Olivier Bohler : « Voir Melville en festival est merveilleux »

'Sous le nom de Melville'

Dans le cadre du 47e festival du film de Karlovy Vary qui s’est achevé le 7 juillet était organisée une grande rétrospective du cinéaste français Jean-Pierre Melville, auteur de grands films tels que « Le silence de la mer » ou « L’armée des ombres ». Olivier Bohler est un jeune réalisateur qui a réalisé un documentaire intitulé « Sous le nom de Melville », présenté au festival. Il est revenu sur la découverte de Jean-Pierre Melville au micro de Radio Prague.

Olivier Bohler
« Je me souviens du premier film de Jean-Pierre Melville que j’ai vu, je devais avoir une dizaine d’années, pas plus. J’avais découvert ‘Le Doulos’, à la télévision, un soir, c’était un film en noir et blanc, donc a priori pas un film qui pourrait intéresser un enfant de dix ans. Je sais que c’est une histoire dont le tragique m’avait complètement bouleversé : à la fin, j’étais désespéré de ce qui arrivait à ce pauvre Jean-Paul Belmondo. Cela m’a profondément marqué alors même que je ne savais pas qui était Melville, ni Belmondo. Ce n’est que plus tard, en revoyant d’autres films de Melville que j’ai refait le lien avec ce film. Ma redécouverte, c’était en cherchant un sujet de thèse en cinéma. Je peux la dater précisément, c’était un 14 juillet... »

Tout un symbole...

« En effet, parce que c’était, comme pratiquement tous les ans, la rediffusion de ‘L’armée des ombres’, qui est un peu u n emblème national. C’est un film que les gens ont trop vu à la télévision, qu’on ne regarde plus. Il passe, et il tourne dans le fond, sans qu’on ne le regarde pour le fond de ce qu’il dit... »

Et puis ce film est un classique...

'Sous le nom de Melville'
« Parce que c’est un classique, qu’il y a Lino Ventura et Simone Signoret etc... En regardant ce film avec plus d’attention, j’ai réalisé qu’il était absolument extraordinaire. Non pas qu’il s’agissait d’un classique figé, mais que derrière se trouvait un auteur extrêmement puissant, avec des choix très particuliers, très radicaux, qui normalement devraient faire que ce film ne soit pas un film grand public et pourtant qui arrive à le toucher. C’est un film qui a souffert d’avoir été fait entre 1968 et 1969, du poids que pouvaient représenter la Résistance et le Général De Gaulle à l’époque... Idéologiquement, c’est un film qui a été fait au pire moment pour qu’il soit considéré par une critique intellectuelle exigeante, qui existait bel et bien en France à l’époque, qui a défendu des films merveilleux, mais qui n’était pas apte à défendre un tel film à ce moment-là. C’est donc un film qui a remporté un succès immense au niveau du public, comme beaucoup de films de Melville, comme ‘Le cercle rouge, mais qui comme ce dernier, a été balayé par la critique. Or Melville est mort quelques temps après, en 1973... »

Et son cinéma est tombé dans les oubliettes...

« Exactement. En voyant ‘L’armée des ombres’ ce jour-là, je me suis dit que c’était complètement absurde, qu’il y avait un vrai cinéaste derrière ce film, qui idéologiquement et moralement aurait également dû toucher cette critique-là. Mais ils ne l’ont pas vu. »

'Sous le nom de Melville'
Le festival de Karlovy Vary présente une grande rétrospective Melville. C’est important que Melville soit redécouvert également dans des festivals et pas seulement dans des cinéclubs ?

« Effectivement, l’importance des festivals est capitale pour l’œuvre de Melville en particulier. Certains films sont difficiles à voir pour des questions de droits. C’est merveilleux de pouvoir voir ‘Le samouraï’ à Karlovy Vary, c’est la première fois depuis longtemps qu’il est montré. C’est une copie qui ne peut pas circuler habituellement. Les questions de droits ne sont réglées que depuis peu de temps. C’est donc une redécouverte pour beaucoup de gens. Cela permet, en festival, de voir la cohérence de cette œuvre, de voir son évolution. Le public a donc une vraie chance ! Evidemment, voir les films de Melville en festival est une très belle opportunité. »