réacteurs au maximum. Sur cette base, nous sélectionnerons un fournisseur et déciderons alors de la construction ou non de plusieurs réacteurs. »
Électricité de France et les Coréens de KHNP ont jusqu’au 15 avril pour soumettre leurs offres pour un marché dont la réalisation dépasserait alors la vingtaine de milliards d’euros. Mercredi, Petr Fiala n’a communiqué ni sur les montants des offres soumises à l’automne dernier, ni sur la manière dont l’État tchèque entend financer un projet d’une telle envergure.
ČEZ disposera ensuite d’un mois et demi pour évaluer les deux dossiers avant de soumettre son classement au gouvernement. Ce dernier décidera alors de la suite à donner au projet, mais selon le cabinet, cette nouvelle modification de l’appel d’offres ne devrait pas remettre en cause la date de la mise en service du premier réacteur à Dukovany, toujours envisagée pour la fin de l’année 2036.