Palmarès des Lions tchèques : la série « Volha » crée la surprise
Samedi 9 mars, veille de la cérémonie des Oscars, ont été décernés, à Prague, les Lions tchèques qui récompensent les films les plus marquants de l’année 2023. Cette année, cependant, c’est d’abord une série télévisée qui a été plus particulièrement à l’honneur de la soirée.
Légendaire voiture de l’ère soviétique fabriquée par le constrcuteur russe GAZ, la Volga (« Volha » en tchèque) est au cœur de la mini-série éponyme produite par la Télévision tchèque qui a raflé cinq statuettes de lion. L’Académie tchèque de cinéma et de télévision l’a distinguée dans les catégories du meilleur acteur et du meilleur acteur dans un second rôle, tout en récompensant ses costumes, maquillages et coiffures.
« Volha » raconte l’histoire de Standa Pekárek, chauffeur au service de la Télévision tchécoslovaque dans les années 1970 jusqu’à la révolution de Velours. « C’est un personnage égocentrique qui excelle dans l’élaboration de petits trucs et astuces, du genre comment voler de l’essence, trafiquer le kilométrage, tromper sa femme, se débarrasser de la concurrence... Pas étonnant qu’il devienne collaborateur de la police secrète communiste et qu’il dénonce tous ses passagers sans remords ». C’est ainsi que le producteur Josef Viewegh dressait le portrait du personnage principal au moment de la sortie de la série. Comme il l’a confié à la Radio tchèque à l’issue de la cérémonie de samedi, Josef Viewegh ne s’attendait pas à un tel succès public et critique de « Volha » :
« Nous avons conçu le personnage de Standa Pekárek comme celui d’un anti-héros, de quelqu’un de jeune et beau mais avec un très mauvais caractère. Or, il est devenu extrêmement populaire parmi les spectateurs qui connaissent désormais par cœur ses répliques qu’ils trouvent amusantes. Nous nous sommes rapidement rendu compte qu’il était perçu comme un personnage positif par une partie du public … Certes, cela est dû au charme de l’acteur Kryštof Hádek, mais cela dit aussi quelque chose de la société tchèque actuelle. Mais je ne veux pas aller plus loin… »
Contre toute attente, le biopic « Bratři » (« Les frères »), film événement de l’année 2023 du fait qu’il ouvre un chapitre controversé de l’histoire tchèque, n’a remporté qu’un seul prix, en l’occurrence celle du Meilleur film, alors qu’il avait été nommé dans 15 catégories.
Le drame « Bratři » est consacré aux frères Mašín qui, en 1953, ont fui la Tchécoslovaquie communiste les armes à la main avec, pour objectif, de rejoindre l’armée américaine pour continuer à combattre le régime totalitaire. Faisant plusieurs victimes lors de leur cavale, ils ont finalement réussi à traverser le rideau de fer et à s’installer aux États-Unis. Héros pour certains, assassins pour d’autres, les frères Ctirad et Josef Mašín divisent la société tchèque aujourd’hui encore.
Après le sacre du film, réalisé par Tomáš Mašín, parent lointain des deux frères, le producteur Petr Bílek a tenu à remercier Ctirad, décédé en 2011, et Josef qui vient de fêter ses 92 ans dans sa demeure en Californie :
« Vous devriez d’abord vivre cette histoire pour que nous puissions la tourner », a-t-il déclaré.
Déjà primé au Festival de Toronto, le nouveau court-métrage d’animation de la réalisatrice russe installée à Prague Daria Kashcheeva intitulé « Electra » a décroché le Lion tchèque du meilleur film étudiant. Alors que son précédent film « Dcera » (« La Fille »), qui a remporté l’Oscar étudiant, traitait de la relation père-fille, « Electra » aborde le sujet du rôle de la femme dans nos sociétés.
L’occasion pour Daria Kashcheeva de dénoncer, lors de la cérémonie pragoise retransmise en direct à la télévision, les conditions de travail des femmes cinéastes en Tchéquie. Son discours a toutefois été coupé faute du temps de diffusion : un faux-pas ensuite largement commenté par les médias. Daria Kashcheeva s’est ensuite confiée au micro de la Radio tchèque :
« Je voulais transmettre un message que j’estime important pour l’industrie du cinéma. Il est important de dire à quel point il est difficile d’être à la fois mère et cinéaste. Souvent, les femmes sont obligées soit d’abandonner leur carrière, soit de sacrifier leur vie familiale. Nous l’avons bien vu sur le tournage d’Electra, où il y avait quatre mères de famille dans notre équipe. »
A noter enfin la présence, à la 31e cérémonie des Lions tchèques, d’une autre personnalité féminine du cinéma, à savoir la réalisatrice polonaise Agnieszka Holland qui tourne en ce moment en Tchéquie un biopic sur Franz Kafka : co-produit par la Télévision tchèque, son dernier film « Green Border » a reçu le prix de la réalisation exceptionnelle.