Pavel Houdek, fer de lance du mouvement #MeToo en Tchéquie

Photo illustrative: surdumihail, CC0

Coach en autodéfense, vegan et militant, Pavel Houdek ne se proclame pas féministe, alors même qu’il s’est fait connaître en réagissant à la campagne #MeToo par le biais d’une vidéo postée sur les réseaux sociaux alors que les médias tchèques n’ont à l’époque guère mis en avant les victimes de harcèlement sexuel. Elu Genderman en 2017 par l’organisation Open Society, il fait désormais partie des figures emblématiques du féminisme en République tchèque.

Dans le cadre de la Nuit des idées, organisée jeudi par l’Institut français de Prague, Radio Prague s’est entretenu avec un homme qui a mis ses compétences en arts martiaux au profit de la cause féminine :

« Chaque homme a une femme dans sa vie. Cela peut être une mère, une sœur, une amie, une épouse, une fille… Et nous ne souhaitons pas qu’elles soient victimes de violences. Donc, nous devons essayer de changer. »

« Féministe », une étiquette qu’il ne souhaite pas porter mais qui lui colle pourtant bien à la peau. Selon Pavel Houdek, le féminisme ne devrait pas être un parti-pris mais une norme sociale évidente. Il préfère se positionner comme fervent défenseur de la cause féminine. C’est d’ailleurs par le biais de cours d’autodéfense qu’il donne qu’il a pris conscience du réel problème que certaines femmes pouvaient expérimenter au quotidien, lui permettant ainsi d’introduire de nouvelles stratégies de combat :

Pavel Houdek,  photo: Ivana Veselková
« Il y a dix ans, quand j’ai commencé à donner des cours d’autodéfense, j’apprenais à donner des coups, à les bloquer, à les éviter… Puis plus de personnes ont commencé à venir et je leur ai demandé la raison pour laquelle ils venaient à ces cours. Et la grande majorité des femmes m’ont répondu qu’elles ne venaient pas pour apprendre à attaquer. Mais elles me rapportaient plutôt des témoignages du type : ‘Je travaille tard et je suis inquiète de rentrer seule la nuit ou même le jour’» ou elles me racontaient qu’elles se sentaient menacées dans la rue après avoir expérimenté des situations de harcèlement sexuel et elles souhaitaient apprendre à réagir en cas d’urgence. Dans ce cas, leur apprendre à se battre n’était peut-être pas la meilleure solution… Donc j’ai commencé à étudier le droit et la criminologie et j’ai pris connaissance de chiffres surprenants : 11% des femmes tchèques ont été victime de viol au moins une fois dans leur vie. Et encore plus inquiétant, dans 95% des cas l’agresseur était connu de la victime. »

Pavel Houdek a donc décidé de se battre aux côtés des femmes en donnant des conférences et en participant à des débats comme celui de la Nuit des idées notamment. La récente campagne #MeToo ou dans sa version francophone #BalanceTonPorc qui a été popularisée en 2017 sur les réseaux sociaux après l’affaire Weinstein, encourageait les femmes à dénoncer leurs agresseurs. C’est suite au déferlement de témoignages sur la toile que Pavel Houdek a décidé de réagir en partageant une vidéo sur les réseaux sociaux qui a énormément attiré l’attention :

« J’ai juste commencé à lire ce que mes amies ont posté sur les réseaux sociaux sous le hashtag #MeToo. Je n’étais pas surpris car j’entends ce genre d’histoires tous les jours au travail. Mais les commentaires qui suivaient ces histoires étaient horribles et écœurants. C’était juste de la méchanceté pure. Cela m’a mis en colère et j’ai décidé que je devais faire quelque chose. J’étais énervé car la moitié des commentaires essayer d’excuser les agresseurs et de culpabiliser les femmes. Les femmes qui ont posté ces témoignages méritent l’attention et le respect. »

Photo illustrative: surdumihail,  CC0
La campagne #MeToo est apparue aux Etats-Unis et a eu d’importantes répercussions en Europe, et notamment en France. Contrairement à la République tchèque où celle-ci n’a eu qu’un faible impact médiatique ::

« J’essaie d’être optimiste mais lors de ce mouvement, la plus grande visibilité médiatique a été happée par de nombreux antiféministes qui ont soudainement eu énormément d’espace pour propager leur idées contrairement aux victimes. Le débat public s’est davantage penché sur des questions pratiques, à savoir si une femme pouvait désormais ouvrir la porte à un homme devant elle ou accepter l’aide d’une femme pour porter une valise… Au lieu de nous pencher sur ce type de questions, nous aurions dû parler davantage des causes des violences sexuelles. Cependant, la plus plupart des gens, surtout la jeune génération connectée, ont appris que ce problème est largement répandu dans notre société. Chacun connaît au moins une personne ou plus qui a subi un harcèlement sexuel. Enfin, les victimes savent désormais qu’elles ne sont plus seules et que le problème ne vient pas d’elles mais de la société. »

Photo: Archives de ČRo
Apprendre à dire non serait la principale solution pour intégrer ce respect envers les femmes au sein même de la société. C’est ce que Pavel Houdek introduit par ailleurs dans ses cours d’autodéfense qu’il qualifie de modernes et qui pourrait transformer profondément ce modèle patriarcal :

« Il faut commencer par apprendre où se trouve ses propres limites et à les défendre verbalement et physiquement avec le langage du corps notamment. Puis plus tard, nous pouvons approcher la violence physique. Si tout le monde prenait connaissances de ses limites et savait les défendre, je suis persuadé qu’il y aurait beaucoup moins de violences physiques. »

« Souvent les femmes me racontent que grâce au cours d’autodéfense elles ont osé quitter un job qu’elles n’aimaient pas ou qu’elles ont quitté leur partenaire qui ne les respectaient pas. Les bénéfices d’apprendre à se défendre correctement, n’est pas seulement de se défendre en cas d’attaque physique mais cette activité apporte surtout une plus grande estime de soi. »