« Pas de récession mais un ralentissement très net de l'économie tchèque »
Entretien aujourd'hui avec Kamil Janáček, économiste en chef de la Komerční Banka, filiale du groupe Société générale en RT.
Dans quelle mesure la RT est-elle touchée par la crise ?
« Il faut diviser la réponse en deux parties. D’abord, le secteur financier et bancaire n’est pas touché. Nous avons eu une petite crise bancaire il y a onze ans. Pour cette raison, toutes les grandes banques tchèques sont dans les mains du capital étranger, le contrôle des risques est de bonnes qualité, et les taux d’intérêt étaient les plus bas de l’UE pendant trois ans et demi. Il y a assez de liquidités en RT, les entreprises et les ménages tchèques ont pris des crédits seulement en couronnes tchèques, donc nous avons évité ce qui s’est passé dans les Pays Baltes et la Hongrie, ou des prêts ont été accordés en euros et en francs suisses. »
« La deuxième partie de la réponse est la suivante : naturellement, parce que l’économie tchèque est une économie ouverte, très dépendante de l’économie mondiale (la part des exportations dans le PIB est de presque 80%), le ralentissement de la croissance ou la récession dans les grands pays de l’eurozone a beaucoup touché l’économie tchèque et après trois ans de croissance à plus de 6%, cette année la croissance sera de 4%, et on attend 2% l’année prochaine. Il n’y aura pas une récession de l’économie tchèque mais un ralentissement très net. »D’autant que la production automobile joue désormais un rôle important et que le secteur est particulièrement touché par la crise.
« On évalue que la production automobile représente 9% du PIB et plus de 20% des exportations industrielles. Il faut dire que cette industrie est divisée en deux parties : il y a la production automobile avec trois usines qui vont produire au total 860 000 automobiles, ce qui fait beaucoup pour un pays de 10 millions d’habitants. Je crois que la production automobile ne sera pas tellement touchée, mais la deuxième partie de l’industrie, la production de pièces détachées va, elle, être sensiblement touchée. Parce qu’ici sont d’abord produites des pièces pour des constructeurs en France, en Allemagne et en Espagne. »
« J’ai parlé avec des managers de TPCA et de Hyundai, et ils affirment qu’ils ne seront pas touchés par la récession en Europe centrale parce qu’ils produisent des petites voitures conformes aux nouvelles normes de l’UE. La situation est un peu plus compliquée pour Skoda, parce que la production de plus grandes voitures va être touchée. D’après les estimations, environ 10% des employés qui travaillent dans l’industrie automobile vont perdre leur emploi. »En Slovaquie, politiciens et économistes s’accordent pour dire qu’il est mieux d’avoir l’euro dans ces temps mouvementés. Ici, c’est l’inverse : politiciens et banque centrale préfèrent attendre. Pourquoi ?
« Cela dépend de la situation dans chaque pays. Je crois qu’il y a plusieurs facteurs qui expliquent pourquoi la couronne tchèque a jusqu'à maintenant protéger la RT des turbulences financières. Le taux d’intérêt était plus bas que dans l’eurozone, donc la couronne était meilleur marché pour les entreprises. A la différence du forint hongrois, la volatilité du taux de change de la couronne tchèque est assez basse. Depuis 1993, le taux de change de la couronne est resté dans une fourchette de 11%, ce qui est dans l’intervalle exigé par les critères de Maastricht. En plus, je crois que la politique monétaire autonome de la banque centrale tchèque a été bien menée jusqu’à présent et a aidé à préserver la stabilité de la monnaie. Ce n’était pas le cas en Hongrie. Le forint a été très volatile ces dernières années. Les Hongrois veulent maintenant adopter l’euro mais n’en sont pas capables dans la situation économique actuelle. »Les chefs d’entreprise tchèques veulent aussi l’euro…
« Je ne sais pas pourquoi, parce que les taux d’intérêt vont monter (rires)… Non, en réalité, nous savons que nous adopterons l’euro. La première date possible est 2013 ; je crois que la date réelle est 2014. »